Chapitre 62

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Je ne sais pas pourquoi, mais je ne m'étais pas attendu à ça du tout. Au lieu d'un vieillard tout rabougri comme celui que je m'étais imaginé, se tenait un bel homme d'une trentaine d'années. Il se leva de son fauteuil et vint m'accueillir comme si j'étais Lady Gaga en personne.

- Margaret ! scanda-t-il. Quel plaisir de vous rencontrer.

Pourquoi aujourd'hui tout le monde s'évertuait à faire comme si nous nous connaissions depuis longtemps ?

- Enfin, se corrigea-t-il. De vous rencontrer consciente. Charles me parle beaucoup de vous !

Le Docteur Petitjean s'approcha de moi et saisit ma main pour y laisser un baiser. Ce contact me déplut fortement. Je m'enquis de l'enlever d'entre les siennes aussi vite et poliment que je le pus. Je m'étais fait surprendre. Il sourit face à mon malaise.

- Charles n'avait pas menti ! Vous n'êtes pas très tactile !

- Vous me l'auriez demandé je vous l'aurais dit, me renfrognai-je. Inutile de faire des expériences de ce genre.

Pourquoi Diable Charles racontaient-ils des choses pareilles à son médecin ?

- Vous connaissez bien Charles ?

- Nous sommes amis ! se défendit-il en retournant s'installer derrière son bureau avec sa blouse blanche impeccablement repassée.

- Ah oui ? Je ne savais pas que Charles avait des amis, m'étonnai-je réellement que ce soit le cas.

- Vous lui avez déjà posé la question ?

Non mais pour qui se prenait-il ? Était-ce un reproche ? On ne pouvait pas dire que celui-là pratiquait la langue de bois et je n'aimais pas beaucoup sa manière d'aborder les choses.

- Si vous êtes amis vous devez savoir qu'il n'est pas très bavard en ce qui le concerne.

- C'est tout à fait exact. En fait Charles et moi étions à la même université et bien avant cela à la maternelle ensemble.

- Vous êtes son meilleur ami ?

- On peut dire ça si tant est que Charles accepte un quelconque degré dans l'amitié.

- C'est-à-dire ?

- Je suis son seul ami ! trancha-t-il.

J'étais sidérée de découvrir que Charles avait un ami. Pas que je puisse en douter, quoi que, mais je n'en revenais pas de tout ce que Charles pouvait me passer sous silence juste par pudeur. À cause de lui, je passais pour une gourde. Quelle sorte de petite amie n'était pas au courant de ce genre de détails ?

- Comment vous appelez-vous ?

- George ! Bien ! Et si nous examinions ce pied ?

Il se leva de son siège et s'approcha de moi pour mettre un genou à terre et se saisir de mon pied. Il plongea son regard dans le mien quand il ôta ma chaussure et le contact de ses doigts sur ma peau fit monter en moi un frisson de dégoût. Je pris sur moi de fermer les yeux, espérant que ce moment s'éclipserait en un clin d'œil.

- Vous êtes énigmatique Margaret ! s'amusa Georges en examinant ma cheville.

- Ah oui ? Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

Plus vite je pourrais sortir d'ici, mieux je me porterais. Je ne savais pas trop à quoi il jouait, mais ça ne me plaisait pas.

- Je ne suis pas le premier à vous trouver aussi insondable que belle.

Belle ? Je fis comme si je n'avais pas remarqué cette allusion et me concentrais sur l'autre.

- C'est Charles qui trouve que je suis insondable ? m'offensai-je. Et ben il n'est pas gêné de dire ça. Vous le connaissez depuis longtemps, mais vous n'avez peut-être pas idée de la manière dont il est avec les gens...

- Bien sûr que si !

- Ah oui ? Alors comment est-il ?

Je comptais bien faire tourner cette conversation à mon avantage, mais décidément, tout comme Charles, il était bien trop malin.

- Oh non ! Je ne vous raconterai rien que Charles ne vous ait pas avoué.

- J'ose à peine imaginer ce qu'il vous a dit de moi !

- Rien que du bon ne vous inquiétez pas ! me rassura-t-il en se relevant. Bon, je crois que tout est rentré dans l'ordre. Désirez-vous que je remette votre chaussure ou vous y arriverez toute seule ?

- Je pense pouvoir me débrouiller, répondis-je en me pressant de la remettre au bout de mon pied de peur qu'il nous fasse le remake de cendrillon. C'est vous qui êtes venu au manoir le soir où je me suis tordu la cheville ?

- Oui ! répondit George en retournant s'asseoir dans son fauteuil.

- Don c'est vous qui avez dit à Charles que j'avais une entorse ?

J'avais la version de Charles à propos de cela, mais je voulais confirmer ses dires, histoire d'être bien certaine qu'il n'avait pas tenté de me duper pour que je reste chez lui.

- Pas exactement. J'ai dit que "potentiellement" ça pouvait être une entorse, tout comme votre pied aurait pu être cassé ou bien que vous n'ayez rien. Sans radio et sans réaction de votre part c'était difficile à dire. J'ai préféré gérer ça comme si s'en était une et si ça n'allait pas Charles avait ordre de vous ramener ici. Je suis heureux et triste de constater que cela n'a pas été le cas.

Je crois qu'il était temps pour moi de partir. À croire que c'était une malédiction chez moi. De tout temps, depuis mon adolescence, j'avais toujours eu du mal à me débarrasser des hommes. Plus je les repoussais et plus ils étaient attirés par moi, s'octroyant tous les droits comme si je les aguichais, ce qui n'était jamais le cas. L'indifférence les rendait fous, or je n'avais que ça à leur offrir.

- Très bien ! Je vous remercie de m'avoir reçu, déclarai-je en me levant. Je ne voudrais pas être en retard en cours. Combien vous dois-je ?

- Rien ! C'est Charles qui paie la note.

Évidemment !

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now