Chapitre 31

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Je me relevais comme un pantin à ressort. Dites-moi que le destin ne me déteste pas à ce point-là ? Certaines personnes disent, ma mère en fait partie d'ailleurs, qu'il arrive de bonnes choses à ceux qui font de bonnes actions et, au contraire, qu'il arrive de mauvaises choses à ceux qui en commettent de mauvaises. Le karma parait-il. Une chose est sûre, le karma ne m'aimait pas et vu la façon dont je m'étais éclipsée de chez Charles sans aucune explication, le karma n'avait aucune raison d'être cool avec moi.

Voilà comment j'analysais la situation présente, ou plutôt devrais-je dire le cauchemar. Je n'allais pas sauter partout, courir pour refermer la porte ou que sais-je encore. Il valait mieux que je laisse couler et avec un peu de chance, je pouvais faire comme si je n'étais pas là. Je relevai juste assez la tête pour que le haut de mon visage et la moitié de mon nez dépassent de l'assise du canapé.

Charles se tenait sur le pas de la porte, essoufflé, les cheveux trempés et dégoulinants sur ses épaules, vêtu d'un T-Shirt visiblement enfilé à la hâte car tout de traviole et d'un jean troué involontairement aux genoux. Mon cœur se serra immédiatement lorsque je vis la panique prendre possession des traits de son beau visage. Il ne me vit pas tout de suite, je n'étais d'ailleurs pas encore certaine de vouloir qu'il me voie. De toute façon, ça ne servait à rien de se ruer sur la porte et de tenter d'inventer je ne sais quel mensonge. Ces deux-là étaient nez à nez et rien de ce que je pourrais inventer ne me sortira de la mouise dans laquelle j'étais. Pourtant, cela m'était égal. Complètement égal.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? s'interrogea Gab comme si elle le connaissait depuis toujours.

Je vis Charles complètement dérouté par la situation, ne sachant plus très bien où il était ni ce qu'il devait répondre. Il ne s'était vraisemblablement pas attendu à trouver Gab dans mon appartement et, pire, il semblait chercher dans sa mémoire ou il avait déjà bien pu voir ce visage familier. Quel goujat ! Et je craquais pour un garçon comme ça? Moi ?

- Tu m'as suivis jusqu'ici ? s'étonna-t-elle.

- Euh, je..., barbouilla-t-il comme seule réponse.

Gabrielle commençait déjà à se mouvoir dans tous les sens, gonflant la poitrine dans une sorte de rituel nuptial très étrange et auquel Charles ne semblait pas du tout réceptif. Un peu gêné et désireux de fuir cette situation singulière, il plongea son regard jusqu'au fond de l'appartement et me vit enfin.

Je vis ses yeux pétiller à la fois de colère et de joie. C'était très singulier de le voir si maladroit avec ses propres sentiments. Je me redressai légèrement du canapé et lui fis un signe négatif de la tête tout en articulant clairement un "non" avec mes lèvres. Je ne souhaitais pas devoir fendre le cœur de Gab de bien des façons. Je ne saurais jamais s'il avait eu l'intention de suivre mon conseil car il m'octroya tellement d'attention que Gab finit par se rendre compte qu'il ne l'écoutait pas du tout.

Elle suivit son regard à travers la pièce et fronça les sourcils en revenant sur Charles. Je devais me rendre à l'évidence, je venais de perdre une bataille et il ne servait à rien de continuer de me cacher éternellement dans mon sofa.

- Margaret, il faut que je te parle ! me supplia-t-il d'un ton si persuasif et mélancolique que je n'aurais pas pu le lui refuser.

- Vous vous connaissez ? me demanda-t-elle directement, estomaquée.

Je sortis enfin de derrière ma muraille de tissus et de ouate pour venir me positionner dans le dos de mon amie, ultime rempart entre l'homme pour qui j'avais une tempête de sentiments et moi. Nos regards s'agrippèrent comme deux aimants, incapables tous deux de nous concentrer sur ce qu'il y avait autour.

- Ouh ouh, s'agaça Gab. Je suis là je vous signale ! Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer c'est quoi ce bordel ?

- Margaret et moi sortons ensemble ! déclara calmement Charles sans me quitter des yeux histoire d'observer ma réaction face à cette déclaration.

Ça avait l'aire tellement simple pour lui, tellement immuable que je parvenais à peine à me souvenir ce qui m'avait poussé à douter et remettre en cause notre relation. À part rougir et baisser les yeux, je n'eus rien à ajouter à cela.

- Margaret ? s'horrifia mon amie. C'est quoi ce délire ?

Elle avait dit ça dans un souffle. Elle n'était pas en colère, mais plutôt complètement estomaquée. Gab parvenait à peine à reprendre sa respiration, c'était comme lui apprendre que les dinosaures étaient de retour. J'osai espérer que c'était parce que je sortais avec Charles Potens et pas parce que je sortais avec quelqu'un. J'en aurai été extrêmement vexée.

- On se fréquente depuis très très peu de temps, tentai-je enfin de me défendre bien qu'il n'y ait rien à défendre du tout.

- Avec Charles Potens ?

- Je suis là, gronda le concerné.

- Je sais j'aurai dû t'en parler surtout que tu es folle de lui, commençai-je avant de me faire couper la parole.

- Je ne suis pas FOLLE de lui ! s'opposa-t-elle vivement à cette affirmation en jetant de furtifs coups d'œil à Charles. Et, oui, tu aurais dû m'en parler. C'est sérieux vous deux ?

- Et bien, je ne crois pas que ce soit le moment d'en parler, marmonnai-je mal à l'aise en fuyant le regard de Charles cette fois-ci.

- Au contraire, c'est une très bonne question, fit remarquer Charles.

- Oh mon Dieu, mais j'ai..., commença Gab en posant une main sur sa bouche horrifiée.

Je voyais très bien à quoi elle tentait de faire référence. Elle avait couché avec lui et ça, j'avais déjà bien du mal à admettre que Charles n'avait pas minutieusement choisi sa cible pour me punir. Passons !

- Ne t'inquiète pas pour ça ! Nous n'étions visiblement pas au clair sur la nature de notre relation à ce moment-là, la rassurai-je en jetant un regard mauvais à l'homme éberlué qui se tenait devant moi.

- C'est toi qui m'as giflé ! se sentit obligé de préciser Charles.

- Houla, je crois que je vais vous laisser, s'empressa d'ajouter Gabrielle en récupérant son manteau sur la patère et en se faufilant hors de mon appartement.

- Qu'est-ce que tu fais ? Gab ne t'en va pas reste, la suppliai-je.

- Ne te méprends pas, fit-elle gênée. Je suis vraiment ravie pour toi malgré ce que tu pourrais penser. Je suis juste déçue que tu ne m'en aies pas parlé, ça m'aurait évité de vivre ou de faire des trucs gênants.

- Oh Gab, je suis désolée !

- On en reparlera plus tard, je te laisse !

J'eus beau sortir à mon tour dans le couloir et l'appeler, mais rien n'y fit. Elle me salua de la main et me promit de me téléphoner plus tard, me laissant seule avec Charles. Quand elle disparut dans les escaliers, je sentis de manière très forte ses yeux sur moi.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant