40-... et renaissance

20 4 0
                                    

Je recommençai à me débattre dans l'espoir de pouvoir écraser cet Asura qui osait paraître satisfait alors que ma petite fille n'était plus de ce monde quand soudain, un son me parvint. Un léger soupir en provenance du lit brisa le lourd silence. Puis une toute petite voix, une voix de petite fille, résonna comme une mélodie salvatrice à mes oreilles.

- Maman ?

Stupéfait, Xarent me libéra de son emprise et nous tombâmes à la renverse. Je me relevai et courus vers le lit de Danika. Elle respirait de nouveau. Les plaies sur son torse s'étaient refermées et n'avaient laissé que six fines cicatrices blanches. Elle ouvrit les yeux et les plongea dans les miens. Je la serrai contre moi et pleurai toutes les larmes de mon corps. Xarent nous rejoignit et nous restâmes tous les trois assis sur le lit, le frêle corps de Danika dans nos bras. Ma soif de sang disparut instantanément dès que j'eus serré son petit corps contre mon cœur. Ckim resta pudiquement dans un coin de la pièce. II attendait que notre attention se reporte sur lui. Danika ne pouvait bouger car son corps s'était atrophié durant ces longs mois d'agonie. Xarent finit par relever la tête vers Ckim.

- Qu'est-ce que tu as fait ?

- Lorsque j'ai examiné ta fille, j'ai décelé une énergie magique. Il y avait une faible chance que la maladie de ta fille soit liée à ses capacités. Ils existent neuf types d'élus. Les moins nombreux sont les revenants. Bien souvent parce que nous mourons avant d'avoir pu accéder à nos pouvoirs. Seul un revenant peut en créer un autre. Encore faut-il savoir déceler les signes. Les aptitudes magiques se révèlent vers l'âge de trois ans. C'est l'âge de Danika n'est-ce pas ?

-  Elle a eut trois ans quelques semaines après l'apparition des symptômes.

- Les revenants doivent mourir s'ils veulent pouvoir revenir et surtout, pour pouvoir récupérer le reste de leur âme. Les revenants sont liés à leurs régénérations antérieures. Danika devait mourir pour pouvoir devenir une revenante. Mais elle devait surtout être guidée sur son chemin du retour.

Je libérai quelque peu Danika de mon étreinte pour pouvoir de nouveau admirer ses beaux yeux et répondre à Ckim.

- Tu aurais pu nous prévenir.

- Sûrement pas. C'est ta douleur qui a guidé l'âme de ta fille vers son corps. Pour revenir parmi nous, elle avait besoin d'un point d'ancrage et d'un peu de magie. D'un phare dans la tempête. Et rien n'est plus fort que l'amour d'une mère. Excuse-moi Dragonne, de t'avoir causé autant de douleur. Mais je n'avais pas le choix.

Je ne pouvais dire si je lui étais reconnaissante ou si je voulais l'étriper. Ma fille était de nouveau en vie et c'est tout ce qui comptait pour moi. Ckim partit dans des explications qui parlait de magie et de flux, de morceaux d'âmes et de liens. Mais je ne l'écoutais pas. Xarent semblait comprendre ce qu'il voulait dire mais cela ne m'intéressait pas. Danika respirait enfin normalement et elle pouvait parler. Elle était faible et il lui faudrait sûrement du temps pour s'en remettre mais, elle vivait. Ckim finit par s'éclipser et nous passâmes une soirée des plus heureuses ce soir-là. Nous étions tellement rassurés de savoir Danika en vie que nous fîmes la fête avec Ignis, Aëryk et même Istran.

Les jours passaient et Danika se remettait rapidement. Elle se mit à manger de nouveau avec un tel appétit que nous en riions. Son corps et son esprit voulaient désespérément rattraper les mois qu'ils avaient perdus. Seule son atrophie musculaire l'empêchait de courir à nouveau dans toute la maison. Ckim venait chaque jour pour aider Danika à se remettre. Il finit par nous avouer qu'à quelques jours près, Danika n'aurait pu devenir une revenante et qu'elle serait tout simplement morte. Il passa l'intégralité de la première semaine à s'excuser d'être venu aussi tard, de nous avoir autant fait souffrir. Pour ma part, je ne cessais de penser aux visions que Kormir m'avait offertes. Étaient-elles toujours valables ? Oscillerais-je en permanence entre la vie et la mort de ma fille ? Ckim était le seul revenant que nous connaissions, il devint rapidement le précepteur de Danika. Revenant chaque jour pour l'aider à se réapproprier son propre corps et ses nouveaux pouvoirs. Les revenants se liaient à leurs régénérations passées afin de puiser dans les flux de magies que possédait la Tyrie. Danika vivait désormais entre notre monde et celui des brumes. Elles et Ckim discutaient avec les fantômes des anciennes vies de Danika mais aussi avec nos ancêtres. Elle entra en communication avec le fondateur de la lignée des Alexi Elle : Niengard. Ce qu'ils se dirent et ce qu'ils firent resta un secret car ni Ckim ni Danika ne me le dit jamais. En l'espace de quelques semaines, Danika avait retrouvé toutes ses facultés et plus encore, grâce à son nouveau lien avec la Tyrie. J'étais heureuse qu'elle fasse partie des Élus et que jamais elle ne souffrirait comme moi. Mais je regrettais de ne pas pouvoir partager cela avec elle. Chaque jour la rapprochait de Xarent et l'éloignait de moi. Je ne lui en voulais pas. Après tout, Xarent était plus à même de comprendre les problèmes auxquels elle devait faire face.

Tous les jours durant les deux années qui suivirent, Ckim réveillait Danika aux aurores. Il lui enseignait à maîtriser sa magie toute la matinée. L'après-midi était consacré à l'apprentissage des autres matières. Ckim était une armée de précepteurs à lui tout seul. Les connaissances de Danika dans tous les domaines surpassèrent bientôt les miennes. Elle s'émerveillait devant des choses d'une simplicité déconcertante et l'instant d'après, elle ouvrait des ponts entre notre monde et celui des brumes. Ckim n'était jamais loin, les pouvoirs de Danika se développèrent à une vitesse folle et il était étonné devant ses progrès.. Il la surveillait en permanence et veillait à ce qu'elle ne développe aucune compétence qu'elle ne pourrait maîtriser. J'observais ma petite fille grandir à chaque instant. Elle embellissait et surpassait de loin toutes les autres jeunes filles de la cour. Et comme à chaque fois, ce qui devait arriver arriva. Le jour de ses cinq ans, une dizaine de lettres arrivèrent. Elles portaient toutes des sceaux différents, mais à chaque fois, c'était le sceau d'une famille de la noblesse humaine. Et toutes contenaient le même message. Danika fêtait ses cinq ans avec les autres enfants dans le jardin de la ville haute, pendant que je recevais des demandes de mariages arrangés. Istran m'avait vendue comme une marchandise et d'après ses dires, c'était la seule raison pour laquelle il m'avait gardé. Mais je n'avais besoin d'aucune raison pour garder ma fille. Mes doigts se refermèrent avec violence sur ses lettres et les déchirèrent. La rage qui m'anima à ce moment créa des filins bleutés entre mes doigts et les bouts de papiers qui tombaient à mes pieds. La surprise remplaça la rage et je regardai sans voix la fin de la chute des bouts de papier. Danika entra dans la pièce et me regarda quelques secondes.

-  Tu viens jouer avec nous maman ?

Je repris bien vite mes esprits et admirai la beauté de Danika dans sa petite robe d'été.

- Bien sûr ma chérie. J'arrive.

J'abandonnai les papiers sur le sol sans aucun regret. Les domestiques les feraient disparaitre avant que quiconque ne les voit.

Le fouet : cet art méconnuOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz