Chapitre 11

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J'avais vraiment passé une journée de dingue et rien ne m'aurait fait plus plaisir que de me ruer sous la couette. Je franchis la porte de mon appartement, laissai mon sac tomber à mes pieds et traînai mon corps inerte jusqu'à la cuisine pour boire le seul liquide essentiel à la vie et, non, ce n'était pas de la pina colada. Je l'aurais pourtant parié.

Quand je me suis réveillée le lendemain matin, on ne pouvait pas vraiment dire que j'étais bien dans mes baskets. Moi qui ne buvais jamais avec excès, je pouvais avoir honte de moi. Je n'avais pas supporté de devoir mentir à Gabrielle. C'était pour moi une source de stress insurmontable que j'avais tenté d'apaiser dans les bras chauds et réconfortants des nombreuses Margaritas que j'avais ingurgitées. Ces petits verres aux ombrelles décoratives avaient fait office de coach plutôt douteux.

Pour me punir de ne pas avoir eu l'honnêteté de dire la vérité à Gab, je m'étais retrouvée embringuée dans une situation inextricable. Malgré moi, j'allais devoir sortir avec un homme que je connaissais à peine pour boire un verre. Pour le coup, j'aurais préféré un rendez-vous avec Charles Potens même si son excès de confiance en lui me rendait totalement folle.

La douceur de ma couette m'enveloppait si bien que je crus que je ne sortirais plus jamais de mon lit. Mon corps était une ruine et ma tête s'était transformée en caisse de résonance ultra-performante. Mon crâne me lançait terriblement, victime de pulsassions étranges et douloureuses qui s'élançaient jusqu'à mes tempes. J'aurais voulu rester là, bien au chaud sous les draps un million d'années encore. C'était sans compter sur Squeezy qui, lui, pétait le feu comme jamais.

Passé onze heures, il ne supporta plus ma léthargie et débuta, avec la ferme intention de m'agacer suffisamment pour que je finisse par me lever, une série de bonds et rebonds. Il jouait de mon corps, transformant chaque bosse et chaque pli de mon anatomie en montagnes et gouffres infranchissables.

Je n'eus d'autres choix que d'ouvrir les yeux quand l'une de ses pâtes pelucheuses entraîna ses coussinets jusqu'à mon visage. J'ouvris les yeux, contrainte et forcée, et tombai nez à nez avec mon petit chat d'amour, les moustaches toutes frétillantes, la queue dressée et tremblante d'excitation. Cette petite boule de poils me donna instantanément la pêche et je ne pus que me réveiller avec le sourire.

Ma main glissa tout de suite le long de sa colonne vertébrale, lui arrachant bon nombre de ronronnements de bien être. Ne voulant pas lui faire l'affront d'une séance de câlins trop brève à ses yeux, je traînais encore un peu au lit et m'emparai mon téléphone portable à l'aide de mon unique main libre. Je n'avais pas de nouveaux messages.

Je ne sus pas bien à quoi je m'étais attendue, mais je fus terriblement déçu. Gab dormait sans doute encore à cette heure-ci. Au fond, je crois que je m'étais attendue à un message de Charles Potens. Je n'avais pas été très aimable avec lui hier soir et quand j'avais essayé de rattraper le coup, il m'avait raccroché au nez. Bien qu'il soit un peu agaçant et autoritaire, il était gentil. En tout cas, la question ne se posait plus car il ne me rappellera sans doute jamais. Ce n'était pas si grave, il m'avait sûrement déjà oublié.

Pour ma part, je n'avais pas oublié les conséquences de cet appel caché. Dès ce soir, j'allais devoir prendre sur moi et rencontrer ce fameux serveur du nom de Robin. On pouvait dire que tout lui souriait à celui-ci. Ma mère m'avait forcé malgré elle à lui donner mon numéro et Gab l'avait invité à boire un verre en se faisant passer pour moi. Ce n'était peut-être pas plus mal toutes ces coïncidences. Comme je n'étais pas capable de décider de ce genre de prises de risque toute seule, au moins, le destin le faisait pour moi. Il s'agissait sûrement d'un signe ! L'homme de ma vie, celui qui apaiserait mes peurs et ferait de moi une femme heureuse et normale était peut-être ce Robin. Si je refusais d'aller à ce rendez-vous, je décidais peut-être sans le savoir de tourner le dos à une fabuleuse histoire.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now