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Et ce qui perle sur mon front 
Gouttes de pluie, gouttes de froid 
Donne des ailes, donne dont 
L'envie de m'éloigner de toi 
Et mes larmes, et mes armes 
Sont ma peine, ma peine plus que la haine 
Et mes larmes, mes larmes 
Dieu que j'ai mal

Je m'en vais

Il me sert fort contre lui. M'emprisonne de ses bras. Parce que c'est une prison. Son amour pour moi, mon amour pour lui. Sa respiration calme, chatouille mon cou. Je respire son odeur, alors qu'il est endormi contre moi. Je profite du silence, du calme, de la chaleur de son corps. Quand je me relèverai tout ça aura disparue. J'ai peur. C'est pour cela que je repousse le moment.

Délicatement, je passe ma main sur son visage. Je tente d'ancrer ses traits dans mon esprit. Mais la mémoire est frivole, ses traits finiront par disparaître.

Qu'est-ce que moi sans lui ?

Mais rester serait pire. C'est pour ça que je m'en vais. Je le sens, le moment est arrivé. Maintenant, sinon je ne partirais pas. Je dois partir.

Par moment dans la vie, on fait des choses qu'on n'a pas envie de faire. On les fait parce qu'on doit le faire, parce qu'on a besoin de les faire. Alors non, je n'ai pas envie de quitter la sérénité qui m'étreint quand il me tient.

J'ai peur.

Où est-ce que je vais aller, qu'est-ce que je vais faire ? Je n'ai pas les réponses à ses questions. Une simplement certitude. Celle que je dois partir. À contrecœur, je me relève le plus doucement possible. Je ne veux pas qu'il se réveille. S'il se réveille, la crise qui en découlera sera moche, violente. Je n'ai pas besoin de ça.

C'est lâche.

Mais je ne suis jamais considérée comme quelqu'un de courageux. Encore que. J'ai eu la force de lui dire tout ce que je pensais. Il n'y a plus de non-dit entre nous. Pour la première fois, j'ai été parfaitement honnête avec lui et c'est aussi la fois où je pars.

Je me rhabille de le couloir, à la lumière des lampadaires de la nuit. Les volets sont encore ouverts.

Ça n'aurais pas dû se passer comme ça. Dans mon imagination, on passait des années à se chamailler pour un oui ou pour un non. Dans mon imagination, on passait des semaines enfermés dans ma maison en Indre et Loire à construire son troisième album. Il entrait dans ma zone, dans ma bulle et c'était parfait.

En rassemblant le reste de mes affaires, je tombe sur sa chaîne. Elle est cassée, mais le crucifie ainsi que la bague son toujours en place. Lui rendre la croix est la chose normale à faire. Mais la bague. Je peux pas la garder. Se serait un retour en arrière. Avec le psy, on a parlé pendant des heures de Chris, de notre relation, de ma culpabilité.

J'ai laissé Chris d'arrière moi. Je ne peux pas garder la bague.

J'ai donné cette bague à Ken. Comme un engagement, une promesse. En la laissant aujourd'hui, c'est une autre promesse que je lui fais. Celle de n'aimer personne d'autre comme je l'aime. En déposant la croix ainsi que la bague sur le plan de travail, j'espère qu'il le comprendra de cette manière.

Au pire, il pourra la revendre. C'est un vrai diamant de trois carats, il peut en tirer au moins trente mille euros.

J'enfile ma veste et sort de l'appartement avec ma valise déjà faite. Le uber que j'ai commandé est devant l'immeuble quand je passe la porte. Le conducteur me dit bonsoir, d'une voix douce. Je secoue positivement la tête en réponse.

Je ne sais pas à quoi, je ressemble, mais sans doute pas à grand chose. Le conducteur lance plusieurs regards dans son rétroviseur pour m'observer. L'insistance des coups d'œil me fait regarder à mon tour derrière moi.

THUNDERWhere stories live. Discover now