Chapitre 34

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La voiture emprunta le chemin menant jusqu'au manoir avec cette fois plus d'entrain que la première fois que j'étais venue ici. Paul se gara pile devant les escaliers comme hier soir et envoya un message avant de sortir de la voiture si bien que je descendis toute seule comme une grande sans qu'il eût besoin de m'ouvrir la portière. Je vis que ça l'irritait légèrement donc je ne pus m'empêcher de le rassurer.

- Vous n'avez pas besoin de m'ouvrir la porte vous savez. Je suis une grande fille.

Paul ne releva pas, trop absorbé par le message qu'il venait d'avoir sans doute en retour du sien.

- Monsieur Potens termine son jogging, il sera là dans très peu de temps. Il veut que vous l'attendiez à l'intérieur et que je vous prépare un thé.

"Il veut". Moi aussi j'avais des volontés et l'attendre assise sur son divan comme la dernière fois dans cette maison qui file la chair de poule, une tasse de thé à la main, non merci. J'avais d'autres projets.

- Non merci Paul ça ira, je vais faire le tour du jardin.

- Mais...

- C'est bon Paul, je vais juste marcher un peu il n'y a pas mort d'homme.

Et je partis aussitôt dans la contemplation de la magnifique propriété de mon petit ami dont l'argent devait emplir les poches à ne plus savoir qu'en faire .

Au début je suivis scrupuleusement les étroits chemins tracés de cailloux blancs, mais me lassais très vite d'aller là où on voulait m'amener. Moi, ce que je voulais voir, c'était le petit étang plein de nénuphars, m'asseoir sur le banc installé sous le saule pleureur et contempler les poissons gober les mouches à la surface de l'eau et c'est ce que je fis. Contrairement à ce que je pensai, au lieu de m'asseoir sagement sur le banc, je m'accroupis sur l'herbe fraîche, au plus près de l'eau et cherchais des yeux les grenouilles qui enchantaient le silence de leur croassement. Je découvris que j'aimais vraiment beaucoup cet endroit et rester là à ne rien faire m'occupa de longues minutes avant que je n'aperçoive la silhouette de Charles courant à grande foulée en direction du manoir.

Le voir comme ça, plein de vie et de sueur déclencha en moi à la fois une fierté exacerbée et un désir non dissimulé. Il était magnifique, comme l'étaient ses représentations de Dieu grec en marbre blanc. Il portait un short ample, style basketteur, un débardeur de sport noir et vert et une super paire de basket qui devait coûter les yeux de la tête. Il courait d'un bon pas, un casque sur les oreilles et un bracelet autour du bras sur lequel était accrochée son iPod dernière génération. Dites donc, question fringues il n'était pas dépensier, mais visiblement on ne négociait pas avec les tenues de sport et les gadgets.

Comme il ne m'avait pas encore vu et qu'il se dirigeait tout droit vers le manoir, je sifflai avec mes doigts et lui fis signe. Malgré son casque il m'entendit et changea très vite de cap pour venir me rejoindre. Lorsqu'il arriva à ma hauteur il s'arrêta net et eut du mal à reprendre son souffle. J'eus droit à un sourire des plus gracieux et il ôta son casque pour le faire glisser dans sa nuque.

- Alors comme ça on ne m'attend pas à l'intérieur ? me taquina-t-il en soufflant.

- Pas vraiment envie d'obéir aujourd'hui !

- Vilaine fille !

- Je ne savais pas que tu courais !

- Je trouve que c'est très important d'avoir une bonne hygiène de vie, s'expliqua-t-il bien qu'il s'agît plus d'une constatation que d'une question.

Il commença ses étirements, me laissant par la même occasion profiter encore un peu de l'étang.

- Tu cours où exactement ?

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant