Chapitre 6: Cymopolée

60 9 49
                                    

Rêves d'outre-mer

Deuxième partie

La lumière bleutée éclaira le portrait qui faisait face à la jolie brune. Les coups de pinceaux de l'artiste mettaient à l'honneur les traits fins et délicats d'une belle femme. Sa mère. Ce tableau peint seize ans plus tôt était sa seule façon de se souvenir de sa génitrice dont elle ne se rappelait que du regard pétillant. Et encore la jeune rebelle se demandait si elle ne l'imaginait pas plus qu'autre chose.

Elle observa longuement les épaisses boucles de feu, les profonds yeux d'azur, le petit nez si semblable à celui de Vénus et les lèvres pulpeuses de celle qui lui avait donné la vie. La jeune fille n'avait hérité d'elle que la tignasse ondulée et incoiffable.

Pourtant sa benjamine lui ressemblait tant, seule la couleur de ses yeux et ses cheveux lui venait de son père, sinon mère et fille dégageaient la même beauté et la même grâce. Un comble alors que c'est en donnant naissance à Vénus que l'épouse d'Arès Blood était morte.

Enfin, Cymopolée s'apitoyait de son faible héritage mais Zlendriss était la plus à plaindre. De toute la fratrie c'était celle qui avait le plus connu leur maternelle pourtant il semblait improbable qu'elles partagent le même sang. Avec ses cheveux noirs et raides comme la justice, ses yeux d'améthyste pur, son nez long et droit, ses lèvres fines et sa grande taille, l'aînée était une version féminine de leur père.

Enfin elle se détourna du portrait. La sorcière jeta un regard rapide sur la malle qui contenait les vieilles robes de sa mère mais elle savait déjà qu'elle n'y rentrerait pas, sa génitrice étant beaucoup plus petite qu'elle. Elle ne s'attarda pas dans cette pièce mais descendit le long d'une autre échelle dans la continuité de la première. Elle n'arrêta sa descente que deux étages plus bas.

La pièce était plus grande que la précédente et plus remplie aussi. Des colliers de coquillages âgés de plus de deux siècles étaient suspendus au plafond en compagnie de tissus précieux qui ondulaient légèrement au gré des vents légers qui se faufilaient par différentes failles dans le bois. Miroirs, or et bijoux s'entassaient entre les murs sombres de la remise.

Elle se faufila au fond de la salle et prit délicatement une toilette blanche. Le tissu donnait vie aux sirènes, dauphins, étoiles de mer et bigorneaux brodés sur la partie supérieure la robe immaculée. La taille était ceintrée par deux rangées de perles qui malgré le temps, n'avaient pas perdu leur éclat. Enfin elle s'élargissait créant une magnifique corolle constituée de fins tissus transparents qu'on avait superposés pour faire du volume et rendre la structure opaque tout en gardant une allure aérienne. La tenue était complétée par des gants de dentelle, un collier avec un gros saphir entouré des plus beaux coquillages qu'on puisse trouver, et une tiare de diverses pierres précieuses sous-marines rattachée à un voile assortit au vêtement.

C'était sans aucun doute une robe de mariage qui avait été cousue pour l'une de ses ancêtres, et comme toutes les Ameryth avait un corps long et svelte elle lui allait à merveille. Depuis qu'elle avait découvert ce corsage, un an plus tôt elle ne rêvait plus que de le porter le jour de ses noces sur un bateau, au large là où l'eau est turquoise.

La jouvencelle ne voulait pas du mariage arrangé que lui préparait Zlendriss, mais, en secret, elle désirait virevolter dans les bras d'un pirate au grand cœur sous un magnifique coucher de soleil qui donnerait à l'océan l'éclat de l'or fondu.

Cymopolée savait qu'elle se faisait des illusions, sa sœur ne la laisserait jamais lever les voiles, cette-dernière avait bien trop peur qu'il ne lui arrive la même chose que leur paternel. De toute façon les pirates n'étaient que des pilleurs et des voleurs. Il n'en existait pas de sensibles. Et puis sur les îles d'hémoglobine, il n'y avait pas de place pour le romantisme.

MagissaWhere stories live. Discover now