53-Les trois corbeaux

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Puis Chaka brisa le silence et me fit légèrement sursauter.

Fermes les yeux, recherche en toi la source de ta puissance. Elle est cachée au fond de ton esprit. Trouve-la. Libère-la.

Je "cherchais" au fond de mon esprit mais ne trouvais rien. Rien ne se cachait là. Ma "puissance" ne pouvait se cacher là. Ne pas réussir cet exercice pourtant très simple m'exaspérais au plus haut point. Chaka sentit mon énervement et tenta de m'apaiser.

Repense aux sensations que la mort de Xarent et celle de Danika ont provoqué. La haine qui t'habitait a ouvert la voix. Retrace-la.

Sa voix qui se voulait douce, ses paroles sensées m'aider, son attitude nonchalante, tout cela m'énervait bien plus que de ne pas réussir à trouver ma puissance. Cet énervement devint de l'exaspération qui me fit me redresser d'un bond. Je donnais des coups de pieds dans la neige pestant contre ce "don" qui ne m'avait rien apporté de bon. Je hurlais et laissais ma rage et ma frustration se répercuter contre les montagnes. Et pendant que mes cris résonnaient dans la vallée, ils effrayèrent des oiseaux qui s'envolèrent. Instinctivement, une soif emplit ma bouche. Devenue un animal qui réagissait à ses pulsions, j'ouvrais mon esprit et rencontrais celui de trois oiseaux. Absorbant leurs forces, je les laissais choir de plusieurs mètres. Ils se fracassèrent sur le sol mais étaient mort bien avant de le toucher. Un unique pensée traversa mon esprit. J'en voulais plus. Encore et toujours plus. Je couru vers la vallée, tombant et roulant dans la neige. Dévalant le plus vite possible la pente. Je me retrouvais en quelques minutes dans la forêt qui emplissait la vallée. Je recherchais des animaux, plus grand que les corbeaux que j'avais absorbés car ces derniers ne contenaient que peu d'énergie en comparaison avec ma soif. Alors que je pensais à eux, j'entendis soudain des coassements au-dessus de mes épaules. Levant la tête, je vis trois corbeaux qui m'observaient. Tendant le bras l'un d'entre eux vint se poser dessus. Je l'étudiais attentivement et ne comprenais pas pourquoi il était venu aussi vite. Puis je lui caressai la tête et la vérité me frappa. Son corps était aussi froid que la neige. Les deux autres vinrent le rejoindre et je compris. Je m'étais nourri de trois d'entre eux et trois d'entre eux étaient revenus me voir. Leurs corps étaient en parfait état mais leur petits cœurs ne battrai plus. Sur tous les animaux qui aurait pu m'accompagner, il a fallu que ce soit des corbeaux. Je ne pouvais pas faire plus cliché. Mais après tout, les Six se moquaient de moi depuis ma naissance. Je continuai de m'égarer dans la vallée, perdue parmi les arbres et la neige. Les corbeaux restaient silencieux sur mes épaules et aussi immobile que des statues de pierre. Je croisai aucun autre animale pendant des heures et ma soif ne pouvait s'épancher seule. Et d'un coup, mes trois compagnons de route se mirent à coasser. Leur cacophonie devint insupportable je cachais mes oreilles et tentais d'enfouir ma tête entre mes genoux mais le son ne m'apparaissait que plus fort. Je m'agrippai à l'arbre le plus proche à m'en faire saigner les mains et sans vraiment réfléchir j'aspirai toute l'énergie que je pouvais. Les réserves de l'arbre semblait inépuisable. Mon esprit se retrouva à dériver le long des racines et de branches en branches. Chaque feuille possédait sa propre quantité d'énergie si ridicule en comparaison avec la puissance de la forêt. Chaque arbre étaient habité par tout un écosystème. Tous ces insectes que je pouvais si facilement vider de toutes forces vitales. Durban avait-il conscience de l'immense pouvoir qui se tenait tapi entre les