Chapitre 49

231 18 0
                                    


Si la première partie de nuit fut aussi douce que possible, la suite fut plus compliquée. La douleur de ma cheville se réveilla encore plus forte qu'avant de prendre ses fichus médicaments contre la douleur. Elle s'insinua dans mes rêves, les rendant agaçants et pénibles. Je ne la maîtrisais plus vraiment lorsque je perçus, du fond de mes songes des bruits persistants. Il me fallut un moment avant de me rendre compte que ces bruits émanaient de ma chambre. J'ouvris d'abord un œil et vis la lampe du couloir allumer, Charles mollement appuyé contre le montant de la porte, un verre à la main. J'ouvris mon deuxième œil et me redressai en me frottant le visage. J'entendis plus clairement cette fois le bruit qui m'avait tiré de mon sommeil, celui des glaçons qui s'entrechoquent.

- Charles ? m'enquis-je la voix encore tout enrouée.

Un rapide coup d'œil m'apprit qu'il était trois heures et demie du matin.

- Désolé, je ne voulais pas te réveiller.

- Est-ce que tout va bien ? lui demandai-je en me redressant dans mon lit.

- J'aurai grand besoin de compagnie, se contenta-t-il de répondre. Je peux rester avec toi ? chuchota-t-il comme s'il craignait de réveiller la maison.

Je n'eus pas besoin de réfléchir longtemps. Charles ne paraissait pas dans son état normal. Je tapotais le dessus-de-lit à l'endroit de la place vide à ma droite. Il vint me rejoindre et enleva ses chaussures avant de s'installer auprès de moi.

- Je ne pense pas te l'avoir dit, mais je suis heureux que tu sois là !

- Ta soirée ne s'est pas bien passé ? m'inquiétai-je.

Il ne me répondit pas, se contentant une fois de plus de remuer les glaçons dans son verre.

- Qu'est-ce que tu bois ?

- Du whisky !

- Je croyais que tu ne buvais pas d'alcool !

- C'est vrai. Je ne sais pas encore si je vais le boire ou non.

Je lui pris son verre des mains et le posai sur ma table de chevet avant de me tourner à nouveau vers lui. Il n'osait peut-être pas l'avouer, mais manifestement, tout ne c'était pas passé comme il l'avait souhaité. Je vins me blottir tout contre lui et il passa son bras par-dessus mes épaules. Je m'étais endormie devant la télévision et cette dernière tournait encore. A cette heure-ci, il n'y avait plus rien d'intéressant, mais Charles semblait tout de même captivé.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? lui demandai-je en posant ma tête contre son torse, bercée par le tambourinement régulier de son cœur.

- Même les personnes riches ne sont plus aussi généreuses qu'avant. Beaucoup d'entre eux ne sont plus émus par quoi que ce soit depuis longtemps. Certaines personnes pensent que cet argent sert à financer mes recherches sur le cœur artificiel. Ma fortune me joue des tours. Ils ne comprennent pas qu'il ne s'agit pas que du cœur, s'agaça-t-il soudainement. Derrière il a aussi de nombreuses vies à sauver, des personnes comme toi et moi, mais aussi des enfants.

Il souffla et passa ses mains devant son visage. Je n'avais jamais vu cette facette de lui. Il paraissait si vulnérable, si fragile.

- Tu aimes beaucoup les enfants on dirait ! me laissais-je émouvoir.

- Je n'oublie pas que j'en ai été un.

- Comment ça t'est venu ?

- Quoi ?

- Cette idée de vouer ta vie à la création d'un cœur artificiel ?

- C'était une évidence. Une question de vie ou de mort si on veut.

- Tu as quand même récolté l'argent dont tu avais besoin ?

- Oui, mais je déteste devoir faire ça ! Je passe ma soirée à mentir, à serrer des mains, à faire semblant d'appartenir à leur monde. On m'acclame, on me félicite, on me désire et puis l'heure d'après je me retrouve chez moi, seul.

- Tu n'es pas tout seul Charles ! soufflais-je. Regarde-moi !

Il s'exécuta, les yeux brillants.

- Je peux faire quelque chose pour toi ?

- Je peux dormir ici ce soir ?

Il me vit réfléchir l'espace d'un instant et s'empressa d'ajouter quelque chose.

- Je serais sage, j'ai simplement besoin de ne pas être seul.

- Oui bien sûr.

Il ôta sa veste de costume, fit glisser son nœud papillon le long de son col et dégrafa les deux premiers boutons de sa chemise après quoi, il s'engouffra sous la couette avec moi. Nous ne trouvâmes pas le sommeil tout de suite, nous contentant de regarder en silence une émission sur le mystère des pyramides égyptiennes, jusqu'à ce que la fatigue ait raison de nous, de ma douleur et de sa mélancolie.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now