7-Le Promontoire Divin

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J'avais pris la décision de quitter la demeure des Alexi Elle sur un coup de tête. Equipée de mon baluchon contenant des vêtements et quelques vivres, j'entrepris de m'éloigner le plus possible de la maison. Je ne saurais décrire mes émotions à ce moment-là, le sentiment immense de liberté qui me remplit fut vite remplacé par une peur incommensurable, alors que le Promontoire était immense et que ses rues s'étendaient à mes pieds. Je fis quelques pas pour m'éloigner de la fenêtre d'abord doucement et sans un bruit puis la peur qu'Istran ne me rattrape fut plus forte et je me mis à courir de plus en plus vite. Les rues passaient devant mes yeux mais je n'y prêtais guère attention. Je courais de ruelle en ruelle, admirant les étals du coin de l'œil, regardant les artisans exercer leur art. Je bifurquais sans cesse dans les diverses rues sans m'inquiéter de ma destination. Mes pas me guidèrent jusqu'à un cimetière composé de tombes étranges, je n'y prêtai pas attention et en ressortis sans même m'arrêter. Je continuais de visiter les différents quartiers de la ville quand mon estomac se mit à gargouiller, je levais les yeux et me rendis compte que le soleil avait disparu derrière les hautes murailles du Promontoire. Je m'assis dans un coin et défit mon baluchon. Ne sachant combien de temps je resterais dans la rue je décidai de ne pas manger toute mes réserves mais plutôt quelques petits bouts. Une fois ma faim apaisée, je repris tranquillement ma route. Je ne courrais plus. La nuit était tombé et Istran ne lancerait jamais des recherches pour moi avant demain matin. J'étais arrivé au pied d'une immense verrière en forme d'oiseau son bec surplombait la place tandis que ses ailes formaient les côtés de la verrière. Je trouvais un petit coin herbeux abrité et m'y installais, prête à y passer la nuit. La ville était calme et les passants pratiquement inexistants. La faim commençait à revenir me tordre l'estomac mais je fis tout pour la chasser de mon esprit. Maintenant que j'étais libérée du joug d'Istran, qu'allais-je faire ? Pour être sûre qu'il ne me retrouve pas, je devrais quitter le Promontoire. Mais pour aller où ? Je me souvenais vaguement de la carte que Breuk avait dessinée sur le sol et des informations que j'avais glanées dans les livres que j'avais lus. Cependant, outre le fait que les Cimefroides et Ascalon paraissaient peu accueillante, respectivement à cause du froid et de la guerre, je ne souvenais pas vraiment des noms des autres régions. Il me semblait que Maguuma était une option valable, or il me serait difficile de paraitre inaperçue parmi les Sylvaris et les Asuras. Ma seule option qui paraisse sans danger était de rester en Kryte, au milieu d'autres humains. Ainsi je serais cachée sous le nez d'Istran et serais parfaitement en sécurité. Le sommeil me gagnait alors que j'en arrivais à cette conclusion. Je commençais à rêver de champs parsemés de petites maisons habitées par des familles heureuses, puis je fus réveillée par une voix grave et rocailleuse.

- Dragonne ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?

J'ouvris les yeux pour découvrir le visage d'un Char penché juste au-dessus du mien. Je hurlai de peur et reculai prestement mais sa main me saisit la cheville.

- Tu n'as pas répondu à ma question jeune fille. Qu'est-ce que tu fais en dehors de ta maison à une telle heure ?

Je me débattais pour échapper à ses griffes, alors que sa main se refermait encore plus fermement sur ma cheville.

- Skaeej ? Ça ne te regarde pas. Laisse-moi tranquille.

- Ça, c'est hors de question. Allez, je te ramène chez toi.

Il me chargea sur son épaule tel un vulgaire sac de tissus. Il prit mon baluchon dans son autre main et partit en direction du quartier de Salma. Je luttais en frappant son dos de mes poings et son torse de mes genoux mais je me fis plus mal qu'à lui. Je cessais de me débattre au bout de quelques minutes et préférais l'interroger vu que le trajet n'était pas des plus courts.

- Qu'est-ce que tu faisais là-bas d'abord ?

- J'effectuais une mission pour la reine.

- De nuit ?

- Il se trouve qu'il est plus simple pour moi d'accéder aux souhaits de la reine de nuit.

- Et qu'est-ce que tu devais faire ?

- Ça, petite curieuse, ça ne te regarde pas.

Ma position en travers de son épaule commençait à me faire mal et je redoutais d'être vue par Istran dans une telle posture.

- Si je promets de ne pas m'enfuir, puis-je marcher ?

- Je pense que ça peut se faire. Mais gare à toi. Si tu t'enfuis et que je te rattrape, tes fesses seront si rouges, que tu ne pourras plus t'asseoir pendant une semaine.

- D'accord.

Skaeej me déposa doucement sur le sol et nous marchâmes côte à côte jusqu'à ce qu'on aperçoive la demeure des Alexi Elle qui trônait fièrement au milieu d'une place. À sa vue, je m'arrêtai d'un coup.

- Qu'y a-t-il ?

- Si Istran apprend que je suis sortie...

Mais ma voix se cassa dans le fond de ma gorge. Pour la première fois depuis que j'étais passée par la fenêtre, je mesurais l'ampleur de ma faute. Istran avait oublié mon existence et je pouvais vivre tranquillement dans la maison. Cependant, mon escapade lui rappellerait mon existence et à peine Skaeej serait-il reparti qu'Istran me jetterait à la porte à coup sûr. Je me mis à pleurer en plein milieu de la rue. Skaeej me regarda sans mots pendant plusieurs minutes, puis, lorsque mes larmes commencèrent à se tarir, il posa un genou devant moi.

- Tu n'es pas bien vaillante pour une dragonne.

Alors qu'il me regardait, les yeux emplis de douceur, je compris de quoi j'avais réellement peur. Je redoutais par-dessus tout de perdre Aëryk et Ignis. Depuis ma naissance, hormis ma mère, ils étaient les seules personnes à me considérer et à m'aimer pleinement.

- Je ne veux pas qu'Istran sache que je suis sortie. Ne frappe pas à la porte, je t'en prie.

- Il faut bien que tu rentres chez toi.

- Ne réveille pas les serviteurs. Ils iront chercher Istran et dès que tu seras parti il me jettera à la porte.

- Istran est ton père. Il ne te jettera pas à la porte. Allez viens. Ton escapade nocturne est finie. Il est temps pour toi de rentrer.

Il se redressa et se rapprocha dangereusement de la porte.

- Arrête. Je t'en supplie. Ne fais pas ça.

Je courus me saisir de sa toge et tirais dessus de toute mes forces pour l'obliger à s'arrêter. Il se retourna d'un coup et me saisit par le col, comme-ci je n'étais qu'un petit animal insignifiant.

- C'est assez. Tu vas rentrer chez toi.

- Je veux bien rentrer chez moi mais pas par la porte. Je t'en prie.

- Bien, s'il n'y a que ça pour que je puisse retourner à mes occupations. Par où veux-tu rentrer ?

Je lui désignais le côté de la maison et plus particulièrement ma fenêtre, à laquelle je ne pouvais pas accéder seule. Il me déposa sur le rebord et me fourra violemment mon baluchon dans les mains.

- Merci Skaeej.

Je sautais habillement sur l'escabeau de fortune que j'avais construit. Je dépliais mon baluchon et rangeais mes maigres possessions. Je finis d'engloutir la nourriture que j'avais emmenée avec moi et me roulais en boule sur un lit de fortune dans un coin de la pièce.

Le fouet : cet art méconnuWhere stories live. Discover now