60-Héritage

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Je pris congé alors que le soleil était haut dans le ciel. La matinée touchait à sa fin et je devais remplir une obligation. Je fis un crochet par ma maison afin de me rafraîchir et d'enfiler une tenue sombre et bien plus sobre que ce que je portais. Alors que les cloches sonnaient à peine midi, je déambulais dans les rues du Promontoire vêtue d'une longue robe grise. Arrivée devant la maison des Aura, je vérifiai rapidement mon reflet dans une fenêtre avant de frapper à la porte. Le majordome ouvrit presque instantanément la porte et après un rapide coup d'œil m'invita à entrer après les salutations d'usage.

- Madame Aura. Je présume que vous recherchez Monsieur et Madame ?

Je hochai rapidement la tête, soudain extrêmement nerveuse. Le majordome me conduisit le long des couloirs et je trouvai mes beaux-parents dans le grand salon, sur le point de passer à table. Arianna me salua avec un immense sourire.

- Dragonne, cela fait un certain temps que nous ne t'avions pas vu au Promontoire. Et que tu ne nous donnes plus de nouvelles.

Elle prononça cette dernière phrase avec une voix teintée de reproches mais s'empressa de me serrer dans ses bras. Tibeo lui laissa le temps de finir son étreinte avant de prendre la parole à son tour.

- Nous sommes ravis de te revoir en bonne santé. Mais viens-tu pour une raison particulière ?

Je m'extrayais des bras d'Arianna et me redressai. Je les regardai tour à tour en affichant un sourire radieux.

- En effet. Je viens vous annoncer les morts d'Istran et de Durban. Les deux responsables de la mort de Xarent et Danika.

Ils eurent d'abord un moment d'hésitation puis Arianna me prit dans ses bras avec un long soupir de soulagement et Tibeo se joignit à l'étreinte. Après quelques instants, nous reprîmes tous les trois contenance et Arianna brisa le silence.

- Mange avec nous ce midi. Nous avons du temps à rattraper.

Tibeo hocha la tête et me fit signe de prendre place à table avec eux.

- De plus, nous devons régler certains détails.

Il tira la chaise pour moi et m'aida à m'installer. Ils s'assirent face à moi et un domestique rajouta un couvert pour moi. Ils m'avaient semblés attristés avant que je ne leur annonce la nouvelle mais à présent, ils rayonnaient. Nous parlâmes de tout un tas de choses mais aucun d'eux ne me demanda d'explication sur la mort de Durban et d'Istran. La nourriture était succulente et Tibeo fit ouvrir une bouteille de grand cru pour fêter la nouvelle. Le moment du dessert arriva et après un regard complice, ils prirent un air plus sérieux. Tibeo me toisa et prit la parole.

- Bien. Il est maintenant temps que nous parlions de choses sérieuses. Nous n'avons plus aucun enfant. Nous voulons donc faire de toi notre héritière.

Arianna ne put réprimer un sourire sincère pendant que je me retrouvais totalement muette. Tibeo reprit la parole avant que je n'ai repris mes esprits.

- Tu restes pour l'instant, la mère de notre unique petite fille. Et notre seul espoir de voir notre empire perdurer. Tu nous as montré que tu étais capable de tout lorsqu'il s'agit de la famille.

Je n'arrivais toujours pas à comprendre ce qu'ils me voulaient exactement ni tout ce qu'impliquait leur proposition. Tibeo se sentit obligé de me rassurer et il s'empressa d'ajouter pleins d'informations complémentaires.

- Nous ne t'imposerons aucun mariage, peut-être ferons-nous des suggestions. Nous discuterons avec toi des affaires et tu auras toujours le dernier mot.

Je restai toujours muette, ne sachant que répondre. Arianna posa sa main sur mon bras et se montra chaleureuse à mon égard.

- Tu n'es pas obligée d'accepter et encore moins de nous répondre maintenant. C'est notre souhait mais nous respecterons le tien. Sache que quelque soit ta décision, tu seras toujours la bienvenue ici. Tu es devenue notre fille en épousant Xarent et il est hors de question que nous t'abandonnions après tout ce que tu as traversé.

J'étais confuse et totalement perdue. Les événements s'enchaînaient à une vitesse folle et je regagnais les privilèges bien plus vite que je ne les avais perdus. Istran ne pourrait plus me menacer ou affecter ma vie d'une quelconque manière. Durban non plus. Et maintenant, en plus d'un total contrôle sur ma vie, je récupérais une position social, qui grâce à ma proximité avec la reine, faisait de moi quelqu'un d'incontournable chez les humains. Lorsque je réalisai, ce que j'avais dû sacrifier pour en arriver là je lâchais mon verre qui s'écrasa sur le sol, me ramenant d'un coup à l'instant présent. Je souris de toutes mes dents avant de finalement prendre la parole.

- Si vous saviez à quel point je vous en suis reconnaissante. Je continuerai de développer l'empire de la famille Aura comme je le faisais avec Xarent.

Tibeo fit ouvrir une bouteille de champagne et nous fêtâmes notre nouvel accord. Arianna fit apporter les papiers permettant d'officialiser la nouvelle et ils furent signés dans l'heure. Nous discutâmes de choses et d'autres. Réglant les premiers problèmes qui se présentaient. Nous devions convenir d'un lieu où nous dirigerions toutes les négociations. Nous optâmes pour le bureau que Xarent avait acquis dans la ville haute. Ils ne souhaitaient pas non plus que je reste dans ma petite maison dans les quartiers pauvres et m'avaient déjà acheté une nouvelle demeure. La liste était longue et les réponses nous demandaient plus ou moins de négociations. L'heure du dîner arriva et je fus de nouveau conviée à rester. Nous dînâmes en continuant notre conversation et nous finîmes par nous coucher bien après le soleil. Je sombrai rapidement dans le sommeil et m'éveillai aux premières lueurs du jour. Mes affaires furent déménagées dans ma nouvelle demeure. Elle était aussi grande que celle que je possédais avec Xarent et possédait elle aussi un jardin. Toutes les robes que Xarent m'avait offertes furent sortis des malles où je les avais enfermées. Ainsi suspendues dans ma nouvelle penderie, je me perdis en caresses. Je touchais chacune d'entre elles, appréciant le contact plus ou moins doux, plus ou moins lisse de l'étoffe. Il y en avait trente-deux. Xarent m'en avait offert une tous les trois mois pendant les huit ans qu'avait duré notre mariage. Chacune d'elle avait une particularité que Xarent avait été heureux de me montrer. Chacune d'elles avait été pensée et conçue pour moi, et je refusais de les laisser dépérir plus longtemps. Fermant les yeux, je laissais mes mains se balader sur les différentes robes et après avoir fait plusieurs allers-retours, je m'arrêtai devant une robe dont l'étoffe me "parlait" plus. Je la décrochai et l'observai attentivement. Elle était faite d'un tissu plutôt léger, comme de la soie, de couleur bleu marine, une coupe cintrée, un col Queen Anne. Elle ne possédait ni jupon ni crinoline ce qui la faisait tomber toute droite le long de mes jambes. Fendue du côté droit, elle dévoilait ma peau à chaque pas. Ainsi vêtue, je quittai le confort de ma nouvelle maison pour affronter la jungle de la noblesse que j'avais abandonnée depuis trop longtemps.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now