6-La magie des gardiens

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Nous étions tous les quatre au milieu du couloir. Ignis affolée par les cris d'Aëryk et effrayée à l'idée qu'il lui soit arrivé quelque chose. Aëryk excité comme une puce et sautillant d'un pied à l'autre. Istran calme, détendu et déçu à chaque fois qu'il posait les yeux sur moi. Et enfin, moi. J'étais parcourue de frissons intenses ; que m'arriverait-il lorsqu'Aëryk montrerait ses pouvoirs à Istran ? Je priais pour qu'il soit subjugué par Aëryk et qu'il m'oublie, ne serait-ce qu'une journée. Istran fut le premier à parler.

- Et bien Aëryk, qu'est-ce qu'il y a ?

Fou de joie, il ne put plus se contenir.

- Regarde maman !

De nouveau, il gesticula maladroitement, essayant de refaire les mêmes gestes. De nouveau, un faible bouclier d'énergie apparut sur son bras. Ignis se détendit instantanément dans un long soupir pendant qu'Istran affichait une expression de joie pure. Il se saisit d'Aëryk et le prit dans ses bras. Ils quittèrent le couloir tous les trois, Aëryk dans les bras d'Istran, en direction du salon. Ignis les suivit sur quelques pas, se retourna et me fit un sourire triste. Aucune de nous deux ne savait ce que j'allais devenir. Elle se retourna et partit en direction du salon, appelée par les cris de joie d'Aëryk et d'Istran. Je restais seule dans le couloir. L'immense poids qui pesait sur mon estomac se débattait, à présent, pour sortir. Je me penchai sur le côté et vidai mon estomac sur le sol. Une fois le ventre vide, je ne me sentis pas mieux. Prise d'une peur panique, je courus me réfugier dans ma chambre. Je rassemblais mes maigres possessions dans un baluchon de fortune et une fois habillée, je m'assis sur le lit. J'attendis qu'un domestique vienne me mettre à le porte, Istran ne prendrait pas cette peine. Le jour finit de se lever et le soleil continua sa course dans le ciel jusqu'à son zénith. J'entendais les voix d'Istran, d'Ignis et d'Aëryk crier et rire. Ils semblaient heureux et mon absence n'entachait pas leur bonheur. La faim finit par me tirailler, je sortis en douce de ma chambre et me rendit dans le cellier, j'y récupérais un bout de fromage, un bout de viande et du pain. Mon larcin sous le bras, je retournais dans ma chambre pour manger à l'abri des foudres des domestiques. Le soleil finit par se coucher mais personne n'était venu me voir, je commençais à me détendre lorsque j'entendis des pas dans le couloir. Ma porte s'entrouvrit et Aëryk pénétra dans ma chambre, il sauta sur mon lit et s'assit à mes côtés.

- Pourquoi tu es restée cachée ?

- Je ne voulais pas te déranger.

- Mais tu ne me déranges pas ! Je peux rester dormir avec toi ?

Aëryk n'attendit pas ma réponse, il bailla et se coucha à mes côtés. Il s'endormit presque instantanément et je m'allongeais à ses côtés, profitant de ce lien qui nous unissait. Alors que je commençais moi-même à m'endormir, la porte s'ouvrit en grand. Je me réveillai en sursaut. Ignis, anxieuse, entra dans la pièce et se détendit dès qu'elle aperçut Aëryk en train de dormir profondément.

- Ouf, il est là.

- C'est lui qui est venu.

- Ne t'en fais pas Dragonne, je m'inquiétais juste de ne pas le trouver dans son lit. Bonne nuit les enfants. Dormez bien.

Ignis fit demi-tour et commençait à refermer la porte quand je repris la parole.

- Qu'est-ce que je vais devenir ? Est-ce que je vais devoir partir ?

- Je ne le permettrais pas. Aëryk a besoin de sa sœur. Cette maison est tout autant la tienne. Dors, Istran ne te mettras pas à la porte. Je te promets que je l'en empêcherai.

Elle finit de refermer la porte et je me rallongeai aux côtés d'Aëryk. Je lui étais très reconnaissante et je m'endormis en serrant mon petit frère dans mes bras.

Les jours s'enchaînèrent et les rôles d'Istran et d'Ignis s'inversèrent. Elle partait tôt le matin et revenait tard le soir. Elle s'occupait de la protection de la reine, pendant qu'Istran restait à la maison s'occuper de l'éducation d'Aëryk. Je n'osais quitter ma chambre de peur qu'Istran ne me voie. Je restais enfermée des jours entiers, ne sortant que tôt le matin ou tard le soir pour récupérer de l'eau et de la nourriture. J'apercevais Ignis par moment mais je ne voulais pas rester trop longtemps en dehors de ma chambre. Il arrivait que la curiosité soit plus forte que ma raison et je sortais en pleine journée pour espionner Istran et Aëryk. Je jalousais leur relation tout en sachant que je ne pouvais pas en vouloir à Aëryk. Je tentais moi aussi de réaliser les exercices qu'Istran imposait à Aëryk mais sans succès. Je me concentrais de toutes mes forces, j'exécutais les mouvements à la perfection mais rien n'y fit. Je supportais de moins en moins de rester cloîtrée. Un après-midi, dans un excès de rage, je brisais les meubles qui composaient ma chambre. Le lit, la table de chevet, l'armoire et la coiffeuse n'étaient plus qu'un tas de bois inutile. Mais le bruit que je fis en brisant les meubles attira Istran et lui rappela mon existence. Il débarqua presque en défonçant la porte de ma chambre. D'un rapide coup d'œil il vit le tas de bois, il agita les bras dans des mouvements compliqués et des chaînes entravèrent mes poignets.

- Comment oses-tu ? Je t'ai gardée dans cette maison malgré ta... « difformité ». Je t'ai nourrie, blanchie et logée durant neuf ans. Je ne t'ai jamais rien demandé en retour. Tu n'es qu'une petite ingrate !

- Tu me gardes prisonnière ! Je veux sortir !

Une lueur de cruauté passa dans ses yeux et les chaînes qui me maintenaient en place tirèrent sur mes poignets. Je me retrouvai à genoux aux pieds d'Istran.

- J'aurais dû te faire disparaitre il y a bien longtemps. Tu ne mérites pas ma clémence.

Un léger bruit de pas lui fit tourner la tête en direction de la porte. Instantanément les chaînes disparurent et une petite voix se fit entendre.

- Papa ? Qu'est-ce que tu fais ?

- Rien Aëryk. Ta sœur et moi avions des choses à mettre au point. Retourne dans la cour. J'arrive.

Aëryk mit quelques secondes à partir. Il doutait de ce qu'il avait vu. Cependant, Istran avait toujours été un père aimant pour lui. Comment pourrait-il en être autrement avec moi ? Dès qu'Aëryk eut quitté la chambre, Istran se retourna vers moi. L'étincelle de cruauté dans son regard avait laissée place à une rage sourde et puissante.

- Toi. Tu restes ici. Je te réglerai ton compte plus tard.

Il sortit et ferma la porte à clé derrière lui, m'enfermant encore plus dans cette demeure qui était déjà une prison à mes yeux. Je ne savais pas ce qu'Istran me réservait, mais je ne souhaitais pas être là lorsqu'il libérerait sa rage. Avisant la fenêtre de ma chambre, j'empilai les morceaux de bois juste en dessous pour me faire un escabeau. Je pris mon baluchon avec moi et passant par la fenêtre, je disparus dans les rues du Promontoire.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now