écorces des arbres ? Je bus, d'abord pour rassasier ma soif puis pour apaiser mon esprit. Les corbeaux se calmèrent alors que l'énergie qui m'emplissait débordait en eux. Je m'écroulais dans la neige complètement ivre. Mon esprit vagabondait d'un arbre à l'autre mais je n'y trouvais plus aucune créature vivante sur plusieurs mètres à la ronde hormis les arbres. Seule parmi la végétation, je profitai du calme qui m'était offert. Les jours passèrent et je me nourrissais exclusivement de cette énergie. Emplissent mes veines de cette délicieuse chaleur. Les animaux de la vallée c'était habitué à ma présence et ils ne craignaient plus de venir à ma rencontre bien qu'ils repartaient souvent grandement affaiblis. Mes corbeaux avaient assez d'énergie pour avoir un minimum de volonté propre même s'ils ne s'éloignaient jamais réellement et toujours sur de petit laps de temps. Et puis j'en vins a me souvenir des paroles de Durban lorsqu'il parlait de l'énergie des arbres. Je projetais mon esprit vers le tronc le plus proche et la puissance de la forêt qui m'avait surprise la première fois me parut familière. Contrairement à la dernière fois je ne me perdis pas en contemplation et, bien que je n'en avais nullement besoin, j'absorbais la puissance de la forêt. Le goût de cette énergie était bien différent. Chaque race animalière avait son "parfum" et chaque animal sa subtilité. Mais la saveur des arbres était tout autre. Les animaux étaient plus corsés, plus sauvage. Là, le goût était plus doux, plus sucré. Leur puissance inonda mes sens et je me mis à haleter. Je tombais à la renverse, un immense sourire aux lèvres et l'esprit complètement embrumé. Allongée dans la neige, je ne vis pas les jours passer. À chaque fois que mon appétit se réveillait, il me suffisait de puiser dans la végétation environnante. Le temps fila et les semaines passèrent. Ma peau changea de texture et devint plus solide, comme l'écorce d'un arbre. Mon cœur ralenti ses battements et s'il me prenait l'envie de bouger, je ne me déplaçais que très lentement. Mes corbeaux m'accompagnait à chaque instant et j'en vins à pénétrer ce qu'il restait de leur esprit. Nous ne formions plus qu'un seul être composé de quatre entités et doté de quatre paires d'yeux indépendantes. Je vivais au rythme de la forêt, et voyageai bien au-dessus des nuages. J'avais depuis bien longtemps compris comment fonctionnait mon don, comment puiser dans toutes choses et comment redistribuer cette énergie. Je n'avais plus vraiment besoin de mon fouet mais sa présence me rassurait. La texture du cuir sous mes doigts me rappelait de bons souvenirs et par moment je croyais entendre le rire de Danika résonner dans la vallée. Le chagrin qui avait accompagné sa perte c'était peu à peu tari, à présent, je savais qu'elle arpentait les brumes avec son père et que son âme reviendrait lorsqu'elle naîtrai de nouveau. J'arpentais les sommets des montagnes éternellement enneigées et mes pas me ramenèrent au refuge. D'abord je n'aperçu que des bouts de tentes dissimulés sous d'épaisses couches de neige, puis je vis les nécromants. Les enfants jouaient avec les adultes et chacun vaquait à ses occupations. Je ne me souvenais plus depuis combien de temps j'étais partie, ni ce que je trouverai en retournant parmi eux. Cependant, je continuais d'avancer inlassablement vers eux. Une image de Durban me revint en mémoire. Contrairement à Aeryk, qui était mon frère par l'enfance, il était mon frère par le sang. Et pourtant, je ne ressentais aucune émotion à son égard. Avais-je envie de le revoir ? Comment réagirai-je à sa vue ? Après tout, il était celui qui avait éradiqué toute forme de bonheur dans ma vie.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now