Partie V - 9 : Les Ablutions

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LA CHAMBRE EST PLONGÉE dans l'obscurité, les rideaux sont fermés mais laisse passer quelques rayons de lumière

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LA CHAMBRE EST PLONGÉE dans l'obscurité, les rideaux sont fermés mais laisse passer quelques rayons de lumière. Il y a une lueur blanche, fragile : le dernier jour de décembre. Daniel est étendu, nu, sur le canapé, éclairé par la flamme vacillante d'une bougie. Madeleine pleure, ses larmes tombent sur la peau du jeune homme. Elle prend de l'huile de rose et en masse les pieds de Daniel. L'odeur du parfum remplit la chambre.

Son geste s'accompagne d'un amour total tandis que ses doigts s'entremêlent aux orteils, glissant sur chaque phalange. Elle remonte le long des chevilles, mollets, genoux, cuisses, veillant à bien frictionner les plis où les jambes rejoignent le corps. Elle le regarde : ses yeux sont clos, et son visage est un masque de douleur.

Daniel a passé trois jours et trois nuits à agoniser dans cette chambre, attendant la mort qui ne venait pas. La Mort était parfois froide, parfois brûlante, comme la fièvre et ses hallucinations. Elle est un monstre à la gueule béante et aux morsures d'angoisse, un instant de lucidité où votre cerveau s'écrie : « Pitié, je ne veux pas mourir ! »

Laissez-moi vivre, Seigneur. Pardonnez-moi.

Le Seigneur, voilà bien longtemps que Daniel n'avait pas fait appel à lui. Il a imploré son nom dans le fond de sa gorge, trop épuisé pour utiliser ses cordes vocales.

Seigneur, je t'ai abandonné. Je ne crois pas en toi. Si tu me sauves, Seigneur, je serai le meilleur homme que la terre ait jamais porté. Je ne te demanderai plus jamais rien.

Daniel était prêt à tout pour que Dieu l'entende, s'il existait vraiment. Il refusait de voir son âme sombrer dans l'abîme. Il se sentait prisonnier de ce lit, qui avait été autrefois un jardin d'Eden avec Madeleine. Il avait l'impression que les bras de l'enfer essayaient de le précipiter dans les profondeurs du matelas, entre les ressorts, prêts à l'empaler et à déchirer sa chair, dépouillé de ses restes humains.

Il avait vu des choses qu'il tentait d'oublier, mais qui demeuraient en lui comme un cancer. Il aurait voulu se taper la tête contre les murs, disparaître, et pria différemment pour que Dieu ou le Diable l'emporte. Personne n'entendait ses supplications. Lorsque la douleur devint trop insurmontable, quand la faim et la soif le plongèrent dans un état second, Daniel Spillman se mit à divaguer : il faisait des rêves d'amour.

Étendu dans la béatitude de la presque-mort, il imaginait la chaleur de Madeleine, sa tendresse, ses rires, son odeur, son nez retroussé. Elle le serrait contre elle, le laissant boire à son sein. Il se vit enfant dans ses bras, puis elle se métamorphosa en une figure maternelle.

Des images affreuses le tourmentèrent après cela, des visions de femmes ; celles qu'il avait attirées pour son père et qui avaient souffert par sa faute. Il pleurait, comme si la plus grande misère du monde était venue l'écraser. Il avait l'impression de suffoquer, pris dans l'étau d'une force invisible. Ses cris devinrent des sanglots, un étranglement.

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