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Les cinq jours qui suivent passent atrocement lentement. Chaque jour est le même que le précédent. Réveil, petit-déjeuner, prise de médicaments, déjeuner, thérapie de groupe, encore une prise de médicaments, dîner, et coucher. J'écris dans mon journal. Je discute avec Chuck.

Ma mère m'appelle de temps en temps, et à chaque fois elle me pose les mêmes questions. Je ne rentre jamais trop dans les détails, elle ne sait même pas à propos de Winston. Je lui parle juste de Chuck et de mes routines.

Chaque fois que je lui parle d'elle et de mon père, elle marmonne en guise de réponse, et ça commence à me déranger. Peut-être que je lui manque. Peut-être que c'est autre chose.

La majorité des Normaux restent silencieux. L'air grave. En colère. Surtout Minho, qui nous a rejoint au petit-déjeuner le jour d'après l'incident en thérapie de groupe. Il est toujours furieux, ses sautes d'humeur se sont empirées, selon Chuck.

Pour Thomas, je ne sais pas. Je ne l'ai pas revu depuis que les infirmiers l'ont emmené.

Chaque fois que je questionne Chuck à son propos, il me répond que c'est déjà arrivé avant et qu'il reviendra bientôt. Mais pour une certaine raison, il ne paraît jamais aussi convaincu qu'il devrait l'être. Ses crises de panique ne se sont pas améliorées avec tout ce calvaire.

Ce n'est pas comme ça que je décris ma semaine à cet instant à Janson, assis en face de moi.

"Ça s'est bien passé," dis-je, évitant son regard. Ce n'est techniquement pas un mensonge, je ne me sens pas si mal. Enfin, pas plus que d'habitude.

"Très bien, y a-t-il quelque chose en particulier dont tu voudrais me faire part ? Je sais que toi et les autres avez traversé une période difficile avec la mort de l'un de vos amis," me dit Janson, croisant ses jambes en se penchant vers moi.

"J'ai de la peine pour eux. Ce n'est pas comme si c'était mon meilleur ami, je le connaissais à peine. Mais c'était quelqu'un de bien, et il comptait vraiment pour eux. Il ne méritait pas ce qui lui est arrivé."

C'est dur de ne pas en vouloir personnellement à chaque personne qui travaille ici. Chaque fois que je vois les infirmiers, le docteur Ava Paige, la personne qui s'occupe des médicaments, n'importe qui, je me rappelle les mots de Thomas.

"Tu as raison, il ne le méritait pas, c'est un vrai drame. Des fois, il y a des enfants qui viennent ici et qui ne peuvent pas être aidés," continue Janson.

Quel est le but de dire ça à un patient ? J'ai suffisamment de doutes à ce sujet. Winston était un cas différent, bien sûr. C'était plus un problème de réadaptation. Mais quand même, qu'est-ce qu'il pourrait bien vouloir dire par là ? C'est évident qu'il aurait pu être aidé. Ils étaient responsables de lui, c'était exactement leur rôle.

"Vous savez ce qui s'est passé ?" je demande, le regardant dans les yeux en essayant de paraître le plus détendu possible. "Comment il a pu faire une overdose, je veux dire."

Janson me lance un long regard absolument indéchiffrable qui commence à faire accélérer les battements de mon cœur, mais j'essaie de rester calme alors qu'il se remet à parler.

"Le rapport de toxicologie n'a pas encore été fait, alors non. Mais c'est une affaire classée pour le moment, Newton."

Je résiste au besoin de hocher la tête, choisissant plutôt de détourner le regard. "D'accord."

"Parlons de toi," dit Janson, changeant rapidement de sujet. "Est-ce que tu as écrit dans le journal ?"

"Je l'ai fait, oui."

"Je suis ravi de l'apprendre. Est-ce que ça t'as aidé ?"

"Je pense," je réponds. J'aime vraiment écrire, mais je ne veux pas lui donner l'entière satisfaction de l'admettre. "Vous vouliez le lire ?"

"Comme je te l'ai dit, il ne sera ni régulé, ni contrôlé," me dit Janson. Ah oui, c'est vrai. Alors ça veut dire que je me suis retenu de tout écrire pour rien ? "Est-ce que toi tu veux que je le lise ?"

