49-Durban

21 2 0
                                    

Je m'enfonçai de plus en plus dans ma folie et répétais sans cesse leur noms. J'allais tous les jours au tombeau des Aura leur rendre visite, mais il ne restait plus rien d'eux. Ni corps, ni poussières. La noirceur envahissait mon cœur et mon esprit occultait tout le reste. Je ne vivais que pour me venger jusqu'au jour où un nom fut répété par plusieurs de nos sources. Un nom peu commun qui nous relia à un nécromant. Durban. Désespérée et avant qu'Ignis ou Arianna aient pu me retenir, je me rendis moi-même chez lui. Il vivait dans une petite masure dans le quartier le plus pauvre de la ville. Un coup de fouet et sa maison aurait explosé littéralement sur sa tête mais je voulais des réponses. La rage que la mort de Xarent et Danika avait créée se réveilla d'un coup et submergea toutes mes autres émotions. Guidée uniquement par mon envie de vengeance, je pénétrai dans la masure avec fracas. Les rares meubles présents n'étaient qu'un simple assemblage de bouts de bois. Et la propreté n'était décidément pas le point fort de ce Durban. Je le trouvai très facilement, la maison ne comptant qu'une seule pièce. Il était en pleine contemplation d'un petit tableau représentant une très belle femme.

- Es-tu celui que l'on nomme Durban ?Qui le demande ?Son bourreau.

Il leva la tête dans ma direction. Jamais je n'oublierais ce visage car il hantait mes nuits depuis déjà plusieurs mois. Un grand sourire illumina son visage.

- Bonjour Dragonne. Tu as mis plus de temps que je ne le pensais pour me retrouver. Mais je suis content que tu sois là. Nous avons tant à nous dire.

- Pourquoi ?

- Hum ?!

- Pourquoi les as-tu assassinés?

- Il fallait que tu te réveilles, Dragonne. Istran t'avait emprisonnée. Tu devais te libérer.

- Je venais de me libérer de son emprise ! J'étais heureuse !

- Ton corps peut-être. Mais pas ton esprit. Tes pouvoirs étaient scellés au fond de ton être depuis ta naissance. Je devais t'aider. C'est ce que font les grands frères.

- Les grands frères ? Mais qui es-tu ?

Durban se leva et s'approcha de moi, avant que je n'aie pu esquisser le moindre mouvement il me prit dans ses bras.

- Il fut un temps où l'on m'appelait Durban Alexi Elle. Mère et père étaient heureux, je comblais leurs attentes. Malgré mes cheveux qui, comme pour toi, n'ont pas la bonne couleur. Mais j'ai commencé à développer les mauvais pouvoirs. Et père a pris peur. Puis, tu es née. Et pour père tu allais laver son déshonneur. Pour être sûr que je ne t'influence pas, père força mère à me rejeter. Je n'avais que six ans lorsque tu es née. Mère me trouva une nourrice et cette maison. Elle venait me voir régulièrement. Puis les parents de mère m'ont récupéré. Ils m'ont élevé comme leur fils. Mère continuait de venir me voir de temps en temps. Mais je n'avais plus ma place dans ma propre famille. Père t'aimait plus que moi, et je t'ai haïe pour ça. Il t'offrait ce qui me revenait de droit. Mais vint le jour, où il découvrit que tu n'avais pas de pouvoir. Il répudia mère par ta faute. Elle retourna chez ses parents et put de nouveau s'occuper de moi. Mais elle te pleurait sans cesse. Malgré ton manque de pouvoir père t'avait gardée à ses côtés. Mais quand père se remaria et que notre petit frère naquit, tu as goûté à mon malheur. Je ne nierai pas que j'en étais content, pour moi ce n'était que vengeance. Mais mère finit par me convaincre que ma place était plus enviable que la tienne. Mais une fois encore, la situation a basculé en ta faveur. Tu as épousé ce Xarent et père t'a de nouveau trouvé une utilité. Tu servais la famille. Tu avais ce qui me revenait. Une part de la fortune des Alexi Elle que je n'aurais jamais. Mais en plus de ça, je sentais en toi un pouvoir qui ne demandait qu'à se réveiller. Un pouvoir bien plus puissant que le mien. Mère est décédée juste avant que tu ne te maries. Elle m'a enseigné comment reformer le sceau sur tes pouvoirs et m'a fait jurer de tout faire pour qu'il reste intact. Et c'est ce que j'ai fait. Au début du moins. J'ai peut-être tué ton mari, mais peu importe. Tu ne l'avais pas épousé par amour. J'aurais pu épargner ta fille, certes. Mais le choc n'aurait pas été tel qu'il a été. Je t'ai libéré du joug de père, petite sœur. Il est le seul responsable de nos malheurs. Tu peux te battre contre moi, mais garde ta colère pour le vrai responsable. Père est le seul qui mérite notre colère.

