Partie IV - 11 : Folie À Deux

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"Rest now, child, the day is done
The dark comes for everything
Inside the heart of everyone
There lives infinity"

LE TRIO S'AVENTURE HORS DU MANOIR, traversant le parc. C'est une journée étrange, et quelque chose comme de l'indifférence plane au-dessus des arbres. Pas un brin de vent, mais une douceur pesante, un doux mélange de fleurs, de chaleur et de décomposition : le parfum de la Louisiane.

Pour Daniel Spillman, ce parfum lui évoque son enfance, une porte vers l'enfer. Il se revoit alors, petit garçon, courant dans les champs de coton, appelant sa mère sous le soleil ardent. Il s'époumone, pleure et aperçoit son visage ; elle portait des lunettes noires élégantes et regardait à travers la vitre de leur voiture. Il l'avait suppliée de le laisser retourner à la maison, mais ses parents l'avaient reconduit à l'hôpital pour enfants, ce lieu maudit.

La voix de Madeleine résonne à ses oreilles, le ramenant au présent.

— Essayons celle-ci, lance-t-elle à Dixon.

Elle désigne une Ford 1957 d'un ton vert clair, garée à l'ombre d'un arbre.

— Ouaip, c'est celle-là ! répond l'officier.

Ils montent, Dixon démarre alors le moteur, et la voiture démarre à toute vitesse. Daniel est assis sur le siège passager.

— Ce sera notre dernier trajet ensemble, dit le policier.

— Qu'allez-vous faire ? demande le fils Spillman.

— Nous avons des proches au Canada. Je ne prends aucun risque en restant ici. Ni avec le Klan, mon patron ou la peine de mort.

— Comment avez-vous réussi à vous défaire de vos liens ? demande Madeleine, assise sur la banquette arrière.

Elle l'observe silencieusement dans le rétroviseur.

— J'étais dans l'armée. Et ce crétin ne savait pas faire de nœud, comme je l'ai dit.

— Vous avez combattu ? lance Daniel.

— J'étais infirmier en Normandie, le jour J. J'avais dix-huit ans. Qu'est-ce qu'ils en pensaient dans ta famille ?

— Mon père a toujours prétendu avoir combattu en France, mais je ne l'ai jamais cru.

— Pourquoi ?

— Lui ? Lutter contre les nazis ? Quelle blague ! Il se serait sûrement battu avec eux si on lui avait laissé le choix.

La Ford accélère, laissant derrière elle le souvenir de cette conversation. Ils roulent une bonne demi-heure jusqu'à atteindre le quartier résidentiel où habite Dixon.

Il se range et coupe le moteur, puis s'adresse à Daniel :

— La haine et la peur sont les deux principaux démons, mon garçon. Ne les laisse pas te contrôler. J'espère que tu auras une belle vie, loin de tout ce non-sens.

Il se tourne vers la jeune femme.

— Prenez soin de vous, Madeleine.

Il sort de la voiture, puis s'éloigne sur le chemin de gravier.

Madeleine expire longuement, puis Daniel s'installe à la place du conducteur et démarre. Il la regarde dans le rétroviseur, ses yeux bruns captant son attention. Bientôt, ils s'engagent dans une allée de pins, un corridor de verdure qui les mène au bout du monde.

KuklosWhere stories live. Discover now