41-Les cinq ans de Danika

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Danika et les autres enfants couraient comme des fous dans tous les sens alors que j'essayais de les attraper. Nous riions tous aux éclats. Le seul petit détail qui me chagrinait était l'absence de Xarent. Je ne l'avais pas vu depuis le début de l'après-midi et Danika commençait à le réclamer. Je partis à sa recherche dans la maison, laissant les enfants jouer dans le jardin sous la surveillance de Ckim et des domestiques. Je visitai une à une les pièces de la maison, ouvrant toutes les portes sur mon passage. Je m'éloignais de plus en plus du jardin et bientôt les voix des enfants ne furent plus perceptibles. Il ne me restait qu'une pièce à visiter. Anxieuse, je poussais la porte du bureau de Xarent. Je dus m'accrocher fortement aux chambranles de cette dernière pour ne pas m'effondrer devant ce spectacle immonde. Le corps de Xarent, totalement exsangue, gisait à moitié sur son bureau. Une créature faite de chairs reconstituées continuait d'arracher des lambeaux de son torse et de les ingurgiter. Reprenant mes esprits, je courus dans sa direction et me jetai sur la créature, tentant de lui faire lâcher prise. La bataille dura plusieurs minutes puis la créature s'enfuit. Je me jetai sur le corps sans vie de Xarent et le serrai dans mes bras aussi fort que je pus en laissant mes larmes laver le sang qui recouvrait son visage. Mes larmes recouvrirent mon visage et ma vue se brouilla. La soif de sang que j'avais ressentis lorsque Ckim avait tué Danika revint. Mon corps voulait du sang et mon esprit ferait tout pour l'avoir. Je traquerais son meurtrier à travers toute la Tyrie et je le ferais souffrir. Je sentis une force nouvelle m'envahir et se répandre dans mes veines comme de la lave sur le sol. Ma tête semblait sur le point d'exploser et mon corps se muait en quelque chose de nouveau. Puis une pensée finit par traverser mon esprit : les enfants et Danika étaient dans le jardin, uniquement protégés par des domestiques sans pouvoirs et Ckim. La pression dans mon crâne disparut et lâchant le cadavre de Xarent je courus à travers les couloirs de la maison aussi vite que je le pouvais. L'absence de bruit en provenance du jardin m'alarma et j'accélérai mon pas. Je déboulai dans le jardin pour découvrir un véritable charnier. La dizaine d'enfants, qui quelques minutes plus tôt riaient avec Danika, gisaient dans l'herbe. Le sang avait recouvert une grande partie du jardin et leurs corps n'étaient plus que des lambeaux de chairs. Leur mort avait été atroce et leurs yeux sans vie figeaient une expression de douleur insurmontable sur leurs petits visages innocents. Des corps d'adultes, ceux des domestiques, étaient éparpillés aux milieux des cadavres des enfants. Je ne voyais nulle part le corps de Danika, ni celui de Ckim. Il me restait encore un espoir qu'ils soient toujours en vie. Je regardai tout autour de moi mais je ne vis aucun indice. Puis j'entendis une voix. Une voix que j'avais déjà entendue plusieurs fois auparavant. Elle m'appelait et provenait de la maison. Je la suivis et découvris son propriétaire dans le salon. Un homme d'une trentaine d'année, les cheveux aussi noirs que les miens et un visage extrêmement fin me regardait, assis sur l'une des chaises avec Danika sur ses genoux. D'un bras autour de la taille il la maintenait pendant que son autre main lui caressait les cheveux. Danika, le regard complètement vide de toute expression, jouait avec des créatures immondes constituées de chairs putréfiées. L'une d'entre elle était celle qui avait dévoré son père quelques minutes plus tôt. Danika ne semblait pas tant importunée. L'homme leva son visage vers moi et nous nous fixâmes plusieurs minutes sans rien dire. Lorsqu'il prit la parole, sa voix n'était qu'un murmure au creux de mes oreilles.

· Dragonne. Toi aussi tu embellis à chacune de nos rencontres.

· Quoi ?

· Tu ne te souviens pas de moi ? J'ai toujours été à tes côtés pourtant. À chaque moment important comme à chaque moment difficile.

