trente-six

817 81 69
                                    

Me réveiller avec de l'anxiété est définitivement l'une des choses que je déteste le plus. Je préférerais encore avoir cette sensation d'engourdissement et de vide. La vitesse folle de mon cœur et de mon esprit me désorientent, et comme je suis fatigué, c'est presque impossible de garder les pieds sur terre. Je trouve la peluche requin en premier, et ça ne m'aide pas du tout. Je porte le pull à capuche. Je dois même chercher dans ma mémoire pour me souvenir du moment où je l'ai mis.

Mes yeux sont complètement fermés quand on m'apporte mon repas, et bien que mon appétit ne pourrait pas être pire, je le mange quand même. Ça soulage ma sensation de vertige, mais je dois faire les cent pas pour la faire totalement disparaître. Etre ici est à moitié plaisant, car chaque seconde passée seul est une seconde que je ne passe pas à parler à qui que ce soit de ce qui s'est passé.

Mais c'est aussi du temps passé seul avec mes pensées. C'est comme incendier la maison d'une personne et l'enfermer dans une maison dans la rue d'en face. Savoir que des choses horribles se passent, mais être incapable de voir ou faire quoi que ce soit. Ce n'est pas rassurant d'être piégé avec la certitude que ma famille est train de s'effondrer et que mes amis sont en danger mais que je suis inutile.

A dix heures, quelqu'un arrive à ma porte et m'annonce que c'est l'heure de prendre mes médicaments. Apparemment j'ai le droit de sortir de ma cellule pour les prendre aujourd'hui. Il attend que je m'installe dans mon fauteuil, et mes mouvements sont léthargiques. J'ai seulement quitté la pièce une seule fois aujourd'hui pour aller dans la salle de bain, alors je n'ai pas été physiquement très actif et j'aimerais que ça reste le cas pour aujourd'hui.

Je commence à claquer mes doigts quand l'infirmier me conduit en dehors de la cellule, et j'ai l'impression d'être à la limite de l'implosion. Je ferme les yeux de nouveau sur le chemin jusqu'à la file d'attente devant le guichet des médicaments, et j'aimerais pouvoir simplement me rendormir.

Je ne me rappelle pas la dernière fois que je me suis réveillé pour vivre un jour normal. Ça devrait être le jour où je me suis effondré au lycée —le jour qui m'a envoyé ici—, mais quel était réellement le dernier vrai jour normal ? Quand je me réveillais, que je sortais de mon lit sans compter mes pas, et que j'avais une vie normale avec des parents normaux et des amis normaux ?

"Newt !" J'ouvre les yeux pour voir qui m'appelle, et j'aperçois Minho et Jeff courir dans ma direction. Ils sont interpellés par une infirmière, et Minho soupire mais s'excuse avant de continuer à marcher vers moi.

Ils arrivent près de moi, et avant que quelqu'un ne puisse prononcer un mot, mon infirmier intervient. "Mettez-vous dans la file," dit-il.

"On va le faire. Newt, on a entendu que vous étiez de retour, qu'est-ce qui s'est passé ? Où est Thomas ? Où est-ce que vous étiez passés, les gars ?" Minho me bombarde de questions auxquelles il serait ridicule de répondre maintenant.

"Placez-vous à l'arrière de la file d'attente," insiste mon infirmier. Je lui en suis presque reconnaissant, parce que bien que j'apprécie Minho et Jeff, je ne me sens pas de répondre à n'importe laquelle de leurs questions.

"Très bien. On se reparle plus tard, Newt," cède Minho avant de s'éloigner, Jeff sur ses talons. Je ne suis pas sûr que "plus tard" aura un jour lieu.

Pour l'instant, je dois réfléchir à la façon de cacher la pilule que je ne peux pas prendre.





Je la cache contre ma gencive, et ça fonctionne. Je transpire à grosses gouttes tout le temps de mon passage et mes mains tremblent, mais je finis par réussir. Je glisse discrètement la pilule dans ma poche en masquant mon geste avec succès avec une toux tandis qu'on m'éloigne du guichet, et je note mentalement qu'il faudra que je la jette dans les toilettes plus tard. Malheureusement, comme à l'habitude, ma chance est de très courte durée.

Ten | Newtmas FRWhere stories live. Discover now