59-Fin des tourments

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Avant même de me retourner je savais qui j'allais trouver dans mon dos. Le corps d'Istran était encore chaud et Durban, enragé. En regardant la nervosité de ses golems, je compris rapidement qu'il repartirait à la moindre provocation. Je fus saisie d'une immense panique qui s'aggrava lorsque je vis la magie des gardiens tenter d'entraver Durban. Ce dernier me dépassa pour se jeter sur le nouvel arrivant. Je me retournai sur son passage et vis Aëryk. Il était si beau et si puissant à seulement 21 ans. Ils se lancèrent dans une lutte acharnée. Je les regardai se battre sans savoir ce que je devais faire. Leurs magies fusaient dans tous les sens et le combat s'engageait d'une drôle de manière. Je les pensais de force égale jusqu'à ce que je vois Aëryk lutter plus que Durban. Puis, Durban se jeta sur lui mais cette fois, je laissai mon instinct réagir. Dégainant mon fouet je le fis claquer et l'enroulait autour du cou de Durban. Tirant sur la lanière, je tirai son corps vers moi. Il fut surpris et n'eut guère le temps de réagir. J'ouvrai toutes mes vannes de magie et la déversai le long du fouet. Les éclairs frappèrent Durban au niveau du cou à pleine puissance. Continuant de tirer sur la lanière, je plaquai son dos contre le mien et tirai de toutes mes forces. Il suffoquait et se débattait dans mon dos, tentant désespérément de se défendre avec ou sans magie. Il fouettait l'air de ses mains, cherchant à respirer et ne réussissant pas à lutter contre mes assauts. Je luttais de toutes mes forces pendant que des larmes inondaient mes yeux. Je sentais sa résistance faiblir et Danika m'apparut. Du haut de ses cinq ans, elle s'avança vers moi et prit le fouet dans ses mains. Xarent fit de même et tous les trois nous tirâmes de toutes nos forces. Je hurlais à m'en briser la voix, et pleurais à en inonder la cour. Alors que nous tirâmes toujours plus fort, j'entendis un craquement et le corps de Durban se mit à peser de tout son poids dans mon dos. Il ne se débattait plus et n'émettait plus le moindre son. Haletante, je relâchai la pression que j'exerçais sur le fouet et restai complètement immobile, à l'affût du moindre bruit que Durban pourrait émettre. Mais je ne perçus rien. À bout de force je m'écroulai sur le sol, recouverte par le cadavre de Durban. Et j'entendis sa voix. Une voix douce et aimante. Une voix qui ne me rappelait que de bons moments.

- Dragonne. Qui était-ce ?

À ce moment, je réalisai que je devrais tout expliquer à Aëryk et que je n'avais finalement pas eu de choix dans cette histoire. Quelles qu'aient été mes actions, quelles qu'aient été mes décisions, Aëryk avait parfaitement le droit de m'en vouloir. Je me dégageai du corps de Durban et m'assis à même le sol. Je pris mes jambes dans mes bras et tentai de trouver les mots. Par où devais-je commencer ? Que devais-je lui dire ? Comment devais-je lui dire ? Et surtout, que ressentais-je ? Istran et Durban, les deux responsables de tous mes malheurs, étaient morts. Je ne ressentais aucune joie, ni aucune peine. Peu à peu mes pensées se calmèrent et je commençai à raconter toute l'histoire à Aëryk. De la naissance de Durban jusqu'à aujourd'hui et lui disant tout ce que je savais sans omettre le moindre détail. Plus je parlais, plus je m'apaisais. Je repensai à cette vision de Xarent et Danika m'aidant à les venger. Avais-je rêvée ? Essayais-je de me convaincre que c'était ce qu'ils voulaient ? A la fin de l'histoire, Aëryk me prit dans ses bras et murmura à mon oreille.

- Papa disait toujours : on récolte ce que l'on sème. Je suis sûr qu'il s'attendait à payer pour ses crimes.

Je fondis en larmes dans les bras de mon petit frère et une image de Chaka, le ventre rond, s'imposa dans mon esprit. Je n'avais pas le cœur de dire à Aëryk qu'il allait bientôt être de nouveau un oncle. Pas aujourd'hui. Pas maintenant alors que les corps de Durban et Istran refroidissaient juste à côté de nous et que les golems reprenaient leur décomposition. Ignis finit par rentrer et nous trouva dans les bras l'un de l'autre, entourés de quatre cadavres. Les golems de Durban commençaient à empester l'air qui nous entourait. Ignis ne posa pas une seule question. Elle appela diverses personnes qui vinrent récupérer les corps, et ordonna le nettoyage de la cour. Lorsque tout fut fait et que le soleil disparaissait derrière les murailles du Promontoire, elle nous invita à venir manger un bout avant d'aller nous coucher. Nous mangeâmes rapidement et en silence avant que chacun d'entre nous ne regagne sa chambre. Je me retrouvai seule sous ma couette. Je ne pensais à rien, je ne savais pas de quoi serait fait le reste de ma vie mais plus aucun homme n'aurait le contrôle dessus. Je sombrai dans un sommeil sans rêve et fortement réparateur.

Le soleil se leva et je fis de même. Je me sentais parfaitement reposée et savait ce que je devais faire. Je m'habillai et me dirigeai vers le salon pendant que des oiseaux gazouillaient dans la cour intérieure. Ignis prenait tranquillement son petit déjeuner lorsque je m'installai. Elle portait une longue robe noire sobre et élégante.

- Peut-être pourrais-tu m'expliquer ce qui s'est passé hier soir ? Je sais que le deuxième cadavre appartient à Durban, ton frère et demi-frère d'Aëryk.

Devais-je de nouveau tout raconter comme je l'avais fait avec Aëryk ? Devais-je revivre tout ça une troisième fois ? Je ne supportais plus de raconter encore et toujours la tragique histoire qu'était ma vie. Je voulais oublier une bonne fois pour toutes les atrocités que j'avais vécues mais Ignis, tout comme Aëryk, avait le droit de savoir. Une fois encore, et priant pour que les Dieux m'oublient, je repris le récit de ma vie depuis la naissance de Durban jusqu'à ce matin. Ignis écoutait et ne disait rien. Elle ne m'interrompit pas et ne posa aucune question lorsque j'eus fini.

- Je pense que je dois te remercier dans ce cas. Pour avoir attrapé le meurtrier de ton père. Quant à moi, j'ai fait ce qu'il fallait pour qu'il rejoigne le caveau des Alexi Elle et qu'Aëryk devienne officiellement le gardien de sa majesté. Cette maison est tout autant la tienne, désormais. Sens-toi libre d'y venir à chaque fois que tu le souhaites.

- Tu ne sembles pas affectée par ce qui s'est passé.

- J'ai épousé Istran pour son statut. Pas par amour.

Ignis me lança un petit sourire que je lui rendis avant de me mettre à dévorer tout ce qui me passait sous la main. Aëryk finit par nous rejoindre, lui aussi vêtu de noir. Nous mangeâmes tous les trois et parlâmes de tout ce qui nous passait par la tête. La matinée s'étirait et nous ressemblions enfin à une vraie famille.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now