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Un peu plus tard dans la soirée, je suis allongé dans mon lit, et Chuck dans le sien. Nous nous entendons plutôt bien, il est vraiment mature pour son âge. Mais cela m'attriste de voir des enfants comme cela. Personne ne devrait avoir à grandir si vite, ce n'est pas juste qu'il traverse tout cela à cet âge. Il a quasiment l'âge où mes problèmes ont commencé. Il y a tellement d'expériences de vie qu'il manque à cause de cela, comme nous tous en fait.

"Ne t'inquiètes pas, tu te feras des amis ici. J'étais nerveux le jour où je suis arrivé, moi aussi. Mais tu m'as moi, et je te dirai qui sont ceux à éviter et qui sont les plus sympas. Mon meilleur ami, par exemple, je suis sûr que tu vas l'adorer. Il a à peu près ton âge. Et puis il y a quelques autres garçons avec qui tu t'entendras bien. On est aussi normaux qu'on peut l'être ici. C'est le nom de notre petit groupe d'ailleurs, les Normaux, mais ils jugeront par eux-mêmes si tu en fais partie ou non," m'explique Chuck.

Me juger ? Je n'étais pas au courant que je serais jugé dans un établissement psychiatrique. Je me rappelle le garçon que j'ai vu dans le hall tout à l'heure. Je me demande si c'est un "Normal" ou non. D'une certaine manière, moi non plus je ne suis pas normal, mais je n'ai pas perdu la tête. Pas encore, du moins.

"Oh, d'accord." Je ne sais pas ce que je pourrais dire d'autre. Si tu n'as jamais parlé à quelqu'un que tu viens de rencontrer dans un hôpital psychiatrique, c'est un peu comme marcher sur un fil au dessus du vide. Tu ne sais jamais où est la limite de ce que tu peux dire sans l'offenser. Alors j'essaie d'être le plus minimaliste possible. Il a l'air vraiment détaché de tout cela, je pense que réussir à l'offenser relève de l'impossible. Mais quand même, je ne sais pas ce qui pourrait le mettre mal à l'aise.

Chuck se retourne vers moi. "C'est quel genre de prénom, Newt ?" me demande-t-il.

"Euh, je... Euh, mes parents–" je bégaie en rougissant. Chuck me coupe en riant. "Quoi ?"

"Tu n'es pas obligé de te répondre, je te taquine. En tout cas, c'est mieux que Gally."

"Gally ? C'est quoi un Gally ?"

"Son vrai nom c'est Galilée, comme le scientifique, mais tout le monde l'appelle Gally. Il est complètement cinglé. Il ne traîne pas avec nous, il nous déteste."

"Génial, on a l'air de bien s'amuser ici en tout cas," dit-je avec ironie.

"Tu es ici parce que tu as des TOC, n'est-ce pas ?"

"Comment le sais-tu ?" je lui demande.

"Eh bien, à la manière que tu as de marcher, de faire ton lit, de claquer tes doigts. Tu as fais la poussière dans toute la chambre et tu as tout remis en ordre pour que chaque chose soit bien droite. Et au cas où tu n'aurais pas remarqué, tu tapes ta main par intervalles de dix sur le bord du lit depuis vingt minutes," me réponds Chuck. J'arrête immédiatement ma main, déclenchant un rire de la part du plus jeune. "Il t'en manque quatre." Je souris avec embarras et je finis mon cycle avant de fermer ma main et de la replier contre moi.

"Tu sais, les TOC ici c'est comme une bouffée d'air frais. Tu verras pourquoi d'ici deux ou trois heures," reprend Chuck.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Tu comprendras. Ne t'inquiètes pas, Newt, tout va très bien se passer pour toi." J'aimerais bien lui parler de mes autres problèmes, mais j'ai la vague impression qu'il les a déjà devinés. Ou s'il ne l'a pas encore fait, il ne serait pas surpris de les découvrir.

"Merci," je lui dis en jouant nerveusement avec ma couverture. 

"Avec plaisir. On devrait dormir maintenant, il est presque vingt-trois heures et on doit se lever à six heures demain," dit-il en remontant sa couverture sur lui.

"D'accord. Bonne nuit, Chuck," je termine en me retournant dans mon lit. Je suis toujours aussi anxieux, mais en prenant de longues respirations, je m'endors avant même de m'en rendre compte.



Un grand bruit juste à côté de moi me réveille instantanément. Malgré la fatigue qui me supplie de me rendormir, je me redresse d'un coup pour voir ce qu'il se passe.

Chuck est au sol, se tirant les cheveux et cognant dans tout ce qui l'entoure, hurlant à pleins poumons.

Avant même que je ne puisse réagir, la respiration coupée par le choc, quelqu'un ouvre la porte.

Je ne suis pas sûr de ce que je devrais faire à cet instant. Je regarde silencieusement la personne fermer rapidement la porte avant de se précipiter aux pieds de Chuck et de lui retirer l'objet qu'il venait d'attraper et dont je ne peux pas distinguer la nature dans l'obscurité. Elle attrape les mains du plus jeune, qui continue de se débattre sur le sol malgré l'emprise de l'autre.

La personne place les deux mains de l'enfant dans l'une des siennes, et de l'autre lui couvre la bouche.

"Chuck, c'est moi. C'est moi. Je suis là." C'est une voix de garçon, étonnamment jeune. Jusque là, je pensais que celui qui était intervenu était un docteur, mais peut-être que j'ai tort finalement.

Chuck crie toujours à travers sa main, mais le garçon continue de murmurer à son oreille jusqu'à ce qu'il commence à se calmer. Je n'ai pas bougé d'un pouce depuis le début, trop effrayé pour faire un seul mouvement. La lune n'éclaire que très peu la chambre, et mes yeux n'arrivent qu'à distinguer la silhouette des deux garçons.

J'écoute plus attentivement ce que dit l'autre garçon, qui ne semble même pas avoir remarqué que je suis ici. Est-ce que c'est un docteur ? J'arrive finalement à distinguer deux mots, qu'il répète encore et encore en berçant doucement Chuck.

"C'est Thomas. C'est Thomas. C'est Thomas."

Ten | Newtmas FROpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz