Chapitre 16: Zackaria

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 Gloire et regrets 

Première partie

Malgré son départ rapide, Zackaria mit tout de même trois semaines pour rentrer au palais de son beau-père. Cela faisait une semaine de moins qu'à l'aller, dû au climat plus clément, en ce début de printemps, mais toujours beaucoup trop de temps, pour avoir un espoir de soigner Taong.

Le jeune homme commençait à désespérer. Il ne rêvait plus des dieux. L'avaient-ils abandonné ? Il ne savait pas si cela était un mal ou un bien. Les divinités réveillaient la part sombre de son esprit, celle qu'il avait toujours voulue cacher, aux autres, comme à lui-même. Imaginer qu'il était responsable de la maladie du petit garçon le dégoûtait, le repoussait. Mais voilà, il savait qu'une part de lui, si infime soit-elle, l'avait souhaité.

Loin de repousser ses sombres pensées, son arrivée au palais les rendit plus forte, plus vives, plus nauséabondes. Devant les grandes portes d'or, il se sentit minuscule et indigne de la cité impériale des Xeng. Il lui sembla que les dragons de jade le jugeaient, du haut de leur piédestal. Ces statues protégeaient l'empire depuis des siècles, elles avaient vu des héros fêter leur victoire, après la conquête de nouvelles terres, elles avaient vu des souverains se lever de leur trône et courir au front, elles avaient vu les soldats de l'ombre, les palefreniers, les écuyers, les guérisseurs, les fantassins, tout ceux qui ne récupèrent aucune gloire mais sont indispensable à l'équilibre d'une armée, accomplir courageusement leur devoir. Et aujourd'hui, que voyaient-elles ? Un traître. Un homme qui avait secouru une princesse, pour mieux tuer le prince.

Le prince dragarien termina son voyage tête baissée, trop honteux pour regarder sa cité. Son pays qu'il avait trahi. Cependant, une fois à l'intérieur du palais, il lui fut impossible de ne pas remarquer les tentures noires qui ornaient les fenêtres. Les médecins seraient inutiles. Taong était mort.

Entouré des guérisseurs, Zackaria s'aventura dans les couloirs du château. Keng-Hïung s'était arrêté à Osfon, le laissant seul pour affronter la colère et la peine de l'empereur. Pour la première fois, il souhaita la compagnie du général. Ce dernier savait parler au souverain, c'était son métier. Alors que le sorcier argentin était détesté par son beau-père.

Néanmoins, il demanda aux servantes de prévenir le dirigeant de son retour. On le fit patienter dans une salle de réunion. Les soignants étaient toujours près de lui, même s'ils s'étaient rendu compte qu'ils ne servaient plus à grand-chose. L'atmosphère sombre de la pièce, le manque de lumière criant, à cause des fenêtres masquées, étaient bien assez parlants. L'empire pleurait son héritier.

Durant sa longue attente, le jeune homme eut largement le temps de détailler la pièce. Les quelques rayons de soleil printanier qui traversaient les voiles funèbres, se déposaient sur des chaises aux pieds recouverts de feuilles d'or. Par souci de confort, des coussins vermillon couvraient leur dur dossier. A l'image d'une cour royale, elles entouraient une longue table de bois sombre, aux extrémités triangulaires, plus affutées que la lame d'une épée. Tout cet espace était surveillé par des dragons de marbre, gardiens de l'empire, veillant ses souverains.

Auparavant, le grand blond n'aurait pas prêté attention à tous ces décorations. Mais aujourd'hui, le remords qui pesait sur lui était si lourd, que le regard des seigneurs de pierre l'oppressait, le jugeait comme s'il se trouvait face au tribunal. Et il avait peur que les bords de la table ne se tournent vers lui, et appliquent leur sentence.

Mais ses actions, ses demandes, ses pensées mesquines, ne seront prises en compte qu'au jugement dernier, et il devait s'estimer chanceux de ne pas rencontrer Nirvana si jeune. Celui qui avait fait face au dieu de la mort, c'était Taong.

MagissaDär berättelser lever. Upptäck nu