vingt-sept

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Le transfert de retour à TIMI est très vague. J'ai eu énormément de difficultés à m'installer dans mon fauteuil roulant, et on m'a aidé à ne faire aucun pas. Vince est là, il m'aide. Il est la seule personne travaillant à TIMI que je pourrais éventuellement apprécier.

Il m'a emmené jusque là, et il essaie d'échanger poliment, bien que je ne lui réponde pas. Il n'a pas l'air d'être dérangé par mon manque d'engagement, et je lui en suis reconnaissant. Parler du beau temps n'est pas ma première préoccupation.

Je l'écoute, cependant. Il me raconte comment il a été transféré à TIMI deux ans plus tôt, et il reste assez vague sur le fait qu'il en soit content ou non. J'ai l'impression qu'il aimerait partir bientôt.

Après cette information, j'entends quelque chose qui attire mon attention.

"Je connais ton ami Thomas depuis aussi longtemps que je suis là," me dit Vince alors que nous avançons vers le bâtiment.

"Attendez, vous ne venez pas de dire que vous étiez là depuis deux ans ?" je demande, sortant de mon mutisme.

Je ne réalise pas avant d'avoir terminé que je viens de lui couper la parole, et ça lui prend quelques secondes pour répondre, sûrement perturbé par ma soudaine intervention.

"Oui, en fait je l'ai rencontré lors de ma première semaine ici. J'étais un peu effrayé, mais il m'a aidé à réaliser que..." Il s'arrête.

"Que nous sommes humains ?" je demande. Je ne pensais pas que ça sonnerait aussi accusateur.

"Eh bien– je suppose que oui. C'est injuste, la manière dont certaines personnes de l'extérieur vous considèrent. Je sais maintenant que vous n'êtes pas différents des autres," dit-il. Je ne dirais pas ça, mais je comprends ce qu'il essaie d'expliquer. "Enfin bref, j'ai été assigné à sa cellule en isolement. C'est un garçon assez spécial."

Ça, c'est sûr.





Bien évidemment, j'ai le droit à nuit luxueuse en isolement. C'est drôle de se rendre compte à quel point les bavardages incessants de Chuck à propos de tout et rien me manquent. Sa présence dans notre chambre commune était rassurante, et je l'ai clairement considérée comme acquise.

Ce n'est pas comme si je n'étais pas habitué à avoir une chambre pour moi tout seul. C'était comme ça à la maison. Mais c'est différent ici, en quelque sorte. A la maison, j'avais mes parents dans la chambre d'à côté et le confort de mon lit. Toutes mes affaires. Ici, je n'ai rien, et les seules personnes que j'ai vraiment ne me sont pas accessibles pour le moment.

Comme prévu, Vince est posté juste devant ma cellule. Il y a une petite fenêtre sur la porte par laquelle il jette des coups d'œil régulièrement avec un petit sourire. Je n'arrive pas à lui sourire en retour.

Je ne peux pas m'empêcher de me demander, est-ce que j'ai atteint le fond ? Il y a plusieurs fois dans ma vie où j'ai crû être au plus bas. Le fond du fond. Mais maintenant, je crois que je vis ce genre de moments au moins une fois par semaine.

Le mieux que je puisse faire cette fois —à part me sentir désolé pour moi-même—, c'est de trouver les réponses à chaque question dont on va sans aucun doute me bombarder demain. Ça devrait être assez facile, vu que ce sont des questions à propos de moi. Mais à présent, j'ai l'impression de n'apercevoir ma vie que par le trou d'une serrure.

La question numéro un sera sûrement porté sur le problème crucial de pourquoi je n'ai pas bougé de là où j'étais sur la route. Je ne pense pas qu'ils aient envie d'entendre une seule de mes vraies réponses. Comme le fait que je n'ai pas su gérer le problème de mes dix.

Ten | Newtmas FRWhere stories live. Discover now