3-Le Charr

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Quelques jours plus tard, alors que je jouais tranquillement dans le bassin de la cour intérieure, Ignis arriva accompagnée d'une immense créature poilue, cornue et griffue. Hurlant de terreur, je courrais me cacher dans ma chambre, barricadant comme je le pouvais la porte derrière moi. Je vérifiais qu'il n'existait aucune autre issue quand j'entendis Ignis éclater de rire en même temps que la créature émettait un bruit fort inquiétant, comme si deux pierres étaient frottées l'une contre l'autre. Ignis arrêta de rire tandis que l'étrange bruit continuait. Elle m'appela au travers de la porte et sembla nommer la créature "Breuk" prétextant qu'il n'était pas méchant. Je me rapprochais de la porte de ma chambre devant laquelle j'avais essayé de pousser mon lit quelques instants auparavant. La voix d'Ignis se rapprochait et le ton amusé avait disparu. Elle m'ordonnait de sortir accueillir notre invité. Je repoussais timidement le lit qui bloquait la porte et l'entrouvrit. De l'autre côté, je vis la tête d'Ignis qui me regardait avec un grand sourire. Son ton se radoucit quand elle me présenta à l'immense créature qui me faisait face. J'ouvris complètement la porte et sortis en baissant la tête. Ignis me poussa vers l'étrange créature.

- Dragonne, je te présente Breuk la Faucille. Jusqu'à présent tu n'as rencontré que des humains. Mais il existe d'autres races intelligentes.

Le Charr posa un genou au sol et s'inclina. Sa voix était grave et rauque quand il me salua, comme deux rochers qui rouleraient l'un sur l'autre. A la fin de sa phrase, il découvrit ses dents. Elles étaient longues, pointues et très intimidante. Instinctivement, je reculais vers Ignis mais elle me repoussa vers lui et nous regarda à tour de rôle. Après s'être excusé, Ignis prit congé en m'indiquant d'un regard sévère que je me devais d'être irréprochable. Elle partit en direction de son bureau et avant que je n'aie le temps de prononcer la moindre phrase, elle avait déjà refermé la porte derrière elle. Breuk toujours à genou tendit vers moi ses pâtes griffues et d'un air qu'il devait penser avenant m'invita à m'approcher. Me sachant seule avec cette créature, je l'étudiais plus en détail. Breuk possédait deux grandes paires de cornes sur le sommet de sa tête. De longues griffes sur ses mains et ses pieds. Il portait une imposante armure bleue et son corps, du moins les rares parties qui était visible, était entièrement recouvert de poils noirs. Je ne me sentais pas du tout rassurée seule face à lui. Il devait mesurer plus de trois fois ma taille. Je m'approchais de lui et saisis l'une des griffes de sa main. Je retournais sa main dans tous les sens, à la place d'une paume bien lisse, il possédait des coussinets chaud et rugueux. Il se laissait faire aussi docilement qu'un chaton. Oubliant ma peur, je continuais mon inspection en me rapprochant de lui. Alors que je touchais ses bras, cherchant ses muscles sous les poils, il me sourit. J'attrapais sa tête et l'étudiais à son tour. Il ne fit aucun mouvement qui pourrait me menacer ou stopper mon action.

- Qu'est-ce que vous faites au Promontoire Divin ?

- Je garde la loi. Tant que tu restes du bon côté de la loi, tu n'as rien à craindre de moi.

- Toi aussi tu protège la reine ?

- Oui, je travaille avec Ignis à garantir la sécurité de sa majesté.

- Donc tu es un gardien toi aussi ?

Breuk refit le même bruit inquiétant qu'il avait fait quelques instants plus tôt. Je reculais de nouveau, mais son expression n'était pas intimidante. Il semblait plutôt rire même si cela semblait difficile à déterminer à cause des trop grandes canines qu'il possédait.

- Non. Je suis un guerrier.

- Mais alors tu n'as pas de magie ?

- Dans certains cas, la distinction est plus compliquée. Tout le monde peut devenir un combattant. Mais les vrais guerriers restent rares.

- C'est quoi la différence ?

- Tout comme il existe une magie des gardiens, il existe une forme de magie pour les guerriers. Grâce à cette magie, je suis plus fort, plus résistant et plus endurant qu'un simple combattant. Peu importe sa race d'origine.

Je plongeais mon regard dans le sien et vis qu'il dégageait une grande puissance mais aussi une grande douceur.

- En règle générale, ma seule présence suffit à décourager les personnes souhaitant porter atteinte à la vie de la reine.

Alors que la discussion était sérieuse sa dernière phrase avait été prononcé avec une désinvolture évidente ce qui me fit rire, malgré moi.

- D'où est-ce que tu viens ?

- D'Ascalon. Une région toute à l'Est juste au Nord du Désert de cristal.

- Je ne vois pas du tout où c'est.

- As-tu de quoi écrire ?

Je courus vers ma chambre et rapportais à Breuk une plume et de l'encre. Durant mon aller-retour, il c'était relevé. Il prit la plume et l'encre que je lui tendais et commença à dessiner sur le sol une grande carte. Il fit une croix à peu près au centre de la carte.

- Ça c'est le Promontoire Divin.

Alors qu'il se déplaçait sur la carte, Breuk me donnais des noms de villes et de provinces. Il me montra Hoelbrack la capitale Norn où Thrùd était née, et la Citadelle Noire, capitale des Charrs. Les plaines d'Ascalon s'étendaient au Nord et à l'Est de la Citadelle.

- Comment c'est à Ascalon ?

- Pas très verdoyant. Et rempli de ruines. Nous sommes en perpétuel combat contre les fantômes. Le ciel est sombre et la fumée omniprésente.

Les questions quittaient ma bouche avant même que je ne réussisse à les comprendre moi-même. Nous discutâmes toute l'après-midi et je découvris une nation riche et très différente de celle des humains. Les Charrs avaient fondé les principes de leur société sur la guerre et la valeur au combat. Régie par trois puissantes légions aucuns Charrs n'échappaient à cette éducation martiale. Breuk me montra de qu'elle manière il puisait une force qui le rendait de plus au plus puissant au fur et à mesure que le combat se déroulait. Il finit par m'entraîner au combat à main nues. Mais mes pauvres petits poings ne lui faisait guère plus d'effet que des chatouille. Ignis finit par sortir de son bureau et elle mit fin à notre discussion. Istran allait bientôt rentrer et il était vital qu'il ne soit pas au courant de notre petit manège. Breuk pris congé et Ignis vit la carte de la Tyrie dessinée sur le sol. Voyant qu'on ne pourrait pas la faire disparaître avant le retour d'Istran nous décidâmes d'inventer une histoire à son sujet. A son retour Istran ne fit aucun commentaire sur ladite carte, à croire qu'il ne l'avait même pas vue. Les jours passèrent et Istran et Ignis furent de nouveau accaparé par leur devoir à la cour. Je me retrouvais de nouveau seule durant la journée. Ignis ordonna à l'un des domestiques de m'apprendre à lire et elle me ramenait des livres sur les différentes races qui peuplaient la Tyrie. Alors qu'Ignis fut de nouveau débordée, je me retrouvais une fois encore seule. Je lui réclamais des livres sur l'histoire des Charrs et par extensions sur toutes les races de la Tyrie. Un livre par un livre, je découvris la diversité de la Tyrie. Voyant qu'elle me délaissait de plus en plus, Ignis se sentit coupable.

Le fouet : cet art méconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant