V.12, de la FIN le DEBUT [Livre interactif - terminé]

7.7. JUILLET : De la FIN... la FIN (rapport V°7)

7.7.

Voilà.

Ils sont partis comme ça. Simplement partis.

Juillet, Septembre, Octobre, Novembre.

Est-ce que tout le monde part ainsi dans une vie ?

Pas d'au revoir, adieu ou quoi que ce soit. Les yeux abaissés et honteux de Juillet contrastaient avec ceux humides de Novembre. Je confirme qu'un regard frappe plus que mille mots. Je valide aussi que c'est après-coup qu'on aimerait revenir en arrière et changer nos décisions. Vous savez, Schröd, juste dire des choses simples.

Des trucs comme : « pardon », « c'est pas grave », « je ne t'en veux plus », « je t'aime », « prends soin de toi »... Puisque les choses banales brisent, je me demande si ces mêmes banalités rapprochent. Bordel, je n'ai même pas eu de réaction devant leur regard. J'étais là, sidérée, avec mes reproches. Et maintenant ? j'en fais quoi de mes ressentiments ?

Malgré tout ce que nous avons vécu, ils sont partis, comme un souvenir au réveil.

Je pense que Juillet et Novembre seraient restés, si nous leur avions pardonnés. Mais c'était trop dur. La perspective de l'extérieur est très différente pour Mai et Juin. Elles n'ont plus de famille dehors. Mai est âgée et seule depuis longtemps, Juin a perdu son père lorsqu'elle était jeune. Si personne ne vient nous chercher maintenant, leur position est de voir ce qui se passe ici.

Pendant combien de temps encore ce petit jeu va durer, maintenant que nous connaissons la vérité et que nous ne répondons plus au rapport ? Il n'y a d'ailleurs plus de questions dans ce maudit rapport mensuel.

Décembre a partagé notre ressenti, elle nous a conjurées de ne pas sortir. Bien que nous ayons été méfiantes, notre défiance envers le Dôme était encore plus forte. Je ne cache pas que retrouver Décembre me fait du bien, même si je rejette toute proximité avec elle. Oh oui, je crève d'envie de la sentir contre moi, mais la confiance Schröd, chez les vrais humains, pas les voix comme vous, la confiance conditionne tout.

Bref, des points de vue différents, mais la même situation. De fait, nous sommes soudées.

Vous savez ce que je me dis, Schröd, ce qui tourne dans ma petite tête ? « Et si c'était VRAI tout ce bordel ? »

Si c'est le cas, que ce n'est pas juste une expérience, ça veut dire qu'en sortant nous nous dirigeons vers une mort certaine. Ça veut aussi dire que le mois dernier, quand j'ai choisi de ne pas répondre, des milliers -peut-être des millions- de pauvres gens sont morts ? Qu'à chacune de nos pitoyables décisions ce fut le cas ?

Maintenant que nous approchons de la fin, et alors que je sais que c'est une expérience, tous ces moments deviennent si réels.

L'inverse est tout aussi vrai. Et si toutes ces révélations étaient encore un coup monté ? Si je suis la seule non scientifique, cela signifie-t-il que je suis celle qui est évaluée ? et donc, que tous les autres sont des complices d'une sorte d'expérience effroyable contre moi ? Vous voyez toutes les questions qui tournent...

Mai et Juin me disent que c'est normal, elles s'interrogent aussi. Ce matin, en prenant le café, Juin me racontait que Darwin se demandait si la morale ne découlait pas en droite ligne des instincts sociaux des animaux. Ça me fait du bien ce genre de discussion qui ne sert à rien avec Juin.

Décembre nous délivre tout ce qu'elle sait, des détails importants pour la confiance, mais inutiles pour nos décisions concrètes. Octobre n'étant plus là pour nous faire part de ses idioties improvisées, je peux désormais établir mes propres conclusions. Je pense que chaque époque découvre un aspect de la condition humaine, à chaque époque les humains se racontent des choses, se choisissent en face d'autrui, de l'amour, de la mort, du monde.

Même si je vous déteste, Schröd, cet endroit est devenu le seul lieu rassurant pour moi. Ici, je peux dire ce que je pense, exprimer mes doutes et m'éloigner de ce qui se passe là-haut.

Cette espèce de grotte est devenue ma lumière. Et vous, Schröd, vous êtes comme un père ; c'est utile de vous haïr.

Nous allons finir par sortir, c'est une évidence. La question est : quand et sur décision de qui ? Nous ne le savons pas à l'avance. Mai et Juin nous ont dit qu'elles sortiraient avant nous, par prudence, en séparant ainsi le groupe. Juin est tellement curieuse et Mai si protectrice.

Pour Décembre, c'est clair. Il faut que nous restions, jusqu'à la Fin. La Fin de quoi, je crois qu'elle ne le sait pas elle-même.

Si tout est vrai, Juillet, Septembre, Octobre et Novembre sont déjà morts. Si tout est faux, ils sont tranquillement retournés voir leurs familles. Dans peu de temps, je marcherai à mon tour vers la vérité, en attendant je demeure dans ce double état, à la fois vivante mais enfermée, à la fois dans la vallée de la mort. Vous savez ce que je me dis, Schröd ?

Quelle que soit l'issue, au moins, je serai vraiment libre.

Vous approchez de la FIN du Dôme (poursuivez 🡪 7.11.).