"Non," je réponds trop rapidement. "J'avais juste oublié, désolé."

"Ne t'excuses pas. J'aimerais te poser quelques questions, si tu es d'accord."

"Bien sûr."

"Tout d'abord, est-ce que tu as déjà bu, fumé ou pris de la drogue ?" demande Janson en plissant les yeux, prouvant son statut d'Homme-Rat une fois de plus.

Je secoue automatiquement la tête en guise de réponse, me maudissant pour ça maintenant que je dois compléter le cycle. "Non, jamais."

"Est-ce que tes amis l'ont fait ?"

"Sûrement. Ils allaient à des fêtes, mais pas moi. C'est en partie pour ça qu'on a arrêté de traîner ensemble."

"Pourquoi ça ?" insiste Janson, comme si c'était une mauvaise chose de ne pas boire en dessous de la limite d'âge ou de ne pas prendre des drogues illégales.

"Ce n'est pas légal, et ça ne m'intéresse pas. Et puis, je ne pourrais pas faire ça à mes parents. Ils me tueraient."

"Est-ce que tu as peur d'avoir des problèmes ? Ou de les décevoir ?"

Je prends un moment pour réfléchir à ma réponse. "Un peu des deux, je crois."

"Est-ce que tu crois qu'ils ne t'aimeraient plus si tu faisais toutes ces choses ?" continue-t-il.

"Je pense qu'ils m'aimeraient toujours, mais ils ne feraient plus confiance. En plus, je n'ai pas besoin de creuser encore plus le fossé entre mon père et moi." Janson lève un sourcil quand je prononce la dernière partie de ma réponse, et j'ai envie de hurler en me rendant compte de mon erreur. Je viens d'ouvrir une boîte de Pandore dans laquelle je n'ai pas envie de m'engouffrer.

"Le fossé ? Quel genre de fossé ?" demande Janson.

"Je ne sais pas, on n'arrive juste pas à s'entendre," je dis, espérant changer de sujet le plus rapidement possible. "Mais est-ce que ce n'est pas normal ? Ce n'est pas comme si on se disputait en permanence."

"Bien sûr," dit simplement Janson, ne me donnant aucune indication sur la partie de ce que je viens de dire à laquelle il répond. "Qu'est-ce que tu penses qu'il ne comprend pas ?"

"Je ne sais pas, il ne comprend simplement pas qui je suis ces derniers temps. Je ne peux pas lui en vouloir, je veux dire, je ne comprends même pas qui je suis moi-même."

"Est-ce ta mère aide ?"

"C'est un peu notre messagère. Elle nous protège l'un de l'autre, je ne sais pas comment nous pourrions nous en sortir sans elle," je dis.

"Ça dure depuis combien de temps ? Comment était votre relation avant ?"

"Je suppose que ça a commencé avec mes TOC," j'explique. "Avant ça... Je pense qu'on s'entendait bien. On jouait à des jeux, on allait au cinéma, toutes ces choses basiques. J'avais même l'habitude de lui donner des conseils, parfois."

"Qu'est-ce qui a changé ?" demande Janson.

"Je ne vois pas l'utilité de–"

"Ne te renfermes pas sur toi-même et garde l'esprit ouvert, tu te souviens ?" me dit Janson, le rappel sonnant plus comme un avertissement.

Je respire un grand coup et je reprends. "J'ai grandi, je suis devenu comme ça, et il a arrêté de venir vers moi."

"Est-ce que ça te manque d'être proche de lui ?"

"Des fois."

Janson hoche la tête, attendant un peu avant de parler. "Est-ce tu aimerais convenir d'une séance de thérapie familiale ?"

Instantanément, je ne sais pas quoi faire. Ça serait agréable de revoir mes parents, mais penser à l'idée de leur parler de tous mes problèmes et de les y entraîner n'est pas très encourageant. "Ce serait quand ?"

"On peut la prévoir pour dans deux jours," me répond Janson. "Je crois vraiment que ça pourrait vous aider à tous vous rapprocher."

Contre mon gré, je me remets à parler. "C'est d'accord, dans ce cas."

Ten | Newtmas FRDonde viven las historias. Descúbrelo ahora