Chapitre 20: Léonora

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Le poids des choix

L'aurore déposait mille éclats rosés sur ses draps. Léonora contempla l'or du jour se lever et atteindre sa chambre. Se glisser entre les rideaux, tomber sur son lit, son visage, nimber ses cheveux de lumière.

Elle ne voulait pas se lever, elle. Elle ne voulait pas être éclairée. Elle voulait rester dans la nuit, plongée dans sa peine et ses angoisses. La veille avait été si dure... non, c'était l'avant-veille... déjà deux jours... deux jours...

Le matin s'était présenté exactement comme celui-là. Doré et rosé. Délicat et lumineux. Si beau... c'est étrange, comme le monde peut se parer de merveilles, pour les jours les plus sombres.

Ce jour-là, ce matin doré et doux, comme on n'en avait pas vu depuis des mois, depuis les mois d'hiver, était celui du cinq Germinaret. Celui qui marquerait le destin des Vallées d'argent.

Léonora s'était levée comme les autres jours. Elle avait enfilé une robe de toile très courte, qui ne traînerait pas dans ses jambes et lui offrirait une grande liberté de mouvement. Des bottes de cuir sombre venait compléter la tenue. Elle avait noué ses cheveux en queue de cheval, puis elle était partie.

La forêt ne lui avait jamais paru si accueillante. Les arbres, dont les feuilles émeraudes s'éclairaient de nouveau, obtenaient un regain de vitalité, dégageaient une senteur envoutante. Celle des plantes en fleur, de la nature qui se réveille, de la vie qui reprend le dessus sur le sommeil hivernal.

La rosée brillait sur les corolles des fleurs. L'herbe recouvrait de nouveau la boue sale, dans laquelle on pataugeait depuis l'automne. Tout était beau, tout était paisible. Les oiseaux chantaient même dans les arbres, pépiaient de branches en branches. Que pouvait-il bien se dire ? Peut-être se partageaient-ils des secrets ? Se murmuraient-ils des mots d'amour ? Qui sait...

La nature était en fête. L'Homme, moins.

Dans la cour du palais, les soldats aiguisaient leurs armes, les palefreniers préparaient les chevaux. Le crissement des lames qu'on prépare, le grondement des fourneaux de la forge emplissaient la cour. Mais les guerriers couvraient ce son de chants de victoire, de bataille et de mort. La mort des sorcières, ils l'espéraient.

Chez celles-ci, l'ambiance était aussi fébrile, mais moins joyeuse. Les appâts se préparaient à partir. Ambre embrassa sa fille, Starlett de même, Alya eut un mal fou à laisser Xachary partir avec son père, Kaudric entoura les épaules d'Inès, lui sourit pour l'encourager, pour lui dire qu'il était là. Et la Mama Sorcera donna quelques derniers conseils à Léonora. Anaë les regardait de loin, de la haine au fond des yeux.

Puis le groupe s'enfonça dans la forêt, en direction de la capitale. Tous étaient crispés, tous les encourageaient, mais dans ce moment de solidarité et d'angoisse, Anaë fusilla Léonora du regard.

La jeune femme soupira, mais elle n'avait pas de temps à perdre avec ça. Anaë voulait jouer à la plus maligne ou la plus bête ? Tant pis pour elle.

Les groupes se rassemblaient. Du coin de l'œil, la jeune femme aperçu Alice partir avec le sien. La délicate blonde tremblait, diriger un groupe la terrifiait. Dans sa tunique noire, elle semblait si frêle, si fragile. Sentant son regard sur ses épaules, Alice tourna la tête. Les jeunes deux jeunes femmes s'observèrent. La façon dans leurs iris se plongèrent les uns dans les autres rappela à Léonora son entrevue avec la Mama Sorcera. Mais aujourd'hui, c'était elle la mère, elle qui rassurait Alice. Elle qui retirait de ses yeux cette lueur effrayée qui lui allait si mal, mais qu'elle traînait depuis sa naissance, comme les menottes d'un condamné, comme la pierre qui emmène le noyé vers le fond.

MagissaWhere stories live. Discover now