Chapitre 64

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J'avais bien compris que Gontran n'était pas du genre nourriture diététique et, en tant qu'hôte, je ne me voyais pas le laisser venir avec sa propre nourriture. Malheureusement pour moi, je n'avais pas la moindre idée de ce que je pouvais cuisiner pour lui faire plaisir. Plutôt qu'un plat élaboré, je misais sur plusieurs petites choses à picorer durant tout le temps que durerait notre labeur. Je sortis un paquet de pop-corn aromatisé aux herbes, des mini-pizzas et fis par quelques brochettes de tomates cerises et billes de mozzarella. J'osais espérer que ça lui plairait.

Quand il débarqua à l'heure dite, ses cheveux blancs en pétard et un pack de bières fraîches à la main, je ne sus si je devais le houspiller ou bien lui sauter dans les bras pour y avoir pensé. Du travail et de l'alcool, rien de mieux pour oublier mes petits tracas. Nous nous installâmes dans le salon, sur le canapé, munis de nos notes respectives et de nos ordinateurs portables.

Je m'étais assise sur le canapé tandis que Gontran avait opté pour le tapis. Nous mîmes en commun notre travail, le fruit de nos recherches et eûmes plusieurs débats houleux à propos de diverses choses.

- On ne peut pas se faire justice tout seul ! déclarai-je pour contrer les dires de Gontran en buvant une gorgée de bière.

- Ah oui ? Et pourquoi pas ? Qui est mieux à même de comprendre et de juger du préjudice que tu as subi ? Toi ou un parfait inconnu ?

- Un parfait inconnu au fait des lois, rectifiais-je. Un juge n'est pas n'importe qui quand même.

- Mais la justice, c'est plus qu'une instance toute puissante avec des hommes et des femmes corrompues dont le sentiment de justice peut s'acheter.

Il partait un peu loin, mais au final je voyais bien que tout ça lui tenait vraiment à cœur. Gontran était un homme très cultivé et dont les idéologies étaient fermement établies et ne souffraient d'aucunes négociations. Il était intransigeant, néanmoins, le sujet valait qu'on en discute pour étoffer notre point de vue et les différents axes de notre travail.

Au bout d'une bonne demi-heure, nous fîmes une petite pause. Gontran reprit une bière, mais ne put l'ouvrir faute de retrouver le décapsuleur que j'avais pourtant laissé sur la table basse.

- Pourquoi tu ne la décapsules pas avec tes dents comme le font les vrais hommes ? le taquinai-je suffisamment en confiance pour espérer qu'il comprenne mon humour.

- Parce que les vrais hommes n'ont sûrement pas un sourire de star comme le mien. Sourire qui a coûté une petite fortune à mes parents en frais d'orthodontie. En revanche, si tu te sens d'assumer le rôle de l'homme, je t'en prie, ne t'en prives pas.

- OK ! capitulai-je devant ce plaidoyer fort bien ficelé. Je vais voir à la cuisine si je n'en ai pas un deuxième.

À vrai dire, je savais très bien que j'en avais un deuxième et c'est en me dirigeant, ma bière à la main, à la cuisine que quelqu'un frappa à ma porte. Je fus plutôt surprise étant donné l'heure, mais ça ne m'aurait pas étonné de Gabrielle par exemple. J'ouvris la porte et découvris avec consternation l'identité de mon invité.

- Charles !

- Bonsoir Margaret ! me salua-t-il en déposant un baiser sur mon front.

Je n'en revenais pas de le voir ici. Une foule de sentiments prirent possession de mon corps en cet instant. J'étais surexcitée de le voir, ravie, joyeuse, exaltée, mais en même temps terriblement angoissée et stressée. Je savais par l'intermédiaire de Paul qu'il avait été furieux que je quitte le manoir en son absence et de plus, comme si nos retrouvailles n'auraient pas été assez délicates à gérer, Gontran m'attendait sagement assit sur mon tapis. Si Charles sautait déjà au plafond parce qu'un homme essayait de m'aider à monter les escaliers, là qu'est-ce qu'il allait dire ? Bien sûr, au fond, cette situation était ridicule. Charles n'avait absolument rien à craindre, mais lui faire comprendre aurait eu le même effet que si j'essayais de faire un panier au basket avec les yeux fermés. C'était l'échec assuré. Du coup, je paniquai un peu, comme si j'étais prise sur le fait.

Cœur ArtificielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant