Magissa

Chapitre 13 : Cassandre

Visions

Première partie 

L'herbe s'étendait à perte de vue, océan vert sans fin. Dans cette plaine infinie, seule une minuscule silhouette solitaire troublait l'horizon.

Le vent ramena ses courtes mèches brunes devant ses yeux, et elle dégagea son visage d'un geste rageur, avant que ses cheveux ne reviennent à l'attaque. Elle soupira, cela faisait une éternité que l'air se jouait d'elle, semblant la pousser en avant, alors même qu'elle ne pouvait pas bouger. Elle avait essayé, sincèrement, mais elle avait beau donner à ses jambes l'impulsion de courir, celles-ci restaient obstinément figées au sol.

La jeune fille était bloquée dans cette plaine. Elle ne pouvait que regarder, mais regarder quoi ? La seule chose notable, ici, c'étaient les rafales qui faisaient onduler l'herbe et qui jouaient avec son pauvre corps immobile.

Elle ne savait pas combien de temps elle avait passé, à attendre désespérément quelque chose, elle ne savait quoi, mais quelque chose. Il fallait qu'il se passe quelque chose. Il fallait qu'elle observe quelque chose, sinon, pourquoi serait-elle bloquée dans cette plaine ?

Enfin, un grondement s'éleva de la terre. Le sol trembla. Cassandre se prit la tête entre les mains, terrifiée. Elle devait voir quelque chose, mais par pitié, que ce ne soit pas l'apocalypse !

Le sol se fissura à six endroits, tout autour d'elle. Par Nirvana, elle allait plonger sous terre ! Elle voulut courir, partir loin de cet endroit, mais elle restait figée sur son carré d'herbe, soumise aux éléments.

Une branche de fer surgit de chaque faille. Elles se rejoignirent au centre du cercle ainsi créé, juste au-dessus d'elle et une lance argentée tomba du ciel pour les sceller ensemble. Mais évidemment, le centre du cercle, c'était sa place. Cassandre soupira, après avoir failli découvrir les sous-sols d'Iridia, elle allait se faire écraser par une lance surgie des nuages. Pourquoi était-elle la seule à se retrouver dans des situations pareilles ? Malheureusement, elle en était arrivée à un point où cela ne la surprenait même plus.

Elle ferma les yeux en attendant l'impact, mais juste avant que la pointe d'acier ne la transperce, le vent tourna et une rafale la projeta en arrière. Ses jambes quittèrent enfin le sol et elle fut propulsée sur la branche de fer derrière elle.

La jeune fille fut surprise de ne ressentir aucune douleur, en heurtant le métal. Au contraire, la sensation était plutôt agréable, elle avait l'impression de plonger dans les bains mousseux que sa mère lui préparait, quand elle était enfant. Attendez ! Elle plongeait dans de l'acier ? Elle pensa aussitôt au mercure, ce métal liquide et dangereux. Cassandre se débattit pour s'en extraire, mais elle ne pouvait plus bouger. Elle grogna et se laissa emporter, ce rêve était de plus en plus étrange.

Elle s'enfonça complètement dans la branche de fer et la plaine disparut de son champ de vision. Elle ferma les yeux alors que le métal recouvrait son visage et glissait sur sa peau.

La sorcière était désormais complètement immergée dans le liquide froid, elle sentait des vagues s'enrouler au-dessus de sa tête et un banc de petits poissons chatouilla ses orteils. Des vagues ? Des poissons ? La mer ? Elle se résigna à ouvrir les yeux et fut surprise de ne pas sentir le sel lui picoter les rétines. Elle était encore piégée dans l'acier.

La jeune fille ouvrit malencontreusement la bouche et sentit un goût métallique lui emplir la gorge. Elle voulut recracher, mais n'arriva qu'à aspirer un peu plus de liquide. Paniquée, elle battit désespérément des jambes et nagea jusqu'à la surface. Cassandre sortit la tête de l'eau et accueilli la caresse du vent sur sa peau avec soulagement. Elle savait qu'il était inutile de prendre de grandes inspirations, car elle n'avait pas besoin de respirer dans son rêve, mais sentir l'air remplir ses poumons la rassura. Ce ne fut que quand elle fut complètement calmée qu'elle réalisa qu'elle avait récupéré sa capacité de mouvement.