Chapitre 18: Hélène

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La symphonie de l'agonie 

Première partie

Les pas d'une orpheline résonnaient contre la roche dure. D'une démarche mal assurée, Hélène parcourrait les sous-terrain de l'ordre d'Amanich. Plus de deux mois après son échec lors de l'épreuve, on l'avait de nouveau convoquée à l'arène. L'angoisse nouait sa gorge. Elle croyait savoir ce qu'on attendait d'elle, mais comment en être sûre ?

Qu'importe. Pourquoi se faire un sang d'encre maintenant ? La certitude ne lui serait offerte qu'une fois baignée de sable et de sang.

Soucieuse, elle s'arrêta devant la grande porte d'ébène. Anxieuse, elle rajusta sa queue de cheval, souffla un grand coup, puis toqua. Trois petits coups, à peine audibles. Personne ne l'entendit, personne ne répondit. Alors elle frappa à nouveau, d'un geste plus assuré. Toujours aucune réponse. Paniquée, elle martela les battants.

Un rayon de soleil l'éclaira, quand la porte s'ouvrit. Le visage de Manareich, ridé par un sourire loquace, apparut. Ses yeux noirs brillaient d'un éclat malin qui n'annonçait rien de bon. Hélène se sentit minuscule par rapport au grand homme. Ses genoux flanchèrent et elle se sentit prête de s'effondrer. Mais le chef la saisit par le bras et la maintient.

—Tu me déçois, Hélène. N'es-tu pas censée être la meilleure de tous les apprentis ? Ne commets pas une erreur aussi grossière que de laisser tes émotions te dominer. Allez, va. Je compte sur toi pour réussir, cette fois.

Hélène rougit et baissa la tête submergée par la honte.

Elle se rappela son échec lamentable, et ce qu'il lui avait coûté. Deux mois sans voir John, son seul ami. Deux mois où elle aurait pu parcourir le monde, sortir de ces souterrains et vivre, vivre enfin.

Qu'avait-elle connu en quinze ans de vie ? La guerre, la mort, la famine, la destruction, la peine, la tristesse et la colère. La colère contre le monde entier parce qu'elle ne méritait pas de vivre ça. Pourquoi devait-elle souffrir et pas les autres ?

Et puis, il y avait eu la fin. La fin d'une guerre, la fin d'une cité. Sa cité, sa ville, sa patrie, sa famille. Une chute et aussi un nouveau départ. Elle avait survécu. Mais pour quoi ? Son seul voyage elle l'avait passé enfermée dans une sacoche. Et comme nouvelle vie, elle n'avait eu droit qu'au marché. Le marché d'êtres humains.

Et enfin, l'ordre. L'ordre, et les souterrains. Elle ne voyait plus la lumière du jour. Elle travaillait, se battait, suait toute la journée. Et elle vivait seule, comme une paria. Car elle était différente.

Son unique fierté, son unique force de vie, elle l'avait tiré de son orgueil. De sa force. De sa supériorité aux autres. De ses victoires. Aujourd'hui, que lui restait-il ? Elle avait échoué. Même Manreich qui fondait ses espoirs sur elle avait été déçu. Elle avait vu son regard inquisiteur. Elle avait lu dans sa voix le mépris.

Elle avait échoué. On lui offrait une nouvelle chance. Elle n'avait plus le droit à l'erreur.

Hélène s'assura que sa queue de cheval était bien serrée, puis entra dans l'arène. Sans se laisser distraire par le soleil qui brûlait sa peau et ses yeux, elle attrapa une épée dans le tas d'arme. Cette fois-ci, elle ne se permit pas d'être surprise par le poids et la texture de l'instrument de guerre.

Elle fit glisser la lame le long de sa jambe. Assura quelques mouvements pour vérifier sa motricité. L'épée était fine et légère, elle lui convenait bien. La jeune fille n'aurait pas dit que c'était parfait. Rien n'est jamais parfait, encore moins une arme, à moins qu'elle ne soit conçue pour une seule personne.

MagissaWhere stories live. Discover now