· Mais qui êtes-vous ?

· Ça. Ça c'est une bonne question.

Danika releva la tête à ce moment.

· Pourquoi tu ne lui dis pas ?

· Parce que ta maman n'est pas encore prête ma puce.

Danika et l'homme semblaient bien se connaître et elle lui faisait confiance.

· Danika. Viens-là ma chérie ! Rejoins-moi.

Danika retourna à sa contemplation des créatures immondes. Elle semblait sous hypnose, totalement déconnectée du monde. L'homme la regardait avec tendresse et presque... avec amour. Puis une pensée me vint : que faisait-elle seule avec cet homme ?

· Danika ? Ma chérie, où est Ckim ?

L'inconnu leva les yeux vers moi. Il semblait réfléchir.

· Ckim ? Ckim... Oh, l'Asura ! Il a tenté de s'interposer. Mais, il n'était pas très solide.

L'homme tourna la tête comme pour indiquer un coin de la pièce où je n'avais pas encore regardé. Une traînée de sang courait de l'angle de la table jusqu'au coin de la pièce. Un cadavre méconnaissable baignant dans du sang encore frais gisait à moitié sur la commode. Seule la couleur grisâtre de la peau et la petite taille du cadavre me permirent de supposer qu'il s'agissait bien de Ckim. Danika suivit mon regard et vit le cadavre de Ckim. Elle n'esquissa pas le moindre mouvement à la découverte du corps de son précepteur.

· Que lui as-tu fait ?

· Il était en travers de mon chemin. Je n'ai fait que lui apprendre à rester à sa place. Dans les brumes. Je ne suis même pas sûr qu'il puisse se réincarner un jour vu ce que je lui ai fait subir.

Danika était encore et toujours sur ses genoux. Mon corps réclamait de plus en plus de sang et mon esprit de la vengeance pour toutes les vies qui avaient été injustement finies lors de cette journée. Il restait une vie que je pouvais tenter de sauver. Une vie pour laquelle je donnerais tout.

· Lâche ma fille.

· Pardon ?

· Rends-moi ma fille. Ne lui fais pas de mal, je t'en prie.

· Mais je n'ai aucune intention de lui faire mal. Après tout je suis son... Ce n'est pas pour elle que je suis ici, mais pour toi.

L'homme déposa Danika sur le sol où elle s'assit en tailleur et continuait de jouer avec les créatures.

· Pour ... moi ?

· Je dois t'ouvrir les yeux.

Aveuglée par la rage et le désir de protéger Danika et incapable de réfléchir, je me saisis d'une chaise qui traînait près de l'entrée et m'approchant de l'homme je l'abattis de toutes mes forces sur sa tête.

· LÂCHE-LA !!!!!

L'homme para mon coup et lâcha un rire grave.

· Je reconnais bien là, la fougue des Alexi Elle. Mais crois-moi, Dragonne. Tu me remercieras.

Il claqua des doigts et les deux golems que Danika caressaient se jetèrent sur moi. Ils me plaquèrent au sol pendant que l'homme s'approchait de moi.

· Un jour, tu comprendras que je fais tout ça pour toi.

Il claqua de nouveau de ses doigts et ses créatures me plaquèrent contre l'un des murs du salon de sorte que je pus observer Danika. L'homme repartit auprès de Danika qu'il prit dans ses bras. Toujours aussi docile, elle accrocha ses bras autour de son coup et plaça sa tête sur son épaule. Aussi immobile qu'une poupée de porcelaine. Un filin de lumière émanait de la fenêtre sur sa gauche et venait illuminer son visage. Cet instant, comme figé dans le temps, se grava dans ma mémoire. Ma colère et ma rage furent balayées par une immense vague de tristesse car je sentais au fond de mon être que je ne reverrais plus jamais ma fille.

· Tu as tué mon mari. Rends-moi ma fille, je t'en prie.

Ma voix parut bien plus suppliante que je ne le voulais. L'inconnu me fixa et un grand sourire triste recouvrit son visage.

· Je suis désolé mais je ne peux pas. Je n'ai pas le choix. Je dois le faire.

Il se saisit de la tête de Danika et d'un mouvement sec lui brisa la nuque.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now