13. Pétunia Lunaire

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13 décembre.

Crazy for you - Slowdive
Joanna.

-Ce sont des graines et c'est à chier, murmurais-je en lançant un regard à ma mère.

Ses cheveux roux étaient noués en tresse. Elle portait un chandail vert et un large pantalon à motif, prête à partir vers l'école de yoga.

-C'est vrai que c'est à chier, répliqua Baxter en regardant la mixture composée de yaourt, de milles et unes graines et de sirop d'agave, qui se trouvait dans nos bols.

-Joa, qu'est-ce que j'ai dit? Les jurons apportent un mauvais aura à la maison. À la place, apprécie le moment présent et mange ce bol déjeuner. C'est bon pour vous, ça ajoute de bonnes toxines à votre corps, dit-elle doucement en faisant tremper la poche de son thé dans sa tasse.

-De toute façon, je dois aller travailler, murmurais-je en déposant mon bol sur le comptoir.

Ma mère soupira, avant de sourire à mon père, qui rentrait de l'extérieur. Il portait sa chemise beige et ses bermudas à fleurs, son ukulélé dans les mains.

-Je viens d'aller jouer du ukulele dehors, j'ai l'impression que les fleurs ont bien aimés. Elles semblent vivifiées, murmura-t'il en s'assoyant à sa place, souriant en voyant son bol avec les graines d'oiseaux.

Je soupirai en haussant les sourcils, avant de sortir de la maison, enfilant mes baskets noires et mon parka kaki.

Enfourchant ma bicyclette, je me rendis à mon lieu de travail.

C'était le pire endroit, surtout dans une petite ville comme celle où j'habitais. J'avais l'immense chance de travailler dans une boutique qui vendait des chandelles.

Des chandelles.

Je soupirai en poussant la porte, saluant l'autre employé, à qui je ne parlais pas vraiment. Je détestais cet endroit, principalement parce que la clientèle n'était pas très variée: des mères de familles avec une coupe au carrée. Et je détestais ce genre de personnes.

Parce que même si ma mère me tapait sur les nerfs, quelques fois par jour, je l'aimais bien. Je veux dire, elle était différente et hippie, mais ça faisait son charme. J'étais probablement une des seules jeunes filles dont les parents l'encourageaient à faire l'amour: c'est naturel et bon pour ton corps, m'avait dit ma mère, alors que j'avais quatorze ans.

J'avais la chance d'avoir des dizaines de plantes dans la maison, d'avoir un tourne-disque et des tonnes de plants de chou, dans le jardin.

Je souris en pensant au potager de chou, avant de me diriger derrière la caisse, pour m'assurer que tout soit bien placé.

J'avais dégoté ce boulot y'a un an, parce que ma mère voulait que je développe mon autonomie. C'était la seule entreprise qui m'avait rappelé. Alors, j'avais accepté.

Puis, je m'étais habitué. Ça meublait mes étés et mes fins de semaines, tout en me permettant d'avoir des chandelles un peu partout, dans ma chambre.

-C'est quoi, la nouveauté de la semaine? demandais-je à Cassie, l'employée.

-Pétunia Lunaire, répondit-elle, blasée.

Je pris le pot de vitre, apportant mon nez à la cire mauve bleutée. Pas trop désagréable.

J'haussai les épaules en reposant la chandelle contre le comptoir, avant de soupirer.

Je m'ennuyais, ici. Pas ici, à la boutique, mais ici, au New Hampshire.

C'était un bel état et la ville dans laquelle j'habitais avait un certain charme, mais j'avais parfois l'impression d'être seule. Seule, entourée de chandelle et de chou et de graines.

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