Chapitre 17 : Cymopolée

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Là où passé et futur s'entremêlent 

Seconde partie 

Les pensées amères, elle passa devant l'étage où elle avait trouvé son manteau et son chapeau, qui avaient appartenu à un de ses ancêtres. Un roi marin, comme son père, sauf qu'il avait vécu huit-cents ans plus tôt.

Huit cents ans... la jeune femme avait du mal à réaliser tous les siècles parcourus, tous les trésors trouvés, tous les récits découvert, juste en fouillant une bâtisse. Mais surtout, selon ses livres d'histoire, le Bastion de la Blood avait été fondé mille ans plus tôt... cela signifiait qu'elle frôlait les derniers secrets du bâtiments. Les secrets de Saturne elle-même.

Cymopolée continua de descendre les étages. Un qu'elle avait déjà visité, deux qu'elle avait déjà visités, trois qu'elle avait déjà visités... elle s'arrêta au quatrième.

D'un sortilège assez simple, que même elle maîtrisait, elle alluma des bougies. Les chandelles laissèrent leur flamme traîner paresseusement sur les trésors millénaires.

Des centaines de toges pendaient au plafond. La lumière s'arrêtait sur leurs broderies dorées et les faisait briller de mille feux. La jeune femme s'arrêta devant une robe rouge, dont les fils d'or dessinaient un soleil couchant. Un soleil couchant sur une mer de sang. Elle laissa ses doigts traîner sur les broderies qui lui rappelaient à quel point son île pouvait être belle. De cette beauté atroce, mais envoûtante du chagrin, de la guerre et de la rage. La beauté dans la douleur.

Quand elle sentit les larmes noyer de nouveau ses joues, elle se détourna. La sorcière repoussa les robes tendues sur toute la pièce et se rapprocha du mur du fond. Quelque chose l'attirait là-bas. Adoptant sa nouvelle attitude de pantin, elle se laissa faire.

Là, l'attendait une femme. Une femme aux traits figés sur toile. Une femme qui avait donné naissance à Zlendriss, à Vénus, à leur père, à leur tante, à leur grand-mère, leur arrière grand-père et plus encore. Une femme qui vait donné naissance non seulement à une famille mais à un empire.

Avec ses lèvres minces et tendues, sa mâchoire crispée, ses sourcils tracés comme deux arcs prêts à l'assaut, ses mèches noires retenues par diverses chaines d'or, Saturne Blood rayonnait de cette beauté douloureuse et cruelle qu'elle avait légué à son empire. Sévère, revêche et éternelle, elle scrutait l'horizon des terres, comme du temps. Cymopolée se sentait observée, comme si son ancêtre pouvait la contempler et percer tous ses secrets. Comme si son ancêtre pouvait la juger du haut de son trône, du haut des cieux.

Ridicule, pensa-t-elle, les morts ne peuvent accéder au monde des vivants. Mais ce n'était qu'une vaine tentative de se rassurer, elle se sentait vraiment épiée. Ce tableau, cette femme elle-même dégageait quelque chose de sinistre.

Quatre autres portraits accompagnaient celui de Saturne. Cependant, ils étaient tous dissimulés sous un drap noir. Le signe d'un deuil profond. Comme si on les avait effacés, ou qu'on ne voulait plus s'en souvenir. Pas d'eux, mais des souvenirs qu'il les accompagnaient. Joyeux et douloureux à la fois, comme toujours lorsque que cela concerne les membres de sa famille. Cymopolée en savait quelque chose.

La jeune femme ne voulut pas percer leur secret. Elle ne voulait pas s'immiscer dans la vie de ses ancêtres, elle ne voulait pas découvrir ce qui les avait poussés à effacer ceux à qui ils tenaient le plus, les trésors de leur cœur.

Cette pièce la mettait mal à l'aise, elle était trop personnelle et en même temps pas assez. Austère aussi. Comme si son propriétaire voulait l'en chasser. Elle ne se fit par prier et déguerpit.

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