Chapitre 21: Xachary

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Possession rime avec déshumanisation 

Ils s'étaient avancés, le cœur battant, de peur et d'espoirs, de rêves et d'angoisses. Leurs poitrines gonflées, ils avaient fait face. Les deux camps s'étaient jaugés, les yeux brillants de rage, de haine, de colère, de désir, d'envie. Leurs iris et leurs sentiments s'étaient mêlés dans leur affrontement, dans leur douleur, dans leur angoisse.

Ils étaient restés longtemps comme cela, face à face, vibrant en chœur. Une symphonie dissonante, une mélodie qui tourne et se répète, incomprise. Ils ressentaient les mêmes choses mais étaient incapables de les exprimer. Et quand il ne sait parler, l'Homme choisit l'épée.

Les cavaliers avaient chargé, le silence s'était fendu, percé par les hennissements des cheveux, le bruit de leurs sabots contre la roche. Les oiseaux avaient fui, s'étaient envolés dans les branches, avaient rejoins la forêt, comme un nuée de colombe qui pleurent une paix perdue. Morte depuis bien trop longtemps.

Et les sorciers les avaient suivis, ils avaient couru à leur trousse. Et les soldats avaient suivi. Tous couraient dans une farandole de mort et de destruction, de larmes et de cris, oubliant qu'ils poursuivaient le même but.

Le pépiement des oiseaux avait disparu, les chevaux, coincés par les arbres, hénissaient en vain. Victorieux, emporté par un terrible sentiment d'excitation, Xachary s'était tourné vers ses camarades. Mais il n'y eut personne pour lui retourner son regard.

A silhouette de Starlett disparaissait entre les branches, loin devant lui, portée par les longues jambes qui lui avaient valu son surnom. Moins rapide que sa mère, Stella était coursée de près par les soldats. La jeune fille paniqua et au lieu de s'enfoncer dans les bois comme prévu, s'échappa sur la gauche. Ambre se retourna dans un tourbillon de boucles blondes, emprisonna quelques ennemis dans un filet de sortilèges sombres et couru protéger la jeune fille.

Xachary balaya le paysage du regard, chercha son père, la Mama et le Papa Sorcera. Mais aucun signe d'eux.

Un éclat châtain, entre deux fantassins. De grands yeux pistaches. Son esprit s'aiguisa à la vue d'Inès. Il se précipita à sa rescousse, fonça vers la clairière où elle se battait avec Kaudric. Il les rejoignit, et ralenti quelques soldats, en leur infligeant de terribles meaux de têtes. Mais il ne pouvait pas faire plus.

Il se sentit bête, alors qu'il regardait les deux élémentaires tendre des branches, les projeter, en faire des flèches mortelles, créer de terribles pièges avec de la terre, enfouir, enterrer les soldats sous la boue. Et lui ne pouvait rien faire à part quelques maux de tête.

Il regarda Inès virevolter, envoyer sortilège sur sortilège, terrasser les soldats. Il devait s'y résoudre, ici il était inutile. Il ne serait pas le prince charmant de cette fille-là.

Le télépathe s'écarta et se résigna à son rôle de messager. Il envoya divers messages à son père, chercha des auras familières dans les bois. Ses chefs étaient partis à l'ouest, à l'opposé. Divers combats s'y produisaient déjà. Certaines auras faiblissaient, d'autres s'éteignaient.

Xachary ouvrit les yeux, posa trois doigts sur sa bouche et les pointa au sol, alors que les larmes coulaient sur ses joues. Un baiser, un baiser envoyé au sol, à la terre qui accueillerait ses camarades. Un dernier salut, pour ceux qui l'avait accompagné dans la vie, et le précédait aujourd'hui dans la mort.

Puis il ferma de nouveau les yeux, en proie à une douleur sourde. Il devit reprendre son rôle, devenir le messager, pour que plus personne ne soit englouti, emmené dans le royaume sous-terrain. Les combats se répartissaient entre l'est et l'ouest. Envoyer les groupes des bois dans ces zones là ? Mais ça délaisserait le centre...

Le télépathe ouvrit les yeux pour se rendre compte de la situation. Un flot de fantassin s'était introduit entre Inès Kylong et lui, et leurs chefs. Mirabelle, Arabella et son père se retrouvait piégés avec eux.

