CLAUDE DIXON DESCEND la rue principale. Il songe à madame Mosley et à sa silhouette ronde dans le salon, lui proposant des fruits à chaque nouvelle montée de larmes. Il voudrait rassurer cette mère, mais il redoute de ne pouvoir tenir ses promesses. Sur Broad Street, il reconnait le portrait épinglé sur plusieurs poteaux : celui de Madeleine Paulson.
Un passant heurte son épaule et lui jette un sale regard.
— Argh ! Qu'esstuveux qu'on fasse ? lâche celui-ci. 'Sont même flic, maintenant.
Indifférent à ces paroles, Claude observe les deux gars descendre la rue. Il songe à cette jeune femme disparue, vue pour la dernière fois dans le cinéma d'en face. Les lumières de la façade sont éteintes lorsque Dixon entre. Le guichetier, devenu homme à tout faire, balaie le hall.
— Bonsoir, lance Dixon.
L'autre se retourne dans un sursaut.
— Oh, bonsoir, Officier ! Je ne vous avais pas entendu.
Claude lui fait savoir d'un mouvement de tête qu'il n'en est rien.
— J'espère que je ne vous dérange pas.
— Vous ne me dérangez pas du tout. C'est encore au sujet de cette jeune femme ?
Dixon inspire avant de répondre :
— Je suppose qu'il y avait foule lors de la séance ? En effet, pour un film comme celui-ci... Ça a même fait les Nouvelles, je m'en souviens. Ils ont montré la cohue à Los Angeles, le soir de la première. Tout le monde aime Alfred Hitchcock.
Le guichetier opine doucement.
— Oui, l'effervescence ! Mais, ici, il n'y avait personne. C'est une petite ville.
— Combien de clients ? Vous vous en souvenez ?
Sans hésiter, le guichetier répond :
— Oh oui ! Deux. La fille que vous cherchez et un jeune gars d'son âge.
L'officier Dixon lève le nez de son bloc-notes.
— Pourriez-vous me le décrire, ce jeune homme ?
— Oh, j'peux faire mieux ! C'est un habitué. Il venait chaque semaine avant, le jour des sorties. Daniel Spillman, qu'il s'appelle ! Sa famille tient une épicerie au bord de la nationale.
Il baisse le rideau de fer et ferme les portes vitrées de l'intérieur.
— Ça vous embête pas de passer par-derrière avec moi pour sortir ? reprend-il.
Les mâchoires crispées, Claude reste immobile.
— Vous les avez vu se parler ? finit-il par lâcher.
— Non, mais...
Le guichetier médite une seconde, puis s'exclame :
— Ah oui ! La fille avait trouvé son portefeuille en quittant la salle. J'lui ai dit que j'pouvais m'en charger, mais elle n'a pas voulu.
Dixon griffonne sur son calepin, suivant le jeune homme à travers les couloirs.
— Elle serait allée lui rapporter selon vous ?
— Je peux pas vous dire avec certitude. Mais, oui, j'imagine.
— Bon, murmure Claude. C'est bien, déjà très bien.
Ils sortent par l'issue de secours et atterrissent dans la ruelle.
— À votre service, Officier.
Un signe de la main, puis Dixon observe le jeune homme s'éloigner.
![](https://img.wattpad.com/cover/221933634-288-k944518.jpg)
YOU ARE READING
Kuklos
General FictionUSA, juin 1960. Dans une petite ville de Louisiane, le jeune Daniel Spillman étouffe, couvé par une mère possessive et un père l'accablant de brimades et de coups. Un jour, une jeune missionnaire, prénommée Madeleine, frappe à la porte de cette fami...