Ces paroles n'avaient pour moi que peu de sens et je finis par le repousser violemment.

- Tu l'appelles père. Mais d'aussi loin que je me souvienne. Il ne l'a jamais été pour moi.

- J'avais pris l'habitude de t'observer tous les jours depuis ta naissance. Lorsque père n'était pas là, mère me laissait entrer et je pouvais jouer avec toi. Je t'ai vue grandir, petite sœur. J'ai vu l'affection dans les yeux de père. Puis la colère à ton égard, lorsque tu n'as pas été à la hauteur de ses attentes. Je t'ai suivie alors que tu visitais le Promontoire. J'ai assisté à ton mariage, je t'ai vu apprendre à connaître l'homme qui était devenu ton mari. Dire que je ne t'ai jamais enviée serais un énorme mensonge. J'ai toujours voulu ce qui t'a été donné.

- Alors, tu as assassiné l'homme de ma vie. Le père de ma fille. Et comme ce n'était pas assez dur à ton goût tu as brisé la nuque de ma précieuse Danika.

Instinctivement mes doigts cherchèrent le contact devenu familier du cuir sur ma jambe. Je déroulais la lanière et des éclairs commencèrent à courir le long du fouet. Ma vue se brouillait comme lorsque mes pouvoirs s'étaient pleinement réveillés. Vérité ou mensonge, frère ou non. Cet homme devait payer pour ses crimes.

- Tu as détruit ma vie ! J'ai vécu des mois avec les cadavres de ma famille parce que je refusais de les laisser partir. Mais un jour elle est arrivée. Un œil dans la main, je l'ai vue me supplier de mettre un terme à sa souffrance. J'ai rompu le lien et brûlé ma propre fille à même le sol du caveau. Te faire payer tes actes était ma seule motivation et maintenant, tu veux que je t'épargne ? Je vous tuerai tous. Je ferai de ton cadavre mon serviteur. Et je t'enverrai détruire Istran !

D'un mouvement rapide du poignet, j'envoyai mon fouet lui saisir le bras et commençai à aspirer sa vie. Je voulais qu'il souffre. Qu'il ressente au plus profond de son être la douleur qui continuait de dévorer ma poitrine.

-Toujours aussi fougueuse Dragonne ? Mais tu oublies que j'ai eu beaucoup plus de temps pour apprendre à maîtriser mon pouvoir.

Il attrapa la lanière du fouet avec sa main et de nouveaux éclairs apparurent. Ces derniers venaient dans ma direction mais peu m'importait de souffrir tant que je lui infligeais la même peine. Plus j'aspirais sa vie, plus il aspirait la mienne. Nous nous retrouvâmes à l'équilibre. Je lançai un grand nombre d'assaut, me passant complètement de l'aide apportée par le fouet. Nos magies se mêlaient et explosaient tout autour de nous. Durban semblait tout aussi enclin que moi à perdre sa vie aujourd'hui. Nous n'avions aucun cadavre que nous pouvions relever sous la main et aucune aide extérieure ne nous serait accordée. Nos forces vitales se mêlaient complètement. Cet état dura plusieurs heures. Ma rage ne faiblissait pas mais ma colère se calmait peu à peu et avec elle, je sentis une faiblesse me gagner peu à peu. Au moment où mon enchantement se rompit, Durban rompit le sien. Il me prit dans ses bras alors que je m'écroulais, inconsciente.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now