Avec cette armée au milieu, impossible de délaisser le centre. Il vérifia que des auras sorcières brillaient, prêtes à le défendre, mais toutes avaient migrer sur les côtés pour rejoindre les combats. Céril et Léonora aussi.

Les illusionnistes faisaient leur possible pour repousser l'adversaire mais leur pouvoir s'arrêtait au psychique. Les deux belles étaient tétanisées, alors que la peur, c'était chez l'ennemi qu'elles devaient la produire. Inès et Kaudric étaient épuisés, après tant de combats. Quant à Kylong, il s'heurtait aux mêmes difficultés que son fils. Il est un temp où les maux de tpetes ne suffisent plus.

Xachary comprit que la situation était désespérée. Mais il pouvait faire quelque chose. Il devait faire quelque chose. Mais impossible, avec son père aussi proche.

Alors il appela Alice, son renfort. Il l'appela, mais elle ne répondit pas, non télépathe. Il se sentit bête et discuta avec un de ses congénères. Un échange bref, quelques mots volés, saisis à la volée, pour lui dire qu'ils ne pouvaient pas l'aider. Ils étaient en très grande difficulté de leur côté.

Alors Xachary sut. Il devait le faire, même si son père était tout près. Il n'avait pas le choix, pour ne pas devoir faire d'autres adieux.

Il se tourna vers Kylong, celui-ci l'aperçut et fronça les sourcils. Les yeux perdus dans ceux de son paternel, remords et regrets déversés en un regard, il recula, puis prit la fuite.

Les branches le fouettaient, comme pour lui reprocher son choix. Lui reprocher un acte qu'il n'avait pas encore fait mais qu'il regrettait déjà. Alors il glissa sur les feuilles, se cogna contre l'écorce, essaya lui-même de s'arrêter, se punit volontairement.

Et il s'arrêta, dos contre un arbre, le cœur battant, la poitrine vibrante, comme au début de la bataille. Apeuré, perdu, ne sachant plus vraiment ses désirs, ne se connaissant plus lui-même, ou se connaissant trop bien. Mais il était décidé. Il n'avait plus le choix.

Le choix est un don du ciel, un cadeau offert par la vie. Le choix est le présent des bienheureux, des sans-remords, de ceux qui courent le cœur léger. Mais c'est le poids des peinés, des coupables, de ceux qui courent un boulet au pied.

Ses cheveux noirs collés contre son front, il écarquilla les yeux, enregistra tous les élément du paysage. Le chant des oiseaux dans les arbres, le bruit des combats au loin, la lumière filtrée par la voûte sylvestre, les éclats émeraudes qui se déposent sur sa peau, comme une dernière bénédiction, ou malédiction.

Et il s'abandonne. Il quitte son corps. Ses yeux s'éteignent, son buste s'affaisse. Son dos glisse contre le tronc, mais lui n'est déjà plus là. Son esprit vogue, vole jusqu'à un porteur. Un autre corps pour le soutenir.

Il choisit un jeune homme. L'épée au poing, athlétique, au cœur des combats. Naïf et peu expérimenté. Qu'est-ce qu'il est simple de prendre le contrôle. De le réduire à l'état de pantin. De lever sa main, lever sa lame. Et la planter dans son cœur.

Encore une fois.

Et sauter. Sauter dans un autre corps. Semer la pagaille. Avancer comme un vent violent, un vent qui effacerait toute volonté. Et trancher, planter, découper, dans des corps qui sont le sien, sans l'être. Annihiler la vie.

Ne ressentir aucun remord. N'être qu'un esprit qui vole et sème le malheur. Être le messager de la mort. Détruire. Tuer. Achever. Et regarder les Hommes se retourner, sans comprendre. Voir la stupéfaction, la détresse dans leurs yeux. Qui sera le prochain à se suicider ?

Personne ne sait, personne ne veut savoir. Et le sang continue de se verser, de se répandre sur la terre.

Et personne ne sait.

Sauf une petite âme qui saute et virevolte. Se couvre de sang et pleure. Pleure des larmes inhumaines, non physiques, fantomatiques. Des larmes qui appartiennent au royaume des morts. Il est le messager de la mort.

Tuer pour préserver la vie.

Qui lui a donné ce pouvoir ? Qui a été assez cruel pour lui faire perdre son humanité ? Pour le faire naître inhumain ?

MagissaWhere stories live. Discover now