Chapitre 41

283 24 1
                                    


La soirée se passait divinement bien. Charles et moi discutions beaucoup ce soir-là, surtout de moi. Il faut dire qu'il me bombardait tellement de questions que je n'avais pas le loisir de lui en poser une seule. Je commençai presque à me dire que cet excès d'intérêt pour moi n'était qu'un moyen de passer outre son propre interrogatoire. Pour l'instant, je le laissais volontiers faire, arrivera bien un jour où il n'aura plus d'idée et où je pourrais à ma guise lui demander de me parler un peu plus de lui.

La pile d'assiette vide à côté de nous en disait long sur notre amour pour cette cuisine. Entre les nombreuses questions de Charles à propos de mes parents, de ma vie en général, de la personne que j'étais étant petite fille et le fait de manger, je ne trouvais pas le moindre créneau pour en placer une. Heureusement, une opportunité se présenta à moi quand il posa ses baguettes pour boire un verre d'eau. Venant juste de m'être un énorme sushi dans ma bouche, je me dépêchai de mâcher et l'avalai presque tout rond quand je compris que je n'arriverai pas à le finir avant qu'il ne finisse de boire. Il me regarda amusé et, bien qu'il eût fini son verre avant moi, il attendit poliment que j'en finisse de me battre avec l'algue qui entourait ces si jolis petits rouleaux.

- Tu as quelque chose à me dire ? s'amusa-t-il en s'enfonçant dans le fond de sa chaise.

- Je me demandais..., commençais-je la bouche encore à moitié pleine. Comment tu as fait pour savoir où j'étais ? La ville est grande, j'aurai pu être n'importe où !

- J'ai regardé dans ton téléphone, je suis allé dans tes messages et en épluchant tes conversations avec Gabrielle j'ai vite compris que vous vous donniez souvent rendez-vous là-bas le samedi soir. Alors j'ai tenté ma chance.

- Tu as mon téléphone ? Et tu as lu mes messages ? m'horrifiai-je. Je croyais que tu ne savais pas où il était ?

Il le sortit de sa poche et le fit glisser sur la table pour me le rendre. Pas de doute, c'était bien le mien.

- Alors toute cette scène au bar ça a servi à quoi ? m'agaçai-je.

- Paul l'a effectivement trouvé en ramassant ton assiette dans l'herbe comme tu le pensais. Le problème ce n'était pas que tu aies oublié ton téléphone.

- Alors quoi ?

- Quand je t'ai trouvé dans ce bar avec cet homme, j'ai cru que tu avais fait exprès d'oublier ton portable pour pouvoir passer une soirée tranquille en sa compagnie, m'expliqua-t-il le visage aussi fermé que si la chose s'était réellement produite ainsi.

- Tu sais, la confiance c'est important. Jamais je ne ferais ce genre de choses, lui assurai-je en le voyant tiquer légèrement. Alors, je sais que ce ne sont que des mots, que tu n'es pas obligé de me croire sur parole, mais si tu n'avais pas si peu confiance en toi-même tu me croirais.

- Qu'est-ce qui te fais penser que je n'ai pas confiance en moi ? gloussa-t-il pour cacher ce malaise que j'avais finement décelé chez lui.

- Tu es toujours agressif et méfiant vis-à-vis des autres. Tu ne laisses aucune place à l'improvisation, tu veux toujours tout contrôler et je sais que c'est parce que tu as peur que quelque chose t'échappe ou bien qu'on te fasse souffrir. Je me trompe ?

Il laissa quelques secondes s'égrainer, ses beaux yeux noisette revêtant une profondeur tout à coup très songeuse. Avais-je tapé dans le mille ? Cette carapace si dure ne l'était-elle pas tant que ça ? Je pris sur moi de ne pas enchaîner, lui laissant l'opportunité de répondre à mon analyse.

- Contrôler les autres c'est un peu se contrôler soi-même non ? dit-il enfin.

Bon, je ne pensais pas avoir une question en guise de réponse, mais c'était toujours mieux que le mutisme dans lequel il semblait s'être enfermé depuis des années.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now