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J'ai dans la gorge une boule
Comme une pierre qui roule
Perdue l'innocence des jours
Passés dans la cour de l'école
Du bonheur, j'en ai pas
Y en a que pour Pierre et Paul

Jacques a dit


Il sourit comme un enfant. À trente et un an, Deen Burbigo est un grand enfant, et le sourire sur son visage est contagieux. Au point que mes zygomatiques sont douloureux. Je ne peux pas faire autrement que, de répondre à son bonheur. C'est plus que ça en réalité. Je me nourris de la joie dont il déborde. C'est pour cela qu'il est si agréable d'être en sa compagnie, il déborde d'une joie facile.

Mais aujourd'hui, c'est particulier. On vient de terminer. Dix-sept pistes. De ces dix-sept pistes, neuf ont été produit par Elysium. Une l'a été par une collaboration totalement barrée entre Hugzr et Elysium. Le tout enregistré chez moi. En Indre et Loire.

Deen avait déjà quelques titres prêts, mais ça manquait de cohérence, pour en faire un album.Il n' y avait rien pour moi à Paris, alors on est descendu. Tous les deux d'abord. Hugo et Eff nous ont rejoints. Ivan aussi. Bref. J'ai comme la sensation de ne pas avoir vu la lumière du soleil depuis deux semaines. Mais on a fini.

Et le sourire sur le visage de Deen en vaut le coup.

Il fait froid, mais ça ne nous atteint pas réellement. Installés sur la terrasse, on profite du froid soleil de début mars. Il roule. Ses mains tremblent à cause du froid, mais aussi en raison de l'excitation qui parcours son corps.

Nous sommes entrés dans une bulle, c'est difficile d'en sortir. On a bossé jour et nuit dans le studio. À force de se côtoyer, on avait plus qu'un cerveau. La déconnexion prend du temps. Ce n'est pas étonnant. J'appelle ça la zone. Entrer dans la zone, c'est facile. Ce moment de concentration extrême, ces instants où il n'y a plus rien à l'exception de la musique. En sortir est difficile. Parfois, j'aimerais y rester.

Je reprends doucement pied avec la réalité.

-Ça fait combien de temps qu'il est éteint ton phone ?

Finissant de rouler son joint, il s'installe plus confortable sur l'un des transats. Je fais de même avec celui juste à côté du sien.

-Franchement, j'en sais rien. Cinq jours peut-être.

-Ken va vriller.

C'est pour ça que je ne le rallume pas. Est-ce que j'ai fait exprès de laisser mon téléphone s'éteindre ? Non. Est-ce que j'évite Ken ? Inconsciemment alors. En tant, normal, je ne réponds jamais à mon téléphone, alors quand j'entre dans la zone, c'est même la peine d'essayer. Ce qui est sûr, c'est que je ne veux pas le rallumer. Il va m'engueuler. Je suis de bonne humeur. Je n'ai pas envie qu'il m'engueule.

Il va me demander comment-est ce que je peux lui faire un truc pareil, alors que ça n'a rien avoir avec lui. J'ai juste pas pensé. Il y a une forme d'égoïsme dans chaque artiste, il n'a pas le droit de me le reprocher. Il a la même. Quand il écrit, on peut rien tirer de lui. Il faut juste le laisser terminer. Même si ça prend plusieurs jours.

-Autant, je suis d'accord, il abuse avec ses trucs de jalousie. Autant un texto ça te coûte rien. Est-ce qu'il sait qu'on est ensemble ici ?

-Est-ce que tu lui as dit ?

Deen secoue la tête avant de me répondre.

-Tu vas le rendre complètement paro.

-Au début ça me faisait culpabiliser, je dis entrant en introspection. Mais tu peux pas me changer. Oui j'aurais pu au moins lui dire où j'étais. Mais avec toute l'histoire de la jaquette, je ne veux juste pas qu'il sache pour moi bossant sur ton album, et pour ici plus généralement.

THUNDERWhere stories live. Discover now