USA, juin 1960. Dans une petite ville de Louisiane, le jeune Daniel Spillman étouffe, couvé par une mère possessive et un père l'accablant de brimades et de coups. Un jour, une jeune missionnaire, prénommée Madeleine, frappe à la porte de cette fami...
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LA GARE ROUTIÈRE DE DENVER est plongée dans un silence sinistre, mais cela ne dure pas longtemps. Le bus arrive, le ronronnement du moteur brisant le silence. Les portes s'ouvrent lentement, et les premiers passagers montent à bord, l'odeur de l'essence flottant dans l'air. Madeleine et Levy montent à leur tour. Le jeune homme range leurs valises dans le porte-bagages. Le bus démarre, et Madeleine regarde la ville défiler. Elle pleure, et Levy la console en passant son bras sur ses épaules.
— Je suis désolé. Tu fais ce qu'il faut, Madeleine.
Celle-ci secoue la tête, sans pouvoir répondre. Elle ressent le poids d'un monde de non-dits. Daniel est brisé et le restera malgré les efforts de Madeleine. Elle le comprend finalement. Elle respire l'odeur de Levy, un mélange étonnamment agréable d'aftershave et de cigarettes, les yeux rivés sur la fantomatique Denver.
— Ça va aller, murmure Levy en lui pressant la main. T'es une fille formidable.
Madeleine se sent moribonde. Elle ne supporte plus de penser à Daniel. Il est tout ce qu'elle voit en fermant les yeux, un trou noir au centre de son existence qui l'aspire dans les ténèbres. Sa vie ne lui appartient plus, elle est à lui depuis un certain temps.
— Tu vas t'en sortir, reprend Levy. T'as froid ? Tiens, prends ma veste. Voilà, maintenant t'as l'air de faire partie du gang des mecs cool !
Madeleine sourit malgré ses larmes. Elle se sent petite et faible, alors qu'elle s'était promis de ne plus jamais ressentir cela. Elle a l'impression de flotter dans le bus, dans la ville, et ne se souvient plus pourquoi elle est là, qui elle était avant de rencontrer Daniel, ou même ce qu'est la vie. Tout ce qu'elle sait c'est qu'elle doit rentrer chez elle et quitter cet endroit.
— Peut-être que je ne reviendrai pas non plus, murmure Levy. J'en ai assez d'être ici.
Il parle doucement, comme s'il racontait une histoire qu'il pourrait finir par croire. Il y a quelque chose dans sa voix qui donne à Madeleine l'impression de pouvoir lire son âme. Elle a peur de ce que Dieu pense d'elle, peur de retrouver son père et de devoir lui mentir.
