Chapitre 1: Hélène

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L'azur de leur regard


An 377 Après Léonilde

Dans les ruines d'un village détruit des silhouettes se faufilaient entre les décombres à la recherche de survivants. Soudain l'une d'elles leva son sabre et l'abaissa soudainement sur le corps d'une femme blessée. Le sang gicla et et éclaboussa les soldats des alentours. La tête féminine roula jusqu'aux pieds de son meurtrier déclenchant le rire gras de ses camarades.

De l'autre côté de la petite ville, un homme ne prenait pas part aux sanglantes festivités. Il fouillait ce qui avait été une maison. Des planches de bois détruites, fracturés, déchirées pendaient sur des poutres trouées, la poussière des canons volait dans un ballet éphréné et funèbre et des tissus couverts de sang dissimulaient le sol. La chaumière effondrée aurait conservé un silence de cimetière, si une respiration saccadée, sifflante, à peine audible ne le troublait pas. 

 Le soldat repoussa les ruines et découvrit le cadavre d'une femme. Dans un geste d'honneur et d'adieu, il porta deux doigts à ses lèvres et les posa sur le front froid. Il murmura une dernière prière, puis poussa le corps avec respect. Mais des petits bras s'accrochaient encore à la dépouille. Il écarta soigneusement les petits doigts et prit l'enfant dans ses bras. Il vérifia les alentours avant d'examiner la fillette. La petite ne devait pas avoir plus de huit ans, extrêmement mince, elle avait dû souffrir de la pénurie de nourriture engendrée par la guerre.

Sa poitrine se soulevait de temps en temps mais sa respiration était sifflante, elle ne survivrait pas longtemps. Il la posa sur une planche de bois. Il s'apprêtait à dégainer son arme quand la fillette ouvrit les yeux. 

Malgré la souffrance, la maladie et la famine, ses prunelles saphir n'avaient pas perdu leur éclat. Deux pierres précieuses enfoncées dans un visage de porcelaine, elles brillaient d'une lumière digne des plus belles étoiles du firmament. Des astres si semblables à tant d'autres que le soldat avait éteints, ces iris fixés sur lui qui le regardait avec horreur lorsqu'il transperçait un de leur camarade, puis se voilaient pareillement face au tranchant de son sabre. Mais ces prunelles là étaient celles d'une enfant innocente et effrayée.

Les paroles de l'empereur résonnaient dans son esprit:" Tuez les tous ! Accomplissez votre devoir pour l'empire ! Prouvez votre loyauté ! Détruisez cette race maudite ! ". Mais elle ne représentait aucun danger, songea-t-il. Il rangea son épée et cacha la jeune fille sous sa cape, personne ne devait la voir.

Elle était suffisamment sèche et souple pour qu'il puisse la glisser dans son sac de voyage vidé au préalable. L'armée retourna au pays à dos de cheval, âne ou éléphant pour les plus riches, joyeuse troupe alignée dans un ordre précis.

À la première auberge où le convoi s'arrêta, le soldat traître se faufila jusqu'à une porte qui semblait condamnée. Pourtant, il l'ouvrit sans difficulté avant de sortir. Il eut à peine le temps de respirer l'air frais de l'extérieur qu'un homme surgit derrière lui. Le nouveau venu sourit. Les contractions des muscles de son visage faisait se plisser la cicatrice qui lui barrait la joue gauche. Il tendit une main graisseuse au combattant, avant de s'adresser à lui d'une voix rauque:

-Quixi, cela fait longtemps. Que veux tu mon bon ami?

Le fantassin sortit délicatement l'enfant de son bagage et s'adressa à son acolyte:

-J'aurais besoin que tu la confies à un de tes contacts, elle a besoin de soins de toute urgence.

Le gaillard jaugea la petite du regard, elle avait encore minci depuis son sauvetage et ses plaies s'étaient infectées. Les membres ankilosés à force de rester coincée dans un sac, pouvant à peine bouger et les muscles atrophiés par la maladie et le manque d'effort physique, la petite brune était tellement faible qu'elle ne pouvait plus marcher ni même s'asseoir. Néanmoins son regard vif jaugeait les deux compères, qui parlaient une langue différente de la sienne.

MagissaWhere stories live. Discover now