Chapitre 8: Zackaria

42 7 44
                                    

Les rêves sont un passage vers un autre monde

Première partie

Les galets faisaient mille ricochets sur le lac gris qui semblait s'étendre à l'infini. Sur chaque millimètre d'eau, un caillou sautait.

Une femme était agenouillée sur la berge. Elle fixait deux petits rochers. Lorsque, à force de bonds, ils se croisèrent, trois minuscules morceaux de granit furent projetés dans l'eau.

—Naissance, fit la dame avec un sourire doux.

Les trois galets sautèrent haut et loin, avant de rebondir sur le liquide argenté. Ils grossissaient à chaque seconde.

—Enfance, continua l'étrange personnage, les yeux brillants.

Peu à peu, la fougue des triplés diminua, ils bondirent moins haut, moins loin, mais toujours vigoureusement.

—Jeunesse.

Au fil des sauts, les cailloux s'érodèrent et leurs petits ricochets ridèrent à peine l'onde.

—Vieillesse, dit la femme d'une voix neutre.

Puis quand l'un après l'autre ils coulèrent dans les flots insondables, elle soupira et le regard sombre, murmura d'une voix grave et caverneuse:

—Mort.

Elle regarda longuement l'eau grisâtre, semblant la sonder, plonger au cœur de ses profondeurs et contempler tous les galets perdus au fond.

—Que c'est court, fit-elle d'une voix pensive.

Après cela, elle marqua une pause avant de se rabattre sur d'autres graviers et recommencer son mantra.

—Naissance. Enfance. Jeunesse. Vieillesse. Mort.

—Naissance, enfance, jeunesse, vieillesse, mort.

À force d'être entendus, les mots se brouillèrent dans l'esprit du jeune homme qui contemplait le spectacle, debout derrière la dame.

Naissanceenfancejeunessevieillessemort.

La femme soupira:

—Que c'est long! continua-t-elle d'une voix lasse.

Et elle reprit:

Naissancenfancejeunessevieillessemort.Naissancenfjeunllessemortnaifancejeullessort.

Alors qu'il pensait qu'il allait devenir fou, un voix surgit derrière lui.

—Alors Olda, toujours à compter les cailloux? Tu t'ennuies pas un peu?

La concernée se retourna, son regard sembla traverser Zackaria pour fixer un point derrière lui. Le grand blond n'eut pas le temps de se préoccuper de son apparente invisibilité qu'il était déjà happé par les yeux de l'étrange femme.

Ses prunelles vermeilles semblaient recenser tout le savoir du monde, elles avaient tout vu de la création d'Iridia à sa fin. Elles avaient contemplé la danse des hommes qui se liaient, se déchiraient, s'aimaient, se perdaient, se croisaient, mais surtout vivaient et mouraient.

MagissaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant