Cours!

114 10 2
                                    

Pax.

-Allez, cours, espèce de salaud! Vas-y! Cours, gros trou du cul! Va te faire enculer! Cours! Et ne reviens plus jamais voir tes gosses! Plus jamais, t'entends!

J'étais assise sur le trottoir, à huit filles de la porte d'entrée du centre pour jeune fille d'Hunts Point et je regardais la scène qui se déroulait devant moi, de l'autre côté de la rue.

C'était une grande bâtisse d'appartement en briques brunes, avec des fenêtres rouillées. Et à la porte d'entrée principale, y'avait une femme, peut-être dans la trentaine, avec un gamin dans les bras et trois entre les jambes, qui s'agrippaient à sa robe de chambre, en pleurant.

Elle criait après un homme, qui rigolait en ne cessant de la traiter de folle et de déséquilibrée mentale, une bouteille de scotch à la main. Il saignait du front, mais ne semblait pas s'en faire, préférant plutôt lancer des doigts d'honneur à ce qui semblait être sa famille et donner des coups de pieds dans les poubelles remplies de gros sacs à ordures.

-Je vais t'amener en cours, tu vas perdre les enfants, espèce de salope! beugla-t'il en titubant sur l'herbe jaunie. Ne me rappelle plus jamais! Garde les satanés enfants que tu as portés, qui ne sont bon à rien! T'es qu'une enfant de chienne, Luisa! Une putain d'enfant de chienne, t'entends!

Les quatre enfants pleuraient et criaient en s'accrochant à leur mère. Quelques voisins avaient même le visage collé à la fenêtre, en train d'épier la scène. La femme jeta un coup d'oeil en direction de la rue, visiblement humiliée, avant de claquer la porte et de monter les escaliers, ne répondant rien aux insultes que son mari venait de crier devant tout le voisinage.

-Je gage dix dollars qu'on le revoit la semaine prochaine, parce qu'elle l'aura appeler en pleurant, en disant que c'était une erreur et qu'elle était juste épuisée, rigola une fille près de moi. Putain.

-Ce n'est pas comme si le centre pour femme était hyper loin, en plus, ajouta une autre femme, qui avait une voix rauque, comme si elle fumait depuis qu'elle avait dix ans. Je comprends pas qu'elle ne le quitte pas et qu'elle vient pas chercher de l'aide ici!

-Vous la connaissez? murmurais-je en tournant la tête vers les deux filles.

La première, celle à la peau noire, se mit à rigoler en secouant la tête, tirant sur sa cigarette.

-Je me souviens qu'elle était avec moi, au lycée, Luisa. Elle est tombée enceinte alors qu'elle n'avait que quinze ans, le gosse est en détention juvénile, maintenant. Tu vois le genre.

-Le mien aussi est en détention juvénile, mais au moins, je suis pas coincée avec quatre autres gosses et un mari violent, à pleurer et à le rappeler à tous les soirs, pas vrai Sharon, éclata de rire l'autre, la plus vieille.

Elle portait de vieux vêtements et ses cheveux étaient sales, elle sentait la cigarette à plein nez et il lui manquait une dent. Sharon rigola aussi, écrasant le bout de sa cigarette sur le ciment, avant de soupirer.

Une fille entra et tout le monde s'avança d'une place.

-T'es nouvelle? Je t'ai jamais vu dans les alentours, lança Sharon. Généralement, les gens de Hunts Point sont toujours les mêmes, personne ne vient à Hunts Point. Tu grandis ici, tu fous la merde ici et tu meurs ici!

Plusieurs filles éclatèrent de rire, topant dans les mains de Sharon, tandis que la vieille riait en toussant, de gros bruits de crachats s'élevant de sa gorge.

-J'avais nul part où aller et je connaissais des gens ici, murmurais-je en inventant une histoire, ne voulant pas nécessairement tout dévoiler à des gens que je ne connaissais pas.

ParcellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant