22-Partenariat

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Une douce chaleur m'enveloppait et la lumière du soleil réchauffait mes paupières. Le lit me sembla soudainement immense. Je n'étais pas habituée à tant de confort. De plus, Xarent n'était plus allongé à mes côtés. Alors que j'ouvrais les yeux, je me rendis compte qu'il n'était même pas dans la pièce. Je sortis du lit et poussai le lourd battant qui fermait l'un de mes coffres. Je fouillais plusieurs minutes dans la malle avant de me rendre compte qu'elle ne contenait que des robes. J'étais loin d'être habituée à porter ce genre de vêtement, mais dorénavant, je n'aurai plus le choix. Mon mariage et les paroles de la reine plus que tout, m'avaient placée au-devant de la scène. Le jour de mon mariage devait marquer le jour d'un nouveau départ. Le jour où plus aucune erreur ne me serait permise. À partir de ce jour, je devais agir en vraie noble. Mes actes n'engageaient plus seulement moi désormais, Xarent serait lié à chacune de mes actions et ce, peu importe où il se trouve. Je me surpris à me maudire. Il n'avait jamais été question de liberté, je venais juste d'échanger une prison pour une autre. Au moins, celle-ci ne possédait-elle pas de barreau visible. Mais peut-être était-ce pire. J'attrapai avec rage, et en pestant contre moi-même, la première robe que je vis, elle était d'un bleu pâle assez attrayant, cependant je n'aurais su dire de quelle étoffe elle était faite. La robe tombait parfaitement sur mes courbes et cela m'agaça plus que tout. Je quittai la chambre sans la moindre douceur et descendais les escaliers avec le moins de grâce et de délicatesse possible. Arrivée au pied de l'escalier, un serviteur m'indiqua le salon où Xarent m'attendait, confortablement installé dans un lourd fauteuil en lisant des rapports.

- Tu as le chic pour ne pas passer inaperçue.

Je m'affalai face à lui dans un fauteuil identique au sien, et lui répondis d'un ton glacial.

- Cela te pose-t-il problème ?

Xarent parut surpris par la violence de ma réponse et mon comportement distant et froid qui dénotait avec la chaleur que je lui avais montrée la veille.

- Veux-tu que nous parlions ? Y a-t-il quelque chose qui te pose problème ?

Je laissai mon regard se balader dans la pièce puis regarder le plus loin possible par la fenêtre.

- Je ne pensais pas qu'une prison pouvait avoir d'aussi jolis barreaux.

- Une prison ? Cela fait à peine vingt-quatre heures que nous sommes mariés et tu ne me supporte déjà plus ? Je pensais pourtant que nous avions pris un bon départ dans cette nouvelle vie.

- Facile à dire pour toi. Tu as tout et personne ne peut te contraindre. Même mariée je reste une simple femme que les hommes jugent faible et incapable de se débrouiller sans un homme ses côtés. Il est hors de question que je sois de nouveau soumise à un homme, aussi avenant soit-il.

- Je n'en ai jamais eu l'intention. Et encore moins depuis que j'ai appris à te connaître. Tu es une femme qui rêve d'indépendance. Et je ne suis qu'un simple homme qui n'ai pas le pouvoir de te l'enlever. Tu dois comprendre une chose. Je n'ai jamais voulu d'une femme que je ne connaissais pas et bien qu'obligé de me marier par intérêt, je me suis longuement demandé si tu pouvais devenir ma femme mais surtout, ma partenaire. J'ai besoin de quelqu'un ayant les mêmes intérêts que moi afin de me conseiller. Alors je te le demande, es-tu prête à devenir mon égal ou souhaites-tu continuer à te morfondre sur ta pauvre condition de femme ?

Estomaquée par une telle réponse, je regardais Xarent bouche bée. Pour la première fois, j'avais réellement le choix. Ou du moins en apparence, je pouvais garder cette position de femme battue que je connaissais par cœur, ou en apprendre le plus possible grâce à Xarent et trouver une solution pour me libérer plus tard.

- Je serai ta partenaire. Apprends-moi à négocier, je t'apprendrai tout ce que je sais sur le Promontoire et les spécificités de ses quartiers.

- Bien, nous avons notre accord.

Xarent claqua des doigts et l'un des domestiques vint m'apporter un verre de jus de fruit. Il plongea ensuite son regard dans le mien et levant son verre il me sourit à pleines dents.

- À notre nouvel arrangement.

Nos verres tintèrent et un accord tacite venait d'être conclu. Xarent m'enseignerait l'art du commerce et de la négociation tandis que je mettrais enfin à profit mes longues après-midi de marche dans le Promontoire. Les jours défilèrent et nous prîmes rapidement nos habitudes, levés de bonne heure, nous faisions le bilan de la veille et écoutions les informations glanées par les domestiques. Le père de Xarent nous rendait visite chaque jour dans la matinée afin de vérifier la manière dont nous développions l'affaire familiale. L'après-midi était réservé aux négociations et autres réunions auxquelles Xarent tenait que j'assiste. Nous manquions de temps pour que Xarent puisse me donner de vrai leçons, aussi apprenais-je en le regardant faire et en lui posant en permanence toutes les questions qui fleurissaient dans mon esprit. Le soir, nous profitions du calme pour continuer à faire connaissance et de fil en aiguille, notre intimité grandissait. Je devenais de plus en plus réticente à l'idée de quitter le lit et de devoir partager Xarent avec d'autres. Vint le moment où, les négociations parlèrent des quartiers "pauvres" du Promontoire et ce fut au tour de Xarent de me poser sans cesse des questions sur leurs architectures, leur fonctionnement et la hiérarchie des classes "inférieures". J'avais l'impression que mes réponses restaient vagues et maigres mais Xarent semblait content. La moindre petite information que je lui apportais pouvait lui permettre de mieux négocier des contrats particulièrement sensibles pour l'avenir de l'entreprise Aura. Rapidement la dot qu'Istran avait donnée a la famille Aura avait été doublée. Voyant que nous gagnions en puissance, Istran tenta par tous les moyens de s'immiscer dans nos affaires. A chaque fois qu'il venait négocier avec Xarent, je disparaissais sans explication. Xarent ne mit que très peu de temps à comprendre les raisons de mon absence et il renvoya Istran et déclina toutes ses invitations suivantes.

Les jours s'enchaînaient, se ressemblaient et notre deuxième mois de mariage prit fin. Notre arrangement nous convenait parfaitement. Nos esprits apprenaient l'un de l'autre dans la journée, tandis que nos corps fusionnaient pour notre plus grand plaisir la nuit. La passion nous dévorait toute la journée pendant que nous n'échangions que quelques caresses furtives lorsque nous nous retrouvions seuls. Et puis un matin, à peine éveillée je dus courir à toute vitesse vers la salle de bain afin de régurgiter mon repas de la veille. La tête encore à moitié dans le lavabo, je m'interrogeais sur mon état. Je n'avais pas bu outre mesure, ni mangé un plan indigeste. Et pourtant, je me sentais ballonnée.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now