Chapitre 3: Zackaria

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Âmes égarées

Seconde partie

L'enterrement de Philippe Lasso eu lieu le lendemain de son décès. Les mages étaient passés l'après-midi même pour vérifier qu'aucune trace de poison ne se trouvait dans les écuelles des autres membres de la famille. Devant leur absence, il paraissait évident que seul le comte était visé.

Suspicieux, Zackaria n'avait pu s'empêcher de fouiller les quartiers de sa mère, alors qu'elle préparait les plus jeunes pour les funérailles. Il s'était glissé dans sa chambre et avait scruté chaque meuble, retourné chaque tiroir, avant de trouver ce qu'il cherchait. Il devait avouer que sa génitrice l'avait bien caché, derrière le miroir au fond de son armoire. Personne n'aurait pensé à chercher là.

La jeune homme soupesa le flacon qui se trouvait dans sa main gauche. Il aurait préféré ne pas le trouver. Mais pourtant il était là, caché dans les affaires de sa mère.

Et la couleur mauve du liquide ne trompait pas. N'importe quel sorcier reconnaîtrait ce puissant poison. Ce poison qui avait tué son père.

L'espace d'un instant, l'héritier des Lasso se demanda qui l'avait fourni à sa mère. Lequel de ces visages qu'il croyait amis, l'avait trahi ?

Peu importe, finalement. La personne qui avait concocté cette potion ne devait pas savoir sur qui elle serait utilisée. Sa génitrice était le seule coupable.

Le sorcier se rappela les rumeurs de la cour, de ses racontars qui faisait le tour de l'aristocratie. Etaient-ils arrivés aux oreilles de sa mère ? C'était fort probable. Cela expliquerait son geste.

Aux Vallées d'Argent, l'honneur constituait un des piliers de la noblesse. Et avoir un bâtard dans la famille constituait le comble du déshonneur, pour le père de l'enfant, comme pour son épouse. Et cela faisait bien longtemps, que, cachés derrière leurs gants, masques ou éventails, les aristocrates gloussaient sur la bâtarde qu'aurait eu Phillipe Lasso, dix ans plus tôt. Peu de temps après la naissance de ses jumeaux légitimes.

Zackaria crispa le poing autour du flacon et se fit violence pour ne pas le briser. Il fallait qu'il le remette à sa cachette originale, s'il ne voulait pas que sa mère ne se rende compte de quelque chose.

Précipitamment, il replaça la fiole derrière le miroir et sortit des quartiers maternels, en s'efforçant de garder un visage de marbre.

L'enterrement tombait à pic. Il pourrait faire passer ses larmes de rage pour de la tristesse. Oh, il y avait un peu de cela, bien sûr. Mais aussi beaucoup de colère contre sa mère, les nobles et Iridia tout entière.

Les funérailles ne furent qu'une grotesque fête de l'hypocrisie. Les seigneurs présentèrent des condoléances fictives à la famille éplorée, dans l'unique espoir de maintenir de bonnes relations avec Zackaria, qui devait succéder à son père. Léonora et Gilna avaient cachés leur visage sous une mantille, mais là où celle de la jeune fille dissimulait ses larmes, celle de la comtesse camouflait leur absence.

Seul la famille du duc de Leandras, suzerain des Lasso, se montra sincèrement peiné et apporta du soutient aux enfants. Ariane, leur fille resta auprès de sa meilleure amie, Léonora durant toute la cérémonie. Pendant ce temps, ses frères et sœurs consolèrent Tékanéra et Ophélie.

Zackaria, lui, resta silencieux durant l'enterrement. S'il ouvrait la bouche, il avait peur que sa rage éclate.

Quand l'inhumation se termina enfin, il eut l'impression de sortir d'une lente apnée. La morsure interne de ses émotions et sentiments interdits d'expression, lui était aussi douloureuse qu'une longue privation d'oxygène. Quand les nobles s'en allèrent, les tentacules noires et nauséabondes qui comprimaient sa cage thoracique se retirèrent aussi vite que l'influence toxique de l'aristocratie.

MagissaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant