Chapitre 42

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Cette soirée en compagnie de Charles fut absolument sublime. J'avais passé un merveilleux et au combien improbable samedi soir. À la fin du repas, je ne vis pas l'ombre de la note et Charles déposa délicatement et d'un air très protecteur sa veste sur mes épaules avant que nous ne sortions. Il était déjà une heure du matin quand nous quittâmes le restaurant, mais Paul attendait dans sa jolie voiture, comme si la fatigue n'avait pas d'emprise sur lui.

Charles prit une grande inspiration et profita de la douceur de la nuit avec un brin de nostalgie dans le regard. Sur le trottoir d'en face, se tenait une femme très sexy avec une crinière brune magnifique ainsi que deux de ses copines qui, malheureusement pour elles, ne pouvaient que passer inaperçu tellement l'aura de cette femme était indiscutable. Au début, elles discutaient, puis la femme sexy regarda dans notre direction en lançant le regard le plus aguicheur qu'il ne m'est jamais été donné de voir. J'étais sur le point de faire la remarque à Charles que celle-ci n'avait pas froid aux yeux quand je remarquai qu'il n'avait d'yeux que pour elle à son tour.

Je ne pourrais exprimer avec des mots assez justes ce que je ressentis. Il y eut d'abord de la peine car j'avais beau être à ses côtés, c'est elle qui captait toute son attention. Ensuite, il y eut de la colère. Comment pouvait-il se laisser distraire aussi facilement avec quelques regards appuyés et lourd de sens, alors même qu'il m'avait faite une de ses tirades anti fille superficielle avant d'arriver au restaurant ? Enfin, je ressentis de la honte. J'avais honte d'être celle que l'on n'hésitait pas à humilier, celle dont l'homme ne se gênait pas pour jouer le jeu de la séduction avec une autre femme qu'elle. J'avais l'air de quoi moi ? Charles lui souriait de bonne grâce, lui montrant par la même occasion qu'il recevait correctement ses signaux, mais aussi qu'il n'y était pas insensible.

L'apothéose fut probablement lorsque les copines de la blonde se mirent à rire de moi. Oui, d'accord, peut-être qu'elles ne riaient pas vraiment de moi, mais j'entrai à ce moment-là dans une telle paranoïa que rien n'aurait pu me faire croire le contraire.

Agacée, je me raclai la gorge pour enfin obtenir l'attention de mon homme et faire cesser cette mascarade qui n'avait que trop duré à mes dépens. J'avais bien l'intention de marquer mon territoire.

Charles reprit enfin conscience de ma présence et je préférai faire comme si je n'avais rien remarqué. Si déjà il n'avait eu d'yeux que pour elle, pas besoin de le pousser dans ses bras en faisant ma jalouse. Je me blottis tendrement contre lui et il me sourit.

- Viens chez moi ! lâcha-t-il comme s'il s'agissait d'un acte fou, d'une urgence absolue.

- Quoi ?

- Rentre avec moi ! reformula-t-il sa demande. J'aimerais que nous finissions cette soirée ensemble.

Il se colla sensuellement contre moi au point que je pus sentir les impulsions de son corps pressé contre le mien. Si j'acceptai, je savais très bien ce qui m'attendait et je n'étais pas du tout prête pour ça.

- Il est tard, je préfère rentrer, murmurai-je aussi tendrement possible pour ne pas le vexer.

Ce fut sans compter sur sa grande capacité de frustration. Je le vis se mordre l'intérieur de la joue ce qui lui pinça légèrement les lèvres. C'est vrai que je n'étais pas très à l'écoute de ses envies, mais ce n'était, pour le moment, pas du tout dans la liste de mes compromis possibles et envisageables. Il allait devoir être patient.

Je sentis que je perdis tout intérêt à ses yeux lorsqu'il me relâcha et jeta un œil à la femme sexy de l'autre côté de la rue. À l'intérieur de moi, une alarme se déclencha. Je sentis tout à coup que je devais tout faire pour capter à nouveau son attention, lui montrer que j'étais là pour lui et que je l'aimais même si je refusais toute situation qui pourrait nous conduire trop loin sous ses draps.

Sur le moment, je me dis qu'il aurait été tellement plus simple qu'il soit au courant. Il ne se serait pas senti rejeté, il aurait compris que ça n'avait rien à voir avec lui, mais qu'au contraire le problème venait de moi. Je pris son visage entre mes mains et tentai de faire de mon mieux pour le rassurer.

- Hey ! le hélai-je pour qu'il me regarde dans les yeux. J'ai passé une soirée absolument magique. On se voit demain ? lui proposai-je.

- Je ne sais pas, répondit-il froidement en enlevant mes mains de son visage. J'ai pris pas mal de retard dans mon travail. Je t'appellerai.

Tout en lui, sa posture, sa voix, le ton qu'il employait, son regard, n'avait que pour seul objectif de me repousser, me tenir à distance. Je n'insistai pas plus, mais mis les bouchées doubles pour qu'il comprenne bien que ce n'était pas parce que je ne rentrais pas avec lui que je n'avais pas d'affection pour lui. Je dus me mettre sur la pointe des pieds pour l'embrasser car il ne fit aucun effort pour que j'y parvienne. Je donnai tout ce que j'avais. Je m'accrochai furieusement à son cou, l'embrassant comme jamais je ne l'avais embrassé, y mettant de la passion et du désir autant que la décence le permettait. Il ne répondit pas à mon baiser avec la fougue que j'aurais espéré et il y mit terme quelques secondes plus tard.

- Bonne soirée, se contenta-t-il de me saluer en ouvrant la portière conducteur de sa voiture.

- Passé à côté Paul, je vais conduire ! lui ordonna Charles en me laissant sur le trottoir sans un regard de plus de sa part.

- Vous êtes sûr Monsieur ?

Charles ne prit même pas la peine de confirmer ses dires. Il n'était visiblement pas d'humeur à ce qu'on le contredise davantage. Il se contenta d'observer Paul qui ne tarda pas à s'extraire hors de la voiture pour en faire le tour et se rendre côté passager.

- Je garde mon téléphone près de moi ! lançai-je à Charles pour tenter de capter une dernière fois son attention.

Ça n'eut pas beaucoup d'effets. Charles s'engouffra dans la voiture aux vitres teintées le regard noir. Un sentiment horrible d'impuissance s'empara de moi. Je venais de le perdre, lui, son intérêt pour moi et son envie de percer ma carapace. Il jetait l'éponge et je l'avais mérité. Sa voiture resta à sa place, fumante, le moteur vrombissant, jusqu'à ce que je monte dans la mienne, que je mette le contact et que je prenne ce virage à gauche qui me fit le perdre de vue.

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