Partie II - 1 : Motherfuckers

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JE N'ARRIVE PLUS À RÉFLÉCHIR. Je suis incapable de structurer mes pensées ou de les organiser, si tu vois une réelle différence entre les deux. Voici ce qui traversait l'esprit de Maverick Kordwell devant ces lignes de poudre blanche, attendant sagement sur les toilettes du poste de police. Putain, mec, sniffe-moi ça et remets-toi au boulot. Recolle les morceaux. Le patron, il n'aime pas ça, les morceaux. Si tu continues, c'est toi qui vas finir aux chiottes ! Toutefois, les élucubrations de Maverick sont bientôt étouffées par le grincement de la porte lorsque deux collègues entrent dans les sanitaires.

Kordwell identifie les voix des officiers Jenkins et Geddes :

— T'sais comment les gens l'appellent dans not'service ?

— Qui, Kordwell ? Non. Comment ?

— Dalton.

— Pourquoi ?

Depuis son box, sans faire de bruit, l'inspecteur Kordwell perçoit le murmure de l'urine qui perce la surface de l'eau, et le discours des deux hommes qui ignorent sa présence.

— Parce qu'il est incapable de voir la différence entre nous et les noirs ! lâche Jenkins avant d'éclater de rire. T'as pigé ? Il voit pas la différence de couleur !

Le rire se poursuit, le jet d'urine s'arrête, puis la narine de Maverick trouve la cuvette pour accueillir les lignes de poudre. Il penche la tête en arrière ; ses pupilles dilatées fixent le faux plafond du commissariat.

— On est obligé de les supporter dans les locaux, mais personne nous a demandé de travailler avec eux ! Tiens, passe-moi une serviette. Y'a plus rien dans c'machin là.

— C'est vrai ce qu'on raconte sur lui ?

Tandis qu'il les écoute déblatérer sur son existence, Maverick s'assoit sur les toilettes, préparant ses poings et imaginant : une main pour une tête, agrippée aux cheveux jusqu'au miroir. Et Bam ! Un autre coup suivrait – le front contre le lavabo. Crac ! Les dents comme des échardes. Sur ta putain d'langue, enfoiré !

— C'gars-là est un pur cinglé, si tu veux mon avis.

L'inspecteur Kordwell ouvre la porte et sort de son box. Les officiers se figent en découvrant son reflet dans le miroir sale.

— Cinglé ? répète Maverick. Messieurs, j'ai entendu dire qu'il était pire que ça.

Il retrousse les manches de sa chemise.

— Mon- monsieur... bégaye l'officier Jenkins.

Inspecteur, le corrige Maverick. C'est Inspecteur, le terme que vous cherchez.

Soudain, la porte des toilettes s'ouvre et révèle un troisième homme, d'origine afro-américaine. Celui-ci remarque la tension émanant de Kordwell.

— Inspecteur, lance-t-il, le véhicule est prêt.

Les deux idiots fixent le sol.

— J'arrive, annonce Kordwell.

Un semblant de mouvement l'anime, puis il s'éloigne tout à fait de ses collègues.

— Un problème ? demande Claude dans le couloir.

— Aucun.

L'officier Dixon observe son supérieur tandis qu'ils se dirigent vers la sortie.

— Et, Dixon, reprend-il, appelez-moi Maverick. C'est un ordre.

Claude Dixon acquiesce, puis les deux hommes franchissent les portes en verre du commissariat. Le vent brûlant souffle sur le parking alors ils montent dans la voiture banalisée. L'inspecteur démarre et ils s'éloignent.

— La fillette a disparu du Café Verde il y a moins de vingt-quatre heures, relate Dixon. À première vue, la gamine jouait avec d'autres gosses à l'arrière de la boutique, pendant que les parents discutaient devant ; une espèce de porche, d'après les photos.

Maverick regarde fixement la route, se représentant la scène, ou plutôt, les scènes, selon l'ordre des probabilités.

— Qui dirige cet endroit ?

— Papa Clarice. C'est un café réservé aux personnes de couleur. Ils ont placé une pancarte au-dessus de la porte : interdit aux blancs.

Maverick rit doucement.

— Ils sont inspirés ! Ils ont bien raison.

— Traiter le rejet par le rejet, je ne suis pas certain que ça fonctionne. Ce genre de procédé ne fait qu'entretenir la haine raciale.

L'inspecteur Kordwell observe son coéquipier.

— Aucune haine ? J'aurais envie de buter tous ces salopards de racistes si j'étais vous.

Dixon médite avant de répondre :

— Parfois, c'est le cas.

— Parfois ? répète Maverick avec cynisme. Je vous admire, Dixon. Vous êtes un sacré fils de pute. Je vous aime !

Claude éclate d'un rire franc sur le siège passager.

— Vous êtes aussi un sacré fils de pute, Inspecteur.

La petite baraque sur pilotis se profile bientôt devant eux, cachée par les fougères qui tapissent le marais et sa surface uniforme verte.

— Que va-t-on trouver ici ? poursuit Claude.

Il se penche sur le pare-brise, couvert de moustiques écrasés.

— De l'aide, j'espère, répond Maverick.


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