61-Belle créature

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Je déambulais dans le jardin de la ville haute, croisant çà et là des nobles qui ne me reconnurent pas. Ils me dépassaient sans vraiment me regarder mais se retournaient et toujours après mon passage. Hommes et femmes admiraient ma tenue. Pour la troisième fois, je faisais mon entrée à la cour. Veuve, bien placée dans la noblesse et immensément riche. La nouvelle de mon retour se répandit telle une traînée de poudre. Et avec elle une nouvelle pluie de demandes en mariage. Xarent était mort il y a de cela un an et déjà toute la noblesse du Promontoire voulait m'épouser. Je déclinai chacune des demandes d'abord avec gentillesse et politesse, puis avec force et par moment quelques coups de fouet. Le temps passa et la vie reprit son cours. Je voyais Aëryk chaque jour et je finis par l'associer à quelques-uns de mes contrats, lui permettant de se constituer une petite fortune en son nom propre. Notre oncle, unique frère d'Istran, avait essayé de s'opposer mais il fut bien vite réduit au silence. Il ne représentait qu'une branche dérivée de notre famille et n'avait donc aucun poids auprès de la cour. Il finit par accepter, ou du moins ne dit plus rien car il ne pouvait lutter contre Aeryk alors que ce dernier possédait mon soutien indéfectible. Une semaine après les morts d'Istran et de Durban, je me rendis dans le caveau des Alexi Elle. J'eus beau regarder toutes les stèles et toutes les plaques, aucune ne portait le nom de Sofie Carrghamhna Alexi Elle. À force de rechercher dans tout le Promontoire, j'appris qu'elle avait été incinérée dans le plus grand secret pour que sa sœur puisse prendre sa place. J'en voulus à Istran d'avoir, une fois encore, pensé à son précieux "honneur de la famille" plutôt qu'à la famille elle-même. Ignis avait tenu parole. Le corps d'Istran quant à lui était dans le caveau derrière une planque épurée et basique. Je quittai le caveau convaincue que j'avais pris la bonne décision en laissant Durban se charger de lui. La reine s'habitua à la présence d'Aëryk à ses côtés et l'apprécia d'autant plus qu'il n'y avait aucune animosité entre eux. De mon côté les affaires allaient bon train et, ne sachant trop que faire de ma fortune, je construisis un orphelinat au nom de Xarent. Sa bonté et sa gentillesse aurait sûrement validé cette manière de dépenser notre argent. J'y accueillai des enfants de toutes les races et qu'ils soient élus ou non n'avait aucun impact. Je trouvai divers élus adultes prêts à aider les enfants à maîtriser leurs capacités et me contentais de fournir les fonds nécessaire. Je refusais de voir ces enfants grandir. Certains me rappelaient bien trop Danika. Je ne restais que très rarement seule, apeurée à l'idée de revivre certains souvenirs. Pour les affaires, je fus amenée à voyager dans les différentes capitales et dans certaines villes importantes. Mes voyages m'emmenèrent à Hoelbrak un jour où le temps était particulièrement froid. Alors que je sortais d'une négociation musclée avec un Norn peu conciliant, j'aperçus au détour d'une rue un visage que je n'avais plus vu depuis des années. Je courus après cet homme mais je le perdis dans la foule. Encore troublée de cette rencontre et déçue de ne pas avoir pu le rattraper, je repris la route vers le Promontoire. Quelques jours plus tard, je fus rappelée à Hoelbrak car le Norn en question voulait redéfinir certains points du contrat. La perspective du froid ne m'enchantait guère mais je n'avais pas le choix. Je devais obtenir cet accord si je voulais doubler mon profit chez les Norns. J'espérais quelque peu revoir ce visage qui m'avait paru si familier et cette fois, je ferais tout pour le rattraper. La négociation dura une bonne partie de la journée et même si je pris le temps de flâner un peu avant de repartir pour le Promontoire, je ne le revis pas. La vie reprit son cours et Tibeo et Arianna essayèrent plus ou moins subtilement de me proposer différents mariages mais je n'avais ni l'envie ni la patience pour essayer de recréer quelque chose.

Alors que le printemps était de nouveau là je me permis un petit voyage de détente à Rata Sum. Les Asuras vivaient entourés de technologies qui allégeaient considérablement tout leur travail. Quelle que soit la tâche, ils savaient utiliser la technologie pour y arriver. Cette fois, je me trouvais une chambre dans les sous-sols de la ville, profitant de la vue pratiquement au ras de l'eau et du calme diurne des couloirs dortoirs. Je profitai d'une journée ensoleillée pour aller me promener dans la campagne environnante. Les territoires Asura et Sylvari se chevauchaient presque transformant les abords de la ville dans un savant mélange de technologie et de nature. Les bâtiments Asuras se mêlaient aux formes des arbres et montagnes, utilisant l'architecture naturelle pour créer des avants postes. Je passai la journée à profiter de cette harmonie, loin de la ville, loin des intrigues de la noblesse, loin des négociations. Lorsque le soleil fut sur le point de se coucher, je retournai à Rata Sum. Alors que j'empruntais l'une des pentes permettant de rejoindre les niveaux inférieurs, j'aperçus de nouveau cet homme. Il remontait alors que je descendais. Cette fois, il ne pouvait m'échapper quand bien même il l'aurait voulu. Lorsque nous nous croisâmes, je me saisis de son bras. Il eut un mouvement de recul et tenta de s'échapper mais je raffermis ma prise.

Il planta son regard dans le mien et prit un air menaçant que je trouvai instantanément adorable. La surprise put se lire sur son visage durant une fraction de seconde avant d'être remplacé par un immense sourire.

- Je pensais ne jamais te revoir, belle créature. Tu t'es embellie avec le temps.

- Tu m'as déjà vue ?

- Tous les jours durant des années. Tu venais m'observer cachée derrière un mur. Penses-tu que je ne t'ai jamais vue ?

Je restai sans voix. Ainsi j'avais bien reconnu cet homme et lui aussi. Mais où avais-je bien pu le voir et ce une année durant ? Il détacha tendrement ma main de son bras et reprit la parole.

- J'ai un rendez-vous que je ne peux pas reculer. Peux-tu me retrouver demain, ici, à cette heure ?

- Oui.

Il continua sa route pendant que je le regardais partir. Arrivé en haut de la pente, il se retourna et me voyant toujours plantée au même endroit m'adressa un clin d'œil avant de disparaître. Je fouillai méticuleusement mes souvenirs mais je ne parvins pas à le resituer. Je fus incapable de trouver le sommeil cette nuit-là. Me tournant et me retournant dans mon lit, je cherchais à tout prix à savoir qui il était.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now