Chapitre 9

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Avec tout ça, ma pause de midi était totalement fichue et je n'avais plus le temps de rejoindre Gab à la cafétéria. Elle avait laissé un nombre incalculable de messages sur mon portable que j'effaçai sans prendre la peine de les écouter. J'en connaissais plus ou moins le contenu. J'aurais été naïve de croire qu'elle n'avait pas reconnu la voix suave de Charles Potens lui dire que je la rappellerai.

Mon premier cours de l'après-midi allait commencer d'une minute à l'autre et je risquai d'être en retard si je ne me pressai pas un peu plus. Je sortis du bâtiment de médecine pour me rendre au mien quand je remarquai la belle voiture noire garée devant la faculté. Je devinais immédiatement qu'il s'agissait de celle de Charles et ne m'attardai pas à la contempler, craignant qu'il ne soit tranquillement posté derrière l'une des vitres teintées du véhicule.

Ce n'est qu'une fois saine et sauve dans ma salle de cours, les bras débarrassés de leur fardeau que je pus enfin écrire un message à Gab.

De Maggie :

Désolé de t'avoir laissé en plan à midi. Il m'est arrivé un truc de dingue, il faut que je te raconte. On se voit ce soir au COCO ?

De Gab :

Chaton tu es en vie. J'ai failli envoyer les NCIS à ta recherche. Tu as intérêt à avoir une bonne explication. Va pour le COCO.

Apparemment, elle ne l'avait pas reconnu sinon elle m'en aurait fait immédiatement un foin. Elle devait faire un peu la tête car elle n'insista pas et ne m'écrivit plus de tout l'après-midi. Je suivis les cours encore moins d'attention que le matin même. Mon esprit était clairement ailleurs et ma tête victime de douleurs lancinantes très désagréables. Je ne désirais pas grand-chose d'autre à cet instant qu'une couette, mon squeezy, et un poster géant de Charles Potens.

***

À dix heures tapantes, Gabrielle, accoudée au bar du Coco, tentait encore de se remettre de mes révélations. Au début, elle avait éclaté de rire en pensant que je lui faisais juste le récit d'une chute qui m'aurait plongé dans un semi-coma. Ensuite, un bel inconnu à fait son apparition dans l'histoire et ça l'a captivée. Et, enfin, le coup de grâce fut quand je lui révélai que le bel inconnu n'était autre que Charles Potens, l'élu de son cœur.

Étrangement, elle n'eut plus du tout envie de rire. Je dirais plutôt qu'elle hallucinait. Elle roulait de grands yeux tout ronds, la paille de son mojito encore dans la bouche alors que plus aucun liquide ne remontait ce tube depuis près d'un quart d'heure maintenant.

- Tu déconnes, lâcha-t-elle finalement.

- J'aurai préféré, il est un peu con dans son genre.

- Menteuse, tu craques pour lui.

Elle accompagna sa phrase d'une tape sur l'épaule que je perçus plus comme un avertissement que comme un acte de franche camaraderie.

- J'espère que tu n'as pas allumé mon mec.

- Ton mec ? Non mais je rêve.

- Ah oui j'oubliai que tu étais une none.

- Allez arrête, il n'y a pas de compèt entre nous et tu le sais très bien, la rassurai-je.

Elle médita ce que je venais de lui dire et acquiesça quelques secondes plus tard en haussant les épaules et en levant les yeux au ciel, imitant très mal la modestie. Mon portable se mit subitement à faire des ronds à côté de ma pina colada et à clignoter comme un véritable sapin de noël. L'appel était masqué et j'étais incapable de savoir qui était la personne qui tentai de me joindre. Gabrielle commanda un autre Mojito au même moment.

- C'est qui ? s'enquit-elle en mâchouillant sa paille.

- Aucune idée, répondis-je en décrochant. Allô ?

Je dus parler fort car la musique du COCO et les conversations alentour étaient toujours très bruyantes. J'avais décroché à la coule, comme un vendredi soir et, l'alcool faisant, je plissais les yeux en espérant que cette technique m'aiderait à mieux entendre. Je ne compris pas du premier coup le nom de mon interlocuteur. Ce n'est que la deuxième fois que mon cerveau fut victime d'un court-circuit.

- C'est Charles ! répéta-t-il.

Je me figeai sur mon tabouret sans répondre. Gabrielle accueillit son verre avec excitation, comme si elle n'avait pas bu depuis des mois et me jeta un regard en biais.

- Ça va ma belle t'es toute blanche ? s'inquiéta-t-elle en sirotant déjà son cocktail.

- Une minute, répondis-je à Charles.

J'éloignai le téléphone de mon oreille et mis ma main dessus pour que charles n'entende pas le vilain mensonge que je servis à Gab.

- C'est qui ? insista-t-elle

- C'est ma mère, elle veut absolument me parler, mentis-je en descendant déjà de mon tabouret. Cet pina colada est bizarre commande-moi autre chose je reviens tout de suite.

Je m'éclipsai un peu plus loin pour ne pas être épié dans ma conversation. Avant de me lancer, je pris le temps de souffler. J'étais branchée sur du cent mille volts. Je n'avais jamais été dans cet état et je ne savais pas encore si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Ça, j'allais bientôt le savoir.

- Qu'est-ce que tu veux ? attaquai-je.

Ah, négatif on dirait.

- Bonsoir Margaret ! chantonna-t-il. On se tutoie à ce que je vois.

Mince.

- Oh oui pardon ! m'excusai-je.

- Ce n'est pas grave, ça me va.

- Comment as-tu eu mon numéro ?

- Ce n'était pas facile ! ricanna-t-il en y repensant. Je suis passé au secrétariat de l'université pour récupérer tous les formulaires de présence de ma conférence et j'ai passé ma soirée à les éplucher un par un. Je n'étais pas sûr de t'y trouver vu que tu n'es pas resté jusqu'à la fin. J'ai eu beaucoup de chance parce qu'il n'y avait qu'une seule fiche portant le nom de Margaret. J'ai prié pour que ce soit toi et pas une autre.

- Tu n'as rien de mieux à faire ? ronchonnai-je.

- En réalité si, énormément, mais je n'ai pas la tête à tout ça.

- Je peux faire quelque chose pour toi ?

La douceur de sa voix refrénait considérablement ma mauvaise humeur. Il s'était donné du mal pour trouver mon numéro, la moindre des choses était de l'écouter.

- Tu fais quelque chose en ce moment ? se lança-t-il

- Oui !

Un long silence gênant s'installa entre nous et quand il reprit la parole sa voix parut différente, plus autoritaire.

- Tu es dans un bar ? demanda Charles très sèchement.

- C'est la musique qui t'a mis sur la piste ? pouffai-je.

À quoi je jouais ? Je prenais un malin plaisir à l'éconduire et le repousser dans le seul et unique but d'observer sa réaction.

- Toute seule ? me questionna-t-il encore.

- Non !

- Dans quel bar tu m'as dit que tu étais déjà ?

- Je ne t'ai pas dit dans quel bar j'étais !

- Alors dis le moi et je t'y rejoindrai, proposa-t-il.

- Désolé, mais je dois y aller. Gab me fait de grands signes.

- Gab ? tonna-t-il. Je vois. Bonne soirée Margaret.

- Mais non c'est...

Il avait raccroché ! La prochaine fois je lui dirai d'arrêter de m'appeler Margaret, c'était ridicule. Enfin, s'il y avait une prochaine fois.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now