Chapitre 14: L'assemblée des sorcières

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Cassandre

Léonora lui rit au nez.

Elle lui rit au nez.

Bon sang, à quoi cela servait que sa mère discute avec l'ancienne femme de Kylong, puis qu'elles marchent pendant deux heures, avant de se faire téléporter par une télépathe hautaine et persuadée d'être supérieure, si quand elles arrivaient enfin, Madame la comtesse se moque d'elle. A rien, elles avaient fait tout cela pour rien. Non, pire, pour se faire humilier. A plusieurs reprises : par Alya, par son amie, et maintenant, par Léonora.

Cassandre eut envie de s'enfoncer sous terre. Pourquoi il fallait qu'elle ait ce don ? Elle faisait des rêves obscurs, et quand elle arrivait à les décrypter, on ne la croyait pas. Elle n'aurait pas pu être juste une sorcière télépathe lambda, qui se fondait facilement dans la population humaine et qui avait une vie normale, sans passer d'humiliations en humiliations ?

—Léonora, reprend ton sérieux. Ce que ces femmes ont à te dire est très important. Anne, Cassandre, je m'excuse pour la grossièreté de ma suivante, intervint la Mama Sorcera.

La comtesse cessa de rire, mais il lui fut difficile de contrôler les tremblements de ses lèvres qui ne cessaient de remonter en un sourire narquois, et ses yeux brillaient d'hilarité. On voyait très bien qu'elle avait du mal à se retenir de s'esclaffer.

—Excusez-moi, vos déclarations m'ont un peu déstabilisée. Je pense qu'il en serait de même pour toute personne à qui on annonce, sans preuves, qu'elle va mourir dans les jours qui suivent, sans raison apparente, juste parce qu'on l'a vu dans un rêve. Vous comprenez mon point de vue, désormais ? Maintenant, Cassandre Clearways, je me sens obligée de vous demander si vous êtes certaines de ce que vous prédisez.

—On ne peut jamais être certaine d'une vision, les lignes du destin sont trop vastes et complexes. De plus elles ne sont et ne seront jamais précisément définies. Mais, en tant que devineresse, je vois les possibilités qui ont le plus de chances d'arriver. Et, vous, vous risquez de mourir ou du moins, de vous trouver en grand danger, dans les jours ou les semaines qui suivent.

Léonora haussa un sourcil dubitatif.

—Dans la mesure où vous auriez raison, ce dont je suis loin d'être certaine, d'où sortez-vous cette certitude que cela arrivera durant les négociations ?

Cassandre hésita, à vrai dire, elle n'était sûre de rien. De plus, cette comtesse avait un don pour la troubler. Elle ne portait pas la bague marquée du sceau de sa maison, signe incontestable de noblesse, mais sa tenue parlait pour elle. La jeune femme était majestueuse, dans sa robe de soie noire, coupée courte pour ne pas traîner dans la terre, et son air fier et hautain aurait donner à quiconque l'envie de s'enfoncer dans le sol, de se cacher n'importe où, pourvu que ce soit loin de ce regard violet. Ou peut-être était-ce juste Cassandre, paysanne à la petite fortune, qui avait la chance d'être assez riche pour vivre convenablement, mais sans plus, qui était impressionnée par l'aristocrate.

La devineresse s'éclaircit la gorge. Peu importe leur rang social opposé, aujourd'hui, elles étaient toutes deux égales en tant que sorcières. Elle n'avait pas à être intimidée, c'était Léonora qui était en tort, à la prendre de haut ainsi.

—Je n'ai pas de certitude, c'est vrai. Nous sommes venues ici guidées par une intuition de ma mère qui est persuadée que cela aura lieu durant les négociations. Je ne suis sûre de rien, mais je pense que c'est une réflexion intelligente. Durant ces pourparlers, vous serez du côté de l'ennemi, n'est-ce pas ? Vous allez prendre des risques, si jamais on vous reconnaît en tant que sorcière, et je sais que la noblesse émet des doutes à votre sujet, vous deviendrez une traîtresse à leurs yeux. Et on sait toutes les deux quel sort ils réservent aux traîtres.

MagissaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant