4.4. AVRIL : "De nouveaux virus et de nouveaux hommes" (rapport V°4)

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4.4.

Pr Schrödinger, c'est Avril.

Les données des laboratoires et les observations des spécimens nous ont apportées de riches enseignements.

Sous l'impulsion de Juin, experte en études anthropologiques et ethnologiques, nous avons pu effectuer des séries d'expérimentations originales et les confronter à nos autres données, tant quantitatives, chiffrées, que qualitatives, comme les observations du terrain. Enfin... du rez-de-chaussée.

D'ores et déjà, voici les retours globaux sur le plan virologique. Conformément aux données des dossiers, nous confirmons que le virus se répand, il progresse et ne cesse d'évoluer à une vitesse stupéfiante. Si nous devions mettre en balance biologie et physique, ce virus serait la particule qui défie la vitesse de la lumière, hahaha !

Pardonnez-moi, Pr Schrödinger, ceci n'était pas approprié.

Nous avons noté qu'il existait bien une souche d'origine, qui en est à sa douzième mutation.

« V.12 ».

En si peu de temps... le V.12 fut décelé sur les spécimens comme sur des réfugiés. Si au départ, seuls certains d'entre eux étaient contaminés, ils sont, en l'espace d'un clignement d'œil, une majorité « touchée ». Cela les rend agressifs, oui, il est vrai, mais surtout stratégiques.

Juin nous a appris que les mammifères avaient une conscience aiguë de la moralité et du sentiment de Justice grâce à deux piliers fondamentaux : la réciprocité et l'empathie. Elle eut alors l'idée de vérifier si les « touchés » perdaient ou non ses deux facultés, et si oui, de quelle manière.

Notre découverte fut surprenante puisque nous avons dû réviser notre protocole d'analyse.

Au départ, nous avions simplement découpé nos observations en deux groupes, les « touchés » et les sujets « sains ». Comme vous le savez en sciences cher Professeur, nous divisons toujours les groupes d'analyse en groupe « contrôle », sur qui aucune étude n'est menée, un groupe comparatif disons, et un groupe « expérimental » sur qui se porte les modifications possibles.

Nous divisons également lors des études les sujets « naïfs », ceux qui sont observés, des sujets « pairs » ou complices à l'étude. C'est-à-dire des membres qui font « comme si » ils étaient naïfs, alors qu'ils aident en réalité la mise en place de l'étude.

Bref, vous comprenez, nous divisons toujours en deux.

Mais ici, nous avons dû réviser notre logique d'analyse. Il y a le groupe des « touchés » et le groupe des « non-touchés ». Mais dans le groupe des non touchés, devons-nous nous intégrer, nous les observateurs ? Que faire de ceux qui, comme nous, participent en vérité à l'étude et sont des membres de la société étudiée ?

Pourquoi vous dis-je cela, Professeur ? Pour une raison importante, essentielle, consubstantielle à notre survie à tous. J'y viens.

Donc, grâce à Juin, nous avons pu observer les Touchés dans deux situations différentes.

Au sein de la première, les touchés pouvaient nourrir ou non, soigner ou non, « prendre soin » en somme ou non, une autre personne, mais sans que cela coûte. Le touché était face à un choix. Il devait sélectionner des jetons répartis en deux couleurs. Si le touché prenait la première couleur, il recevait des éléments, s'il prenait l'autre couleur, il les recevait aussi, tout en permettant à un autre de manière aléatoire d'en recevoir.

Systématiquement, les Touchés se montraient prosociaux...

Des flashs s'activaient, effectivement, mais ne désamorçaient en rien le « souci de l'autre » qu'ils avaient. Leur mémoire prospective tournée vers l'avenir n'étant pas affectée, ils peuvent anticiper le soutien à autrui du fait de leurs décisions.

Au sein de la seconde expérience, il s'agissait de vérifier non plus l'empathie possible, mais leur « réciprocité », moteur du sentiment de Justice ou d'injustice. Pour cela, les éléments étaient tout aussi simples. Lorsqu'ils effectuaient certaines tâches du quotidien, ils recevaient une forme de récompense.

Puis, pour la même tâche, un écart de récompense a été créé. En principe, ils auraient dû vivre une forme d'injustice, manifestée par de la colère, de l'énervement ou de la frustration.

Rien.

Les touchés ne réagissaient plus à l'écart de traitement. Ils sont dans l'incapacité de comparer les traitements, voire peuvent valoriser les écarts de traitement si cela leur profite... mais ne s'en sentent nullement affectés dans le cas contraire. Ils sont détachés de toute forme de comparaison, de comparaison avec le passé, chaque jour est nouveau et chaque jour se vit en lui-même.

En quoi y a-t-il un problème de catégories ? Eh bien, les « touchés » ont un maintien de l'empathie si elle se tourne vers l'avenir, mais n'ont plus de réflexion quant à la réciprocité, l'égalité et la « justice ».

L'un des deux piliers du sentiment profond de moralité est affecté.

Mais cela ne signifie pas que les « non-touchés » soient sains... nous avons découvert que pour leur part, même sans être contaminés par le virus, leurs piliers sont aussi troublés.

Les non-touchés parviennent à la comparaison, mais ne témoignent plus d'empathie. Leurs scores à l'épreuve du souci de l'autre sont faibles, tellement faibles.

Voilà pourquoi un troisième groupe existe... le nôtre. Nous devenons les exceptions de l'espèce humaine qui devient soit empathique, vers le futur, soit animée de Justice, mais pas des deux. Seuls nous préservons cette faculté.

Si le Virus ne cesse de s'étendre, les homo sapiens définis par cette double faculté deviendront une... légende.

Quelle est notre place dans tout cela ?

Face aux résultats, dans un sourire émerveillé et ses petites lunettes posées sur ses yeux clairs, Juin s'est fendue d'une phrase qui m'a paralysée. Avec son œil d'anthropologue amoureuse de la nature, notre petite aventurière blonde à queue de cheval s'est exclamée ainsi : « Les amis, la nature a fait l'humain heureux et bon, mais voyez comme la société le déprave et le rend misérable. »

En effet, nul besoin d'un virus pour que nos sentiments profonds puissent être révisés. Les relations, affectives, sociales, sociétales, font autant de bien que de mal.


Trop d'informations vous échappent sur ce qui se passe au sien du Dôme. Vous souhaitez avoir un complément nécessaire sous la forme d'observations scientifiques, comme proposées par Avril ici. (rendez-vous 🡪 4.2.) ;

Si vous avez déjà obtenu les retours d'observations de l'équipe menée par Avril (4.2. et 4.3-1/2/3.), mais que vous n'avez pas encore procédé à des interrogatoires approfondis avec les réfugiés. Vous estimez que c'est désormais nécessaire (rendez-vous 🡪 4.5.). Si vous aviez débuté (4.6-1 pour les SS ou 4.7-1 pour les 7e), poursuivez simplement avec l'autre groupe à interroger (rendez-vous 🡪 4.6. ou 4.7.) ;

Si vous avez déjà obtenu les retours d'observations de l'équipe menée par Avril (4.2. et 4.3-1/2/3.), ainsi que les interrogatoires (4.5., 4.6., 4.7.), une chose essentielle vous manque encore. Vous souhaitez éclaircir la question de « l'Hiver », la drogue qui sévît à l'intérieur du Dôme (dirigez-vous 🡪 4.8.).

V.12, de la FIN le DEBUT [Livre interactif - terminé]Where stories live. Discover now