Chapitre 14: L'Assemblée des Sorcières

18 3 44
                                    

Inès
Deuxième partie

Inès s'effondra. C'est bon elle avait cessé de crier. Sa rage la délaissa, ne laissa qu'un grand trou dans son cœur, où la tristesse s'engouffra aussitôt. Elle éclata en sanglots, comme elle ne l'avait fait depuis des années. Comme elle aurait dû le faire bien avant.

Kaudric la prit dans ses bras, et elle s'abandonna à son étreinte. Ils restèrent longtemps comme cela, serrés l'un contre l'autre, tentant de se protéger du froid, et de partager leur force, pour combattre leur tristesse, pour reprendre le contrôle de leur corps, soumit aux larmes.

—Inès, tu vas vivre, tu vas découvrir le printemps et l'été, je te le promets. Mais l'arbuste qui pousse au printemps est né d'une graine qui est tombée en automne. Tu ne pourras jamais grandir, si tu renie ton passé, ta graine, fit Kaudric en luttant pour que sa voix ne chevrote pas.

Il récupéra le bracelet et voulu le tendre à la jeune fille, mais les yeux brouillés de larmes, il le lâcha par inadvertance. Inès sentit la chaîne s'échouer contre son genou et la récupéra, avant de l'enrouler autour de son poignet. Alors que le fermoir claquait, elle articula tant bien que mal, tentant d'ignorer ses sanglots :

—Je vous promets que j'essayerais de me réconcilier avec mon passé. Mais, j'aimerais... j'aimerais... ne pas y rester coincée. J'en ai marre d'être prise pour ma mère, pourquoi les gens ne peuvent pas m'accepter comme je suis, comme Inès Taube ?

—Ton entourage, l'entourage de ta mère, a souffert de sa mort. Ils ont besoin de se raccrocher à quelque chose qui leur rappelle Kathy, et tu lui ressemble beaucoup. C'est eux qui sont en faute, ils sont incapables de tourner la page, d'oublier leur amie et d'accueillir sa fille. Ils comblent le vide laissé par sa disparition par toi. Tu la remplace. Et je comprends que tu ne puisses pas l'accepter, mais essaie de les comprendre. Ils ont besoin d'encore un peu de temps. Quand ils apprendront à te connaître, ils se rendront compte que tu n'es pas elle. Tu sais, je suis resté nombre d'années à Agagme et quand je suis rentré, tu étais déjà à l'orphelinat depuis longtemps, quand j'ai appris la mort de Kathy et ton existence, cela m'a fait un choc et... j'aurai dû venir te voir. J'aurais pu t'adopter, plutôt que de te laisser ici. Mais Clo, traversait une période difficile, elle avait été reniée par sa famille, dû quitter son pays natal... je me disais qu'elle n'aurait pas pu comprendre, que je ramène la fille de mon ancienne flamme... mais c'étaient des excuses. Clo aurait compris, ou même si elle ne m'aurait pas cru, elle aurait eu pitié pour une pauvre orpheline. La vérité, c'est que je ne voulais pas me retrouver face à une mini-Kathy toute la journée. Je ne voulais pas accepter sa mort. Je préférais l'imaginer heureuse, avec son mari, plutôt que de voir la preuve de sa disparition. L'orpheline qu'elle a laissée derrière elle.

Kaudric marqua une pause et caressa les boucles d'Inès. La jeune fille aurait dû le repousser, s'énerver. Il l'avait abandonnée. Il savait qu'elle était là, mais il l'avait laissée tomber. Mais au nom de quoi ? Qu'est-ce qui obligeait Kaudric Madainn à s'occuper de la fille de son ancienne amante ? Rien. Finalement, il avait fait exactement comme tout ceux qui remarquait sa ressemblance avec sa mère, tous les soi-disant amis, meilleurs amis, de Katherine Orge mais qui n'avaient pas bouger le petit doigt pour sa fille. Kaudric était le seul de tous à s'être rappelé d'elle. C'était le seul qui était venu pour l'aider à grandir. Elle ne pouvait pas le repousser, refuser son aide, c'était sa seule chance. Il fallait qu'elle soit adulte et qu'elle se maîtrise. Alors elle écouta calmement la suite de son histoire.

—Il a fallu que j'y sois obligé, pour que je vienne enfin te voir. Tu dois savoir que des négociations vont se tenir, entre le roi et les sorcières. En tant que chef du clan des éléments, je suis tenu d'y participer, et je devais choisir quelqu'un pour m'accompagner. Je t'ai nommée, toi. Il fallait donc que je te demande de témoigner, et j'ai profité de ma visite pour me réconcilier avec le passé. Pour te rencontrer, Inès, et t'offrir ce bracelet. Je n'ai jamais revu Kathy après qu'elle fut partie avec ton père, elle a coupé les ponts avec toute la communauté sorcière. Elle ne m'a jamais rien demandé, mais je crois qu'elle aurait voulu que je protège sa fille. J'ai manqué à mon devoir pendant bien des années, mais aujourd'hui, je viens te chercher. Quand je t'ai aperçue pour la première fois, il y a seulement une heure, j'ai cru revoir ta mère. Mais maintenant que je t'ai entendu parler, je peux t'assurer que tu es bien différente d'elle. Eh puis, Kathy avait de grands yeux marrons, or, toi, tu as du vert au fond de tes iris, ça fait une jolie couleur... hum, comment la décrire... pistache ! Oui, c'est cela, tu as les yeux couleur pistache. Ça, ça doit venir de ton père.

MagissaWhere stories live. Discover now