Partie I - 9 : Salle d'O.

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LE VENT SOUFFLE SUR LES ARBRES ET LA MAISON. Il s'insinue au-delà des portes et des fenêtres, tapant au carreau. La clarté matinale baigne la chambre sous les toits. Madeleine frissonne tandis qu'elle commence à s'éveiller. Une douleur intense enflamme son corps de crampes et courbatures. Elle grimace, le visage fiévreux et le front en sueur. Son cœur s'emballe lorsqu'elle remarque les taches de sang sur les draps.

Le fils Spillman respire à ses côtés, allongé sur le tapis où il a passé la nuit. La jeune femme se penche et l'observe : il dort, la tête posée sur son bras. Des gémissements lui échappent, son visage se contracte, et ses yeux papillotent derrière ses paupières closes.

Soudain, une douleur cuisante s'empare de Madeleine. Elle se plie en deux et renverse le masque à gaz d'un mouvement du coude. Une main sur son ventre, elle se fige lorsque le jeune homme ouvre les yeux, réveillé par le bruit. Elle le contemple d'un regard défait, ramenant les couvertures sur elle tandis qu'il lui retire les menottes.

— Debout, lui dit-il.

Daniel l'observe secouer la tête entre ses larmes – elle ressemble à un animal effrayé. Il défait les draps, jonchés du sang de ses règles arrivées la nuit. Le jeune homme observe Madeleine, recroquevillée au fond d'elle-même, des taches sèches, parfois brillantes, des rubans pourpres qui coulent entre ses cuisses. Elle sanglote, terrifiée par la souffrance et la mort, tandis que lui étudie avec une attention troublante le sang sur le matelas.

Soudain, il s'incline vers elle.

— Pardon ! l'implore-t-elle.

Daniel se redresse et la soulève entre ses bras. La jeune femme le considère à la volée, honteuse, car elle se sent sale. Aucune expression ne trahit le visage du fils Spillman. Ce dernier quitte la chambre, traverse le couloir où le passereau les observe. Madeleine peut sentir le parfum naturel de sa peau, propre et boisé, comme un rêve lointain, mais ardent.

Dans la salle d'eau, les pieds de celle-ci retrouvent le sol. Le jeune homme verrouille la porte, puis fait couler un bain.

— Approche, lui dit-il.

Il s'assoit sur le rebord de la baignoire et déboutonne sa chemise maculée de sang. La brune l'observe, ne sachant que faire de ses mains qu'elle finit par laisser trembler dans le vide. Elle frémit alors que les doigts du fils Spillman atterrissent sur ses hanches et l'attirent à lui. Délicatement, il pose la tête contre son ventre et ferme les yeux, la respirant.

La jeune femme se raidit en découvrant son reflet dans le miroir : son œil et ses lèvres sont tuméfiés. Daniel fait rouler la culotte de Madeleine à ses chevilles, sous cette robe de nuit qui la dissimule à son regard. Il plonge le gant sous l'eau chaude et la contemple comme un tableau, faisant remonter ses mains le long de ses jambes. D'abord, ses chevilles, l'arrière de ses mollets, ses cuisses voluptueuses, ses hanches, puis son ventre, qu'il embrasse par-dessus la robe, osant, cette fois, soutenir son regard. Son cœur bat à tout rompre, une sensation qu'il n'a jamais éprouvée. Il la respire une seconde, comme une éternité ; il voudrait la dévorer. Il enveloppe sa taille, ses lèvres entrouvertes contre l'étoffe crème.

Les yeux baissés sur ses cheveux bruns décoiffés, Madeleine l'observe, troublée et désorientée. Elle hésite, puis pose les mains sur ses épaules.

— Aide-moi, murmure-t-elle. Aide-moi à rentrer chez moi. Je t'en prie...

Daniel se redresse, la surplombant, puis encadre son visage de ses mains. Les larmes de la jeune femme viennent caresser ses pouces ; il trouve qu'elle a de beaux yeux. Il la serre maladroitement dans ses bras, l'enlaçant comme un rêve d'espoir. Il réexamine son visage, les contusions, et grimace.

— As-tu déjà vu des yeux bruns au soleil ? souffle-t-il. Ce brun se transforme pour devenir quelque chose d'autre, de l'or entourant une éclipse. On a tort de dire que les yeux bruns sont basiques ou ennuyeux.

Madeleine l'étudie, percevant ses doigts mouillés contre sa joue tandis qu'une distance maladroite les sépare. Finalement, le jeune homme la relâche. La brune le dévisage, sans parvenir à capter son regard, sans arriver à le déchiffrer.

Ses yeux se perdent un instant sur son torse nu.

— Prends ton bain, dit Daniel en s'éloignant. Je t'attends dans le couloir.

La jeune femme l'observe s'en aller, puis fermer la porte derrière lui.

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