trente-sept

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Je commence à croire que j'ai perdu mon combat. J'en suis sûr, j'ai littéralement perdu. Mais en dehors de ça, je n'ai plus la motivation de continuer. Pourquoi me battre quand je ne peux pas faire confiance à la personne avec qui je me battais et que cette personne n'est peut-être qu'un mensonge de toute façon ?

Avec toutes ces pensées dans la tête, essayer d'aller mieux devrait être ma principale préoccupation. Mais je n'arrive pas à m'y résoudre. Ça semble si inutile —tout ça semble inutile. Je ne peux pas le dire, bien sûr. Ça prolongerait encore plus mon séjour, et je ne sais pas combien de temps je pourrais encore tenir ici. Faire semblant jusqu'à y arriver pourrait être une bonne option. Mais encore une fois, faire semblant de marcher normalement me fera juste finir paralysé, alors peut-être que finalement ce n'est pas une bonne idée.

Deux jours se sont passés depuis que j'ai vu Thomas pour la dernière fois, et ça fait deux jours que j'essaie d'oublier que c'est arrivé. Mais en isolement, je n'ai pas vraiment le choix. Tout ce que je peux faire, c'est fixer le plafond et réfléchir. Quand j'ai enfin la possibilité de parler à quelqu'un, c'est à un infirmier ou au docteur Janson. Et même dans ce cas, je n'entends pas un mot de ce qu'ils disent et je ne leur dis rien.

Jusqu'à ce que quelque chose retienne mon attention. "Tu te souviens de mes règles de coopération, n'est-ce pas ?"

Je lève les yeux vers Janson. "Ne pas me renfermer sur moi-même et garder l'esprit ouvert ?"

"Très bien. Alors pourquoi tu ne les suis pas ?" demande Janson.

Je soupire, je ne vois plus l'intérêt d'être excessivement poli à présent. "Je les suis," je mens.

"Tu as à peine dit un mot durant la séance."

Peut-être parce que je suis en pleine dépression. Je pourrais lui donner plein de réponses différentes, mais la question —bien que hors-sujet— qui s'élève au-dessus de tout le reste est celle je n'ai jamais posée jusque là. Une question importante. "Quand vous m'avez dit de me méfier de Thomas, qu'est-ce que vous saviez ?"

Janson me regarde durement. Je commence à devenir nerveux et à me dire que je n'aurais jamais dû poser cette question, mais il se met à parler. "Que sais-tu de la présence de Thomas ici avant que tu n'arrives ?"

"Je sais qu'il était là depuis deux ans, je sais comment il est arrivé ici, et je sais qu'il a essayé de s'échapper une fois," je réponds. Je suis sûr qu'il est au courant de tout ça, alors je n'ai pas de problème à partager ce que je sais. Bien que je ne sois plus très sûr d'où se situe la limite de la trahison à présent.

"Que sais-tu de sa tentative de fuite ?" demande Janson.

"Pas grand chose, juste que ça l'a mené en isolement," je dis. Il m'a affirmé avoir appris de ses erreurs. Je suppose que c'était également un mensonge.

"Il n'était pas là depuis longtemps, et c'était un cas très particulier. Durant sa première semaine, il était complètement passif. Il ne parlait à personne, et il avait souvent des crises de larmes et de hurlements. Mais la deuxième semaine, il a littéralement changé. Il s'est fait des amis, il parlait en thérapie de groupe, et la seule chose qui semblait sortir de l'ordinaire était ses hallucinations," explique le docteur Janson.

C'est difficile d'imaginer Thomas si loin dans le temps, nouveau ici et inconscient de ce qui allait arriver. Il devait être terrifié après ce qui s'était passé avec sa sœur, et on l'a séparé de sa famille et envoyé dans cet immense endroit effrayant ? C'est une expérience horrible pour un enfant. Mes TOC sont devenus ingérables au même moment où il est entré ici, et je ne peux pas imaginer si j'avais été envoyé ici à ce moment-là.

Ten | Newtmas FRWhere stories live. Discover now