Chapitre 10 : Léonora

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Assemblées

Première partie

Le comté des Lasso, aux Vallées d'Argent, comprenait tout le flanc ouest de la colline qui menait au plateau sur lequel était bâti le palais royal. Cette région était peu habitée, recouverte de nombreux bois, mais profitant de la fertilité de la terre, des verts pâturages, et du vaste espace disponible, cinq fermiers s'y étaient établis, et chaque matin leur coq respectif chantait en chœur avec ses voisins.

Oui, chaque matin, une cacophonie stridente résonnait dans les oreilles de Léonora, la tirant du sommeil. Elle se massa les tempes. Si ce jour n'était pas celui du conseil, elle aurait pesté encore une fois contre ces satanés animaux. Mais, quand elle s'était couchée, la veille au soir, elle avait presque souhaité que, quand l'aube viendrait, ils recommencent leur concert quotidien.

Avec un soupir las, la jeune femme repoussa ses draps, s'étira en bâillant et se leva. Passant devant le lit où Tékanéra dormait autrefois, elle récupéra sa brosse sur une commode et tout en lissant ses longs cheveux d'ébène, ouvrit les tiroirs et en sortit un corset, une robe et des jupons. Dans la petite boîte sur sa droite, elle saisit un flacon de verre et versa quelques gouttes de la concoction de plantes aux odeurs capiteuses sur le tissu.

Avec des gestes souples, la comtesse noua les lacets de son corset, puis enfila sa toilette. Comme toute aristocrate, elle aurait pu avoir des servantes pour l'aider à se préparer, mais elle ne supportait pas de voir ces femmes grouiller dans sa chambre, choisir ses vêtements et la coiffer tout en piaillant inutilement. Non, la fille de feu Philipe Lasso aimait s'habiller seule, elle était entourée toute la journée alors elle tenait plus que tout à sa solitude matinale.

Une fois vêtue, elle appliqua soigneusement de la poudre blanche sur son visage, teignit ses lèvres en rouge, allongea ses cils grâce à une potion noire et colora ses paupières dans des couleurs chatoyantes, assorties à sa robe. Avec un sourire, elle attrapa un coffret de bois, dans lequel reposait des dizaines de broches différentes, qui affichaient fièrement leur dentelle de métaux précieux, ornés de pierres précieuses colorées. La grande brune en choisit une d'or et de rubis, qui, dans la masse noire de ses cheveux, brillait comme un petit soleil.

Avec un soupir de soulagement, elle pivota vers le miroir et s'observa. Les arabesques dorées brodées sur sa toilette vermeille scintillaient à la lumière du soleil levant, ses yeux brillaient sous son fard rouge et l'austérité de sa chevelure sombre était éclipsée par l'éclat de la broche et de ses boucles d'oreilles ambrées. Malgré ses escarpins, elle tourna sur elle-même, admirant les jeux de lumière qui sublimaient l'or de sa tenue. La jeune femme s'esclaffa, elle était belle, si belle... elle sourit à son reflet. Elle battait largement les femmes de la cour.

Aux Vallées d'Argent, pays de l'élégance et du charme, chaque réunion des aristocrates était le théâtre d'un étrange concours. En effet, les nobles rivalisaient pour être reconnus comme le plus beau ou le mieux habillé, alors quand le roi rassemblait son Conseil, il assistait à un défilé de pourpoints, vestes et haut-de-chausses pour les hommes, toilettes, bijoux et talons plus hauts que des échasses pour les femmes. On pouvait dire, qu'aux Vallées d'Argent, les couturiers faisaient fortune.

Léonora quitta ses quartiers et parcourut les couloirs du grand château. Quand elle passa devant la chambre où dormait sa mère, que le chant des coqs n'avait pas réveillée, la comtesse prit un malin plaisir à faire grincer le bout de ses escarpins contre le sol, produisant une plainte aiguë, qui ne manquerait pas de troubler le sommeil de sa génitrice. La tête haute, elle continua son chemin et descendit précautionneusement les escaliers. Arrivée dans le hall, elle attrapa une cape et des gants et joignit trois fois les mains, produisant des claquements secs avant d'appeler :

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