Partie II - 3 : Psychose

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CLAUDE DIXON DESCEND la rue principale. Il songe à madame Mosley et à sa silhouette ronde dans le salon, lui proposant des fruits à chaque nouvelle montée de larmes. Il voudrait rassurer cette mère, mais il redoute de ne pouvoir tenir ses promesses. Sur Broad Street, il reconnait le portrait épinglé sur plusieurs poteaux : celui de Madeleine Paulson.

Un passant heurte son épaule et lui jette un sale regard.

— Argh ! Qu'esstuveux qu'on fasse ? lâche celui-ci. 'Sont même flic, maintenant.

Indifférent à ces paroles, Claude observe les deux gars descendre la rue. Il songe à cette jeune femme disparue, vue pour la dernière fois dans le cinéma d'en face. Les lumières de la façade sont éteintes lorsque Dixon entre. Le guichetier, devenu homme à tout faire, balaie le hall.

— Bonsoir, lance Dixon.

L'autre se retourne dans un sursaut.

— Oh, bonsoir, Officier ! Je ne vous avais pas entendu.

Claude lui fait savoir d'un mouvement de tête qu'il n'en est rien.

— J'espère que je ne vous dérange pas.

— Vous ne me dérangez pas du tout. C'est encore au sujet de cette jeune femme ?

Dixon inspire avant de répondre :

— Je suppose qu'il y avait foule lors de la séance ? En effet, pour un film comme celui-ci... Ça a même fait les Nouvelles, je m'en souviens. Ils ont montré la cohue à Los Angeles, le soir de la première. Tout le monde aime Alfred Hitchcock.

Le guichetier opine doucement.

— Oui, l'effervescence ! Mais, ici, il n'y avait personne. C'est une petite ville.

— Combien de clients ? Vous vous en souvenez ?

Sans hésiter, le guichetier répond :

— Oh oui ! Deux. La fille que vous cherchez et un jeune gars d'son âge.

L'officier Dixon lève le nez de son bloc-notes.

— Pourriez-vous me le décrire, ce jeune homme ?

— Oh, j'peux faire mieux ! C'est un habitué. Il venait chaque semaine avant, le jour des sorties. Daniel Spillman, qu'il s'appelle ! Sa famille tient une épicerie au bord de la nationale.

Il baisse le rideau de fer et ferme les portes vitrées de l'intérieur.

— Ça vous embête pas de passer par-derrière avec moi pour sortir ? reprend-il.

Les mâchoires crispées, Claude reste immobile.

— Vous les avez vu se parler ? finit-il par lâcher.

— Non, mais...

Le guichetier médite une seconde, puis s'exclame :

— Ah oui ! La fille avait trouvé son portefeuille en quittant la salle. J'lui ai dit que j'pouvais m'en charger, mais elle n'a pas voulu.

Dixon griffonne sur son calepin, suivant le jeune homme à travers les couloirs.

— Elle serait allée lui rapporter selon vous ?

— Je peux pas vous dire avec certitude. Mais, oui, j'imagine.

— Bon, murmure Claude. C'est bien, déjà très bien.

Ils sortent par l'issue de secours et atterrissent dans la ruelle.

— À votre service, Officier.

Un signe de la main, puis Dixon observe le jeune homme s'éloigner.

KuklosWhere stories live